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Nos personnes aînées vulnérables et isolées

Par Serge St-Arneault, M.Afr

J’ai eu le privilège d’être invité à prendre part à une discussion de groupe sur le thème des personnes aînées vulnérables et isolées. J’ai apprécié les échanges d’expérience. J’ai découvert des personnes blessées par les épreuves et, en même temps, d’une grande humanité. L’entraide existe. Le souci de l’autre et de son bien-être est une belle valeur. Le seul fait de trouver un endroit pour en parler est très bénéfique. Osons espérer que cet échange permettra aux organisateurs d’améliorer leur approche auprès de nos personnes aînées vulnérables et seules.

Bref compte rendu de la réunion tenue au
Centre communautaire Ste-Catherine d’Alexandrie (1700 Atateken)

Parrainé par la Communauté bienveillante envers les personnes aînées du territoire Jeanne-Mance sous la direction de Marie-Josée Dupuis, organisatrice communautaire, Santé publique territoriale et développement des communautés. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal (CCSMTL), direction des services généraux et des partenariats urbains (DGSPU)

Groupe de discussion; personnes aînées -15 juin de 12h30 à 14h

Animateur : Stéphane Rivard. Nombre de participants : 7

Étape 1. Description d’une personne âgée vulnérable et isolée

Il peut s’agir d’une femme comme d’un homme à mobilité réduite avec un revenu précaire ou modeste, sans conjoint ou enfants. Il arrive qu’une telle personne ait connu ou connaît encore des problèmes de dépendance, problèmes de consommation ou ayant besoin d’une médication pour un trouble important de santé. Il est possible aussi qu’une telle personne soit partiellement analphabète vivant de l’anxiété, du stress, sujet à de la fatigue chronique et manquant de propreté dans son logement, faute d’aide. Ces personnes sont susceptibles de craindre d’être jugées par les autres à cause de leur mobilité réduite utilisant une marchette ou un déambulateur ou encore à cause de leur manque d’estime associé à leur embonpoint ou autre déficience physique. L’isolement s’enracine alors dans la tristesse de vivre et la peur. Ces personnes sont parfois vulnérables aux fraudes ou à la maltraitance ne sachant pas où et comment demander de l’aide.

Finalement, ces personnes hésiteront à demander de l’aide par peur de se retrouver dans un Centre d’Hébergement et de Soins de Longue Durée (CHSLD). La réputation de ces centres d’hébergement a été entachée par les dramatiques reportages diffusés aux nouvelles télévisées, particulièrement au début de la pandémie de la Covid-19.

Un autre aspect à prendre en compte est l’incompétence de certains intervenants ou certaines intervenantes employées dans des immeubles résidentiels. Or, leur but est de venir en aide aux personnes à risque et de trouver des solutions aux problèmes que vivent les personnes seules. Cette crise de confiance est très dommageable.

Étape 2. Comment joindre les personnes seules et vulnérables ?

La crise de confiance évoquée plus haut est le nœud du problème. Il est souhaitable qu’une confiance s’établisse entre les personnes qui vivent dans une même résidence. Un bon voisinage résout bien des problèmes. Mais cela ne règle pas tout. À cause de leur antécédent, il arrive que des gens refusent toute forme d’aide et ferment littéralement leur porte aux visiteurs.

Que faire ?

Il n’est pas facile de répondre à cette question. Idéalement, dans un esprit de confiance entre voisins ou entre personnes seules et leurs intervenants, chacune d’entre elles peut se découvrir des talents cachés. Il ne faut jamais sous-estimer les capacités des gens à mobilité réduite ou isolée de faire preuve de créativité.

Afin de surmonter les manquements, la voie semble être la suivante :

  1. Prendre connaissance des ressources disponibles pour venir en aide aux personnes seules grâce à un bon voisinage, à un professionnalisme au niveau des services offerts dans une résidence, à des services sociaux humains et compétents ou grâce à la bonne humeur d’un pharmacien, etc. 
  2. Se mobiliser dans un esprit d’entraide mutuel afin de trouver de l’aide professionnelle. Celle-ci existe.
  3. Accroître la stimulation malgré les problèmes de surdité, de cécité ou manque d’estime de soi.

Fondamentalement, c’est une question « relationnelle ». Sans relations, nous dépérissons. Certes, la pauvreté entraîne une spirale de problèmes qui s’enracine de plus en plus avec le temps. Or, avoir des relations ne règle pas tout. Le danger des mauvaises relations peut engendrer des tentatives de fraudes ou de maltraitances. Cet aspect a été évoqué plus haut.

Un autre point soulevé par les participants est celui de la vigilance; comment se soucier des uns des autres. Il est très regrettable que des personnes aînées vulnérables et isolées soient découvertes en état de décomposition dans leur appartement des semaines après un décès.

Il faut se rappeler que le bénévolat demeure une œuvre très constructive pour éviter le piège de l’isolement.

Finalement, il a été suggéré d’organiser des visites dans des Centre d’Hébergement et de Soins de Longue Durée (CHSLD) pour les personnes isolées et craintives de se retrouver dans un tel établissement. Le but est de chasser leur peur. Il est très probable qu’elles n’ont pas connaissance des bons soins prodigués par le personnel des CHSLD.

Jubilé d’or sacerdotal du père Jacques Poirier

Plusieurs confrères de Sherbrooke, Luc Perreault, Denis Bergeron et Bernard Bergeron et de Montréal, Julien Cormier, Jacques Charon et Serge St-Arneault ainsi que trois sœurs, Rita Toutant, Daphné Alphonso et Gratienne Ndizeye se sont retrouvés à l’église Saint-Pie X de Drummondville pour le jubilé d’or sacerdotal de Jacques Poirier.

Saint-Pie X

C’est dans cette église que Jacques a été ordonné prêtre il y a 50 ans. Après la messe, plusieurs paroissiens ont visionné le cours métrage intitulé « Où habites-tu ? » réalisé par Radio-Canada en 1979 qui illustrait le travail missionnaire de Jacques. Les membres de la famille, les confrères et consœurs, et les amies et amis de Jacques ont par la suite partager un repas festif au sous-sol de l’église.

Court métrage « Où habites-tu ? »

Film d’une quarantaine de minutes tourné au Burundi en 1979 par Radio-Canada, dans le cadre de l’émission Second Regard, sur un jeune homme missionnaire (Jacques Poirier) et ses motivations à consacré sa vie à l’annonce de l’Évangile en Afrique. Quelques jours après la parution de ce film, Jacques était expulsé du Burundi avec 300 autres missionnaires dans un intervalle de huit ans. L’Église du Burundi était alors considérée par le gouvernement comme trop influente auprès des Barundi, ce qui déplaisait aux dirigeants d’alors jusqu’à expulser des missionnaires pour en endiguer le prestige. Jacques faisait partie de la première vague des expulsés. Il était accusé d’être un danger pour la sécurité de l’État pour avoir prêché le pardon des ennemis.

Confrères et consœurs de Jacques Poirier

La famille de Jacques Poirier

Reportage du jubilé d’or du père Jacques Poirier à Ouagadougou au Burkina Faso.

Le père Jacques Poirier vicaire à la paroisse Saint-Jean XXIII de Ouagadougou a célébré le dimanche 22 mai dernier, ses 50 ans de vie sacerdotale. La célébration a connu une ambiance particulière avec les fidèles catholiques de ladite paroisse ainsi que les religieux et religieuses. Le jubilé est rehaussé par la présence de Monseigneur Justin Kientega, évêque du diocèse de Ouahigouya.

C’est l’élu du jour qui a présidé la messe. Sa vocation sacerdotale a débuté quand il était tout jeune élève du primaire dans son pays le Canada. Il raconte que c’est un vieux missionnaire qui est venu parler de l’Afrique, notamment les lions et certains Africains qui ne connaissaient pas Jésus Christ. C’est ainsi qu’il décide de devenir missionnaire d’Afrique avec la communauté des Pères Blancs pour annoncer Jésus aux Africains. Ordonné en 1972, le jeune Jacques est envoyé au Burundi, où il passe sept, avant d’être expulsé du pays, car considéré comme un danger par les autorités du pays.

Après cette étape, ses supérieurs l’envoient en mission en Côte d’Ivoire. Il va y passer onze ans. Le père Poirier rejoindra par la suite le Burkina Faso. Au pays des Hommes Intègres, il s’occupe de la formation des futurs serviteurs de Dieu pendant 12 ans, avant de rejoindre la paroisse Saint-Jean XXIII. Il est vicaire depuis une année.

Dans son homélie, le jubilaire ne cesse d’affirmer avec joie que « le Seigneur ne m’a jamais laissé tomber, il est toujours avec moi ». Le père demande aux chrétiens de toujours continuer à chercher Jésus Christ. « Jésus est là, à côté de vous et il vous accompagne », souligne le père Jacques Poirier.

Après 50 ans de vie au service du Christ, l’homme de Dieu ne compte pas se reposer. Il explique qu’il est missionnaire à vie et il va toujours continuer à servir Dieu partout où le besoin se fera sentir.

Jean Narcisse KOUDOU

BLOGUE DE JACQUES POIRIER

Ô MON AMI

En 1976, au Burundi, je pensais à mes deux sœurs qui venaient de se marier. Elles avaient choisi pour l’ouverture de leur bal la musique de « on ne vit pas sans se dire adieu ». Comme je n’avais pas les paroles, j’en ai composées. Ces paroles, que vous trouvez ci-dessous, vous pouvez les faire vôtres. Elles sont un dialogue entre Jésus et saint Pierre, entre Jésus et moi, entre Jésus et vous.

L’image qui accompagne ce texte est le portrait du visage de Jésus que l’on découvre en regardant bien. Une fois qu’on l’a vu, on ne peut plus l’oublier. C’est la même chose dans notre vie.

Ô mon ami, toi que j’ai choisi,
Est-ce que tu m’aimes plus que tous ceux-ci ?

Tu sais bien, Seigneur, que je t’aime,
Même si parfois je suis loin de toi.

Ô mon ami, je suis mort pour toi :
Va vers les autres apporter ma joie.

Pardonne-moi, Seigneur, je suis un pécheur :
Viens avec moi là où tu m’envoies.

Ô mon ami, reçois mon Esprit :
Il guidera ton chemin vers moi.

Ô merci, Seigneur, tu es avec moi,
Et, avec toi, je prendrai ma croix.

Ô merci, Seigneur, tu es tout pour moi,
Et dans la joie, j’irai vers toi.

AUTRE LIEN

Église catholique Drummondville

Parc nommé à la mémoire de Maud Haviernick

« Aller au bout de ses rêves, peu importe », telle était sa devise.

Par la création de ce parc, la Ville de Deux-Montagnes honore la mémoire de Maud Haviernick, fille très chère d’une citoyenne de Deux-Montagnes, ayant perdu la vie dans la tragédie de l’École polytechnique de Montréal.

Maud Haviernick détenait un diplôme en Design de l’environnement de l’Université du Québec à Montréal. Elle terminait des études en Génie métallurgique à l’École Polytechnique, rendant possible son rêve de devenir ingénieure. Elle a été reçue membre de l’Ordre des ingénieurs du Québec en avril 1990, à titre posthume.

L’avenir de Maud Haviernick était rempli de possibilités. Par cette commémoration, elle restera une source d’inspiration pour tous et toutes.

Tante Maud, persévérante et déterminée, tu nous inspireras toujours. »
– Tes neveux et nièces

Le 29 mai 2022 – Parc Maud Haviernick

Concours de poésie Mémoire Complice 2022

Allez au bout de ses rêves, peu importe

Deux-Montagnes, 29 mai 2022, … Enfin!

Chers Invité.es

C’est un immense plaisir de vous accueillir ici, en ces lieux inspirants pour vous offrir ces magnifiques recueils de mots qui nous ont ébloui et qui, je l’espère, feront de même pour vous lorsque qu’ils seront lus par nos jeunes poètes et poétesses avec enthousiasme, j’en suis certaine.

Pour ce premier concours de poésie de Mémoire Complice, le thème abordé a été – Allez au bout de ses rêves, peu importe!

Thème inscrit sur cette plaque honorifique soulignant le nom d’une jeune femme de notre région, de nos lieux de vie à tous et toutes, pour la plupart d’entre nous depuis plusieurs années.

Ce nom, Maud Haviernick, ma sœur cadette, qui à un tournant de sa vie a perdu la sienne en un lieu pourtant capteur de rêves – Polytechnique, le 6 décembre 1989.

Que faisait-elle là-bas, ce jour là? Elle poursuivait un rêve, celui de devenir ingénieure. Pourquoi ingénieure? Pourquoi ce rêve?

Simplement pour être capable de pouvoir créer des lieux de vie à son goût, ici et ailleurs.

La porte de ce projet de vie s’était entr’ouverte à l’École de Design de l’Université du Québec à Montréal. Mais après quelques années, force était d’admettre que pour aller au bout de ce rêve, il fallait aller plus loin, plus haut, en fait, en haut de la Montagne – à l’École Polytechnique de l’Université de Montréal.

Et sa devise, chère à nos mémoires – Aller au bout de ses rêves, peu importe, vous jeunes auteurs, autrices vous y avez été fidèles.

Car peu importe, l’effort d’écrire, les craintes de vous exposer devant l’inconnu, les émotions en sentant remonter des sentiments parfois troubles, vous êtes ici aujourd’hui avec nous, en ce lieu serein, inspirant, ouvert vers le rêve, le vôtre.

Que cet espace puisse encore aider nos jeunes à s’arrêter, respirer et rêver toujours.

Un grand Merci pour vos écrits!
Sylvie Haviernick, sœur de Maud pour toujours

Le 6 décembre 1989 – La Mouvance, Centre de Femmes à Saint-Eustache

Honorer la mémoire de ces 14 femmes,

contrer la violence envers les femmes, toutes les femmes !

Montréal, 6 décembre 1989,… 30 ans déjà !

Avant ce triste après-midi, le 6 décembre était une journée parmi tant d’autres. Mais, il y a 30 ans, cette journée est devenue une date que beaucoup d’entre nous n’oublieront jamais. Le 6 décembre 1989 marquait un point tournant dans l’histoire des femmes d’ici, un moment d’une rare VIOLENCE dans notre société québécoise moderne.

Que reste-t-il du 6 décembre 1989 ?

Certains diront quelques monuments, une Place du 6 décembre 1989, quelques œuvres d’art, un film marquant, des écrits, nombreux,…

Il nous reste surtout une promesse, celle de ne jamais oublier cette date, mais surtout, de ne jamais oublier ces quatorze femmes, fauchées par la haine d’un homme, pourtant jeune.

Que me reste-t-il du 6 décembre 1989 ?

Un souvenir, non, de nombreux souvenirs,…

Je me rappelle ce que ma mère me disait; Sylvie, c’est toi l’aînée, mon double, la deuxième mère. Tu sais ma fille, je connais ta nature un peu téméraire, mais n’oublie jamais, et peu importe ce que ça demande, de toujours ramener ton monde, avec tous leurs morceaux, à la maison.

Ce soir du 6 décembre 1989, malgré l’effort, je n’ai pas pu, je n’ai pas su, …

Ce soir du 6 décembre 1989, le temps s’est arrêté pour moi.

Que reste-t-il de toi, ma sœur tant aimée? Des souvenirs, des rêves inachevés, les tiens, les miens, les nôtres,…

Le plus important, il me reste ton immense sourire, gravé dans ma mémoire.

Ce sourire, qui m’a toujours, pas seulement moi, mais combien d’autres, fait craquer et amener à faire plein de choses, parfois assez étranges.

Comme, marcher dans la rue pour le respect de la vie des femmes,…

Comme, écrire des pages et des pages pour rappeler une date précise, toujours la même, et solliciter l’harmonie entre les hommes et les femmes,…

Comme, obliger les représentants de nos sociétés à prendre position pour le maintien de la paix dans nos vies, sans armes,…

Comme, raconter nos aventures à tes nombreux neveux et nièces qui rêvent de t’avoir connu, et d’avoir pu participer à toutes ces folles rencontres de famille, même si d’autres ont eu lieu après ton départ, avec je l’avoue, un peu moins de folie,…

Longtemps, j’ai cru t’avoir perdu, mais une personne d’une grande bonté m’a dit un jour; vous cherchez dans la mauvaise direction, ne regardez pas derrière, c’est le passé. Regardez devant, c’est l’avenir!

Cette personne ajoutera, vous, l’aînée, votre sœur cadette vous a dépassé, elle marche devant maintenant.

Voilà, ce que tu es devenue, mon guide, ma lumière, et tu marches devant pour ouvrir le sentier.

Comme j’ai appris en forêt, il y a très longtemps, j’ai promis, et oui, en tout premier lieu à notre maman, que je serais un bon serre-file et que jamais je ne laisserais personne derrière moi,…

Et au cours de ces années, enfin, j’ai su retrouver le chemin du retour pour Toi et Moi car hier après-midi, au bord du Lac des Deux-Montagnes, je t’ai vu sourire.

Bon retour à la maison dans notre région tant aimée! Sylvie, ta grande sœur qui t’aime encore comme au matin de ce 6 décembre 1989, et peut-être plus encore!

L’Encéphalomyélite Myalgique sévère (EM)

Lettre adressée à l’honorable Christian Dubé

Honorable Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux,

Je connais une personne atteinte de l’Encéphalomyélite Myalgique sévère (syndrome de fatigue chronique ou EM/SFC) du nom de Myriam-Rachelle Lopez. Le 19 mai dernier, vous avez fait l’annonce de l’ouverture de 15 cliniques spécialisées pour la prise en charge de la Covid longue et la maladie de Lyme, sans inclure les patients atteints de l’EM. C’est très décevant puisque les similarités entre l’EM et la Covid longue sont connues.

Vous avez aujourd’hui l’opportunité incroyable d’inclure 70 000 de vos concitoyens souffrant de l’EM dans ces 15 cliniques et enfin d’ouvrir un dialogue entre les patients/soignants, les chercheurs et les professionnels de la santé.

Il est temps d’agir pour les patients atteints de l’Encéphalomyélite Myalgique sévère.

Cordialement. Serge St-Arneault, M.Afr

NOUS VOUS INVITONS À ADRESSER UNE COPIE
DE CETTE LETTRE AVEC VOTRE NOM AU MINISTRE DUBÉ

Par courriel : ministre@msss.gouv.qc.ca

Ou par l’adresse postale : Ministère de la Santé et des Services sociaux, Édifice Catherine-De-Longpré, 1075, chemin Sainte-Foy, 15e étage, Québec (Québec) G1S 2M1

Lettre de Myriam-Rachelle Lopez adressée à l’honorable Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux.

Myriam-Rachelle Lopez

Cette semaine, je suis descendue au rez-de-chaussée pour rejoindre ma mère. Elle m’a dit : «Eh que tu es bonne d’être descendue». Il n’y avait aucune ironie, juste de l’amour et de la compassion. La raison est que je quitte très peu mon lit depuis un peu plus d’un an.

J’ai 39 ans, et je suis atteinte d’Encéphalomyélite Myalgique sévère (syndrome de fatigue chronique ou EM/SFC). Ma mère de 70 ans est ma proche aidante. La maladie est tellement invalidante et incapacitante que le simple fait d’être capable de sortir de mon lit et descendre les escaliers nous a inspiré beaucoup de joie et d’espoir. Notre espoir est en celui de meilleurs jours, de meilleurs soins et d’une meilleure prise en charge de la maladie par le système de santé.

Le 19 mai dernier, vous avez fait l’annonce de l’ouverture de 15 cliniques spécialisées pour la prise en charge de la Covid longue et la maladie de Lyme, sans inclure les patients atteints de l’Encéphalomyélite Myalgique sévère. Le choc a été violent. Ces cliniques sont un espoir longtemps espéré par les patients atteints de l’EM. Comment expliquez-vous que 15 cliniques soient offertes pour une estimation de 23 000 patients souffrants de la Covid longue alors que 70 000 personnes atteintes de l’EM au Québec, souffrant de symptômes très similaires, sont mises de côté du revers de la main ?

J’ai développé l’EM à l’adolescence à la suite d’une mononucléose. Il s’agit aussi dans mon cas d’un syndrome post-viral tout comme la Covid longue, pourtant après 24 années à souffrir de cette maladie complexe, je n’ai toujours pas accès à des soins spécialisés.

L’ignorance, le déni et les préjugés que les enfants et les adultes atteints de l’EM subissent, jusqu’à présent, de la part du système de santé, les ont marginalisés dans le meilleur des cas et ignorés dans le pire des cas. Cela dure depuis trop longtemps.

Vous avez aujourd’hui l’opportunité incroyable d’inclure 70 000 de vos concitoyens souffrant de l’EM dans ces 15 cliniques et enfin d’ouvrir un dialogue entre les patients/soignants, les chercheurs et les professionnels de la santé.

Il est temps d’agir pour les patients atteints de l’EM.

Cordialement.

Myriam-Rachelle Lopez (membre de l’AQEM)

Association Québécoise de l’Encéphalomyélite Myalgique (AQEM)

AUTRE LIEN :

Une quinzaine de cliniques déployées pour qu’on prenne en charge les symptômes de la COVID longue et de la maladie de Lyme

« Une étape à la fois, » Justin Trudeau

Serge St-Arneault, M.Afr, Montréal, 31 mai 2022

Jeune, je me rappelle la forte impression que m’a laissée la nouvelle diffusée sur les ondes de la radio locale CFLM de La Tuque : « Le maire Lucien Filion se rendra à Ottawa pour rencontrer de hauts fonctionnaires. » Je ne sais plus de quoi il s’agissait, mais cela devait être très important. Ottawa! La capitale lointaine du Canada et, en plus, il allait rencontrer des gens importants et influents. Wow!

Justin Trudeau et Serge St-Arneault

Dans mon imaginaire, ce monde revêtait une étrangeté presque mystique. Prendre la peine d’aller à Ottawa relevait d’un exploit et comportait des risques. Et voilà que je suis revenu d’Ottawa hier pour la xième fois depuis cinq ans. Rien ne correspondait à mon imaginaire d’enfant. J’ai rencontré plusieurs ministres et députés et même le premier ministre Justin Trudeau avec lequel j’ai eu un bref entretien avec une bonne poignée de main chaleureuse. Je n’ai rencontré que des politiciens attentifs, accueillants, souriants, profondément humains et reconnaissants pour notre présence.

La conférence de presse à laquelle nous étions invités s’est avérée un moment historique sur le chemin d’un contrôle des armes à feu dans notre pays. Le gouvernement annonçait un projet de loi audacieux vers une nouvelle étape pour mettre en place de réelles mesures de protection publique face à la prolifération des armes de poing tout en promettant d’autres mesures pour bannir les armes d’assaut de type militaire. Nous étions euphoriques d’entendre cela.

Conférence de presse
Rachel Bendayen

Avant de nos rendre à la salle de réception du Château Laurier où une importante délégation de journalistes et de caméramans nous attendait, nous avons été accueillis au bureau de Rachel Bendayen, députée et grande partenaire de PolySeSouvient. Puis, nous nous sommes dirigés vers le bureau du ministre de la Santé publique Marco Mendicino. Il m’a expliqué qu’il est avocat de profession. Je l’ai senti ému de constater notre importante délégation pour soutenir le nouveau projet de loi. Le C-21.

Sur cette photo, je suis entre le ministre Marco Mendicino et Alison Irons de Toronto.

Serge et Wendy Cukier

J’ai eu la joie aussi de revoir Wendy Cukier de Toronto et porte-parole de la Coalition pour le contrôle des armes. Notre précédente rencontre remonte à plus de vingt ans.

Ce n’était pas vraiment mon intention de porter ce vêtement. En fait, mon bel habit ne me fait plus. Ou plutôt, mon gabarit n’est plus ajusté à l’habit. Bref, pour une rare fois, tous ensemble, nous étions dans un esprit festif, joyeux. De PolySeSouvient, en plus de moi, il y a eu Heidi, Boufeldja, Jean-François, Nathalie, Sylvie et Suzanne.

Justin Trudeau et Luna Vadlamudy

Nous nous sommes donc retrouvés au Château Laurier pour la conférence de presse. Nous avons attendu un bon moment. C’est là que j’ai fait connaissance avec une adolescente de 16 ans, Luna Vadlamudy, d’origine indienne, qui représentait l’organisme « Ensemble pour Thomas », un jeune homme qui a été tué par balle dans le quartier Saint-Michel à Montréal en novembre 2021.

Château Laurier
Serge et Greg Fergus

Je tiens aussi à souligner le député de Hull-Aylmer Greg Fergus. Il est secrétaire parlementaire du premier ministre et de la présidente du Conseil du Trésor. Nous avons eu une très belle conservation. Il m’a certifié qu’il y a une unité au sein du Parti libéral canadien sur la question du contrôle des armes à feu. Peut-être aurons-nous la chance de nous revoir.

Une étape à la fois

J’avais déjà parlé brièvement au premier ministre Justin Trudeau le 6 décembre 2021 sur le Mont-Royal lors de la cérémonie annuelle de commémoration de la tragédie de la Polytechnique. Aux côtés de Nathalie Provost, nous lui demandions pour combien de temps nous devrions attendre pour que le gouvernement agisse. Voici ce qu’il nous a dit : « Nous y arriverons. Nous procéderons pas à pas, une étape à la fois. »

Le mot ÉTAPE est le mot clef que je retiens de mon expérience avec le monde politique, celui de Justin Trudeau. Je commence à comprendre que ce politicien a une vision à plus long terme que les politiciens populistes à courte vue. Nous avons souvent des réprimandes à faire sur son style de leadership, mais je suis maintenant d’avis qu’il est un réel homme politique.

Il procède par étapes. Il a un plan d’avenir. Ce plan englobe beaucoup de points sensibles tels que la réconciliation avec les Peuples autochtones pour ne nommer que celui-là. En plus des enjeux imprévus comme la pandémie de la Covid-19 ou la guerre en Ukraine, le gouvernement fait preuve d’audace, certes calculée, mais également prometteuse pour l’avenir du Canada.

Message de Rachel Bendayen qui s’est adressée à la Chambre des Communes

Bonjour à vous tous,

Merci du fond du cœur pour vos bons mots, mais surtout merci pour tout ce que vous faites et merci de continuer à porter ce combat. Hier nous avons pris un énorme pas en avant, mais notre travail n’est pas terminé. Vous pouvez compter sur moi pour continuer à me battre à vos côtés.

Il y a peine deux heures, je me suis levée en chambre et je tenais à partager ça avec vous

Rachel

DJELY TAPA – Le sais-tu ? Un hommage aux femmes

Par Serge St-Arneault

En ce jour dédié aux mères, je vous partage le puissant message de mon amie Djely Tapa tiré de sa plus récente interprétation intitulée Le Sais-tu ? Non seulement s’agit-il d’un puissant texte, mais Djely Tapa met toute sa puissance vocale pour rehausser l’urgence d’être à leur écoute. Elles souffrent, sont insultées, discriminées, assassinées, non reconnues malgré leurs qualifications académiques. Pourtant, ce sont nos mères, nos conjointes, nos sœurs.

Cette chanson s’adresse aux misogynes qui oublient qu’ils sont nés d’une femme qui l’a aimé, qui en a pris soin et qui a été patiente envers lui. « Ne t’attaque pas à cette femme qui est ta source de vie. Le sais-tu ? »  

Est en tourné en France et en Espagne avant de revenir à Montréal pour la présentation de son spectacle le 12 mai 2022 à la Maison de la culture Claude-Léveillé.

Auteur : Djely Tapa

Compositeur : Jean Massicotte

Label : Disques Nuits d’Afrique / distribution Believe

Vidéoclip réalisé par : Victorine Sentilhes / Yoktown’s

PAROLES COMPLÈTES

  • Heee mousso hou sai ni ne He mo mè wa (Es-tu au courant de tous les poids qui pèsent sur les femmes)
  • Hé mo mè wa (L’as-tu entendu)
  • Hé ye wa (As-tu vu)
  • Hé ma kai wa (L’as-tu fait)
  • Dounouya mousso sai ni ne hé mo mè wa (Les femmes du monde entier souffrent, le sais-tu)
  • He he heeee hé mo mè wa (Es-tu au courant de tous les poids qui pèsent sur les femmes)
  • Toroya djougou mi Bou kan hé (La souffrance qu’elles subissent, as-tu entendu ça)
  • Hé mo mè wa Nenini djougou mi Bou kan (Les insultes qu’elles subissent, le sais-tu)
  • Hé te ho don wa He he heeee hé mo mè wa (L’as-tu entendu)
  • djo Maya djougou mi Bou kan (La discrimination qu’elles subissent, le sais-tu)
  • Hé mo mè wa Ali fagali djougou mi Bou kan (Et même les assassinats, le sais-tu)
  • Hé te don wa Heeeee hé mo mè wa (L’as-tu entendu)
  • Ko tche ma kele ho ye mousso ma fila ye (Ils disent qu’un garçon vaut deux filles)
  • Hé te fosiye mousso ko (Que tu n’es rien qu’une femme)
  • Mousso kouma yoro te Yan (Qu’ici les femmes n’ont pas droit à la parole)
  • He te fosiye mousso ko (Que tu n’es rien qu’une femme)
  • Déni y’a ka kalake san tchema ho baragnini yoro ko te fosiye (La jeune fille a fait des longues études, mais quand elle cherche un travail, elle n’est rien qu’une femme)
  • A y’a A ka barake san tcha ma ni yelè ni touma sera hé te fosiye mousso ko (Elle a travaillé des années et quand c’est le moment de la promotion, elle n’est rien qu’une femme)
  • Fasso djon touma sera koutigna touma sera He te fosiye mousso (C’est le moment des votes et de choisir un président, elle n’est rien qu’une femme)
  • Fosi te fai gne wa fai yairai tefai mousso te fai gne dia dougna yairai te faigné (Quand la valeur de la femme est niée, alors rien n’a de valeur; c’est la vie même qui s’effondre)
  • Hé te fosiye mousso ko (3 fois) (Tu n’es rien qu’une femme)
  • Hi bah ye mousso ye (Ta mère est femme)
  • Hi fourou mousso mousso ye (Ta conjointe est femme)
  • Hi ma mousso mousso dooooo (Ta sœur est femme)
  • Mousso yihi wolo (Femme t’a donné la vie)
  • Mousso yi kanouuuu (Femme t’a aimé)
  • Mousso yi hi negue (Femme a pris soin de toi)
  • Mousso hi la han dö (Femme a été patiente avec toi)
  • Ka na bila mousso (Ne t’attaque pas à cette femme)
  • Ka n’a bila mousso (Ne t’attaque pas à une femme)
  • Ha fö hi Sabou (2 fois) (Elle est ta source)
  • Dougna Sabou ye mousso ye (La source de la vie est Femme)
  • Hé te fosiye mousso ko (4 fois) (Tu n’es rien qu’une femme)
  • Hé mo mè wa hé mo ye wa hé mo kai (L’as-tu entendu, l’as-tu vu, l’as-tu fait)
  • Dounouya mousso sèniner hé mo mè wa (Les femmes du monde entier souffrent, le sais-tu).

AUTRE LIEN

Entre tradition mandingue, blues du désert et expérimentations électroniques, Djely Tapa veut porter un message féministe et panafricain – Le Monde

MA RÉVOLUTION TRANQUILLE, SUITE

Par Serge St-Arneault, M.Afr

Pour donner suite au premier texte de Ma Révolution tranquille du 29 avril 2022.

Est-ce l’air du temps? Toujours est-il que le thème de la Révolution tranquille resurgit de plus fort ces jours-ci sur les ondes radio. L’émission ‘Le temps d’une chanson’ animée par Catherine Pépin le 30 avril dernier présente le chanteur français Georges Brassens. Né en 1921, il est décédé à l’âge de 60 ans le 29 octobre 1981. Brassens a débuté tardivement sa carrière de chanteur en 1953.

Catherine Pépin

« Les propos de ses chansons sont confrontant, de dire Catherine Pépin. Au début des années 1950, l’Église, l’armée, la police étaient généralement très respectées et Brassens donne un gros coup de pied là-dedans. Aujourd’hui, on trouve ça drôle quand Brassens se moque des curés. Les chansons de Brassens étaient un puissant scandale, une œuvre combative. Entre 1952 et 1964, la moitié des chansons de Brassens sont interdites sur les ondes. C’est l’un des artistes les plus censurés en France. »

« J’ai milité dans le mouvement anarchiste à l’âge de 23 ans, de préciser Georges Brassens. Les idées anarchistes, surtout la morale anarchiste était la plus proche de ce que je croyais, de ce que je pensais; un refus de l’autoritarisme, un refus de l’armée, un refus de la loi, un besoin pour l’homme de gérer ses affaires lui-même, pour les corps de métiers de gérer leurs affaires eux-mêmes. Ça me convenait, mais je n’ai pas poussé ça très avant. Ces idées me convenaient et j’en suis resté là. » 

Pourquoi est-il si important de nous souvenir de Georges Brassens ? Pourquoi reste-t-il présent dans notre mémoire 30 ans après sa mort? Catherine Pépin a recensé les commentaires suivants venant de ses auditeurs.

« Parce que ces phrases et ses mélodies nous accompagnent quotidiennement pour peu que nous l’ayons suffisamment écoutée. Dans telle ou telle situation difficile ou heureuse, je l’entends me parler et me conseiller et son humanisme m’éclaire. » Félix Houde

« Georges, c’est une œuvre magistrale, un monde à part où s’entremêlent des personnages, des atmosphères, des histoires un peu comme dans les livres pour enfants et ce n’est pas par hasard si dès mon plus jeune âge j’ai été intrigué par ses chansons. Brassens est pour moi à la foi mon artiste favori, mais aussi un compagnon de route le plus fidèle, un refuge. » Arnaud Lefèbvre.

Même si les textes de Brassens dénoncent l’ordre établi par l’humour, il existe aujourd’hui en France 150 écoles qui portent son nom.

Mes sentiments

Personnellement, les chansons de Brassens ne m’ont jamais particulièrement dérangé. Mais, je n’avais pas réalisé à quel point son style provocateur attirait un large auditoire enthousiaste. Il était lui-même étonné. Le style musical de notre Félix Leclerc national l’avait influencé et ils étaient amis. C’est Félix qui a accueilli Brassens lors de sa seule tournée au Québec. Ces deux chanteurs avaient une âme de poète et la fougue de la diatribe.

J’ai le sentiment que la période de l’après-guerre 39-45 a fait naître un esprit rebelle contre les formes d’autorités politiques et religieuses. Peut-être est-ce cette monstrueuse guerre qui a dévasté l’Europe qui est à la source de cette rébellion de l’ordre établi responsable de soixante-dix millions de morts.

UNE LIBÉRATION

L’après-guerre, c’est la libération. Le modernisme s’épanouit. Il y a de l’argent en circulation et les biens de consommation sont devenus plus accessibles. Le carcan des conventions, les règles de conduite et de bienséance, les stéréotypes associés au sexe ou à une fonction, les styles vestimentaires ou le droit de porter les cheveux longs comme je l’ai vécu lors d’une journée de grève des garçons de l’école secondaire Champagnat de La Tuque en 1970, toutes ces critiques ou revendications ont fait voler en éclat le conventionnel.

En définitive, Brassens, tout comme les Cyniques, a dénoncé par l’humour ce qui devait l’être. Ils ont utilisé leur talent et leur intelligence pour offrir une porte de sortie à une forme d’aliénation collective que Karl Marx avait si savamment énoncée un siècle plus tôt. Il y a en effet un réel danger pour qu’un individu, tout comme un groupe ou une société, puisse s’aliéner lorsque la conscience ou l’identité personnelle, ou celle d’un groupe social se confondent avec une idéologie politique ou religieuse. Le rigorisme de tout acabit est un chemin d’aliénation.

Michel Désautels

Avant l’humour comme arme de démolition des conventions, il y a eu Paul-Émile Borduas. Dans les dernières minutes de son émission diffusée le 1er mai 2022, Michel Désautels s’entretient avec Gérard Berréby qui vient de rééditer la publication du Refus global de Paul-Émile Borduas. L’édition originale du 6 août 1948 avait été publiée à 400 exemplaires, la nouvelle a été tirée à 4000 sur les Éditions Allia, France.

« Borduas, aux dires de Gérard Berréby, dressait un tableau sans concession de la société québécoise des années 40, bien avant la période de la Révolution tranquille de 1960, l’époque dite de la grande noirceur que la figure autocratique, cléricale et nationaliste de Maurice Duplessis, premier ministre entre 1944 et 1959, incarne le mieux. C’est à tout ce système que va tenter de s’attaquer Borduas et dynamiter un petit peu toutes les idées reçues. Il dresse dans ce texte un portrait au vitriol et sans concession, mais également, pas seulement de la société québécoise, mais aussi de la société au sens large et de tous ses travers au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Borduas évoque et annonce la fin du règne de la peur multiforme et il en a à cette domination des prêtres catholiques et de leurs associés de la société civile trop proche de la religion. »

Dénonciation du capital et de la mainmise des autorités cléricales

Gérard Berréby ajoute : « Ce texte-là est une invitation envoûtante à sortir des ornières en faisant appel à la raison et à la sensibilité et une expression du refus des déviances du libéralisme. C’est un hymne à la révolte et surtout c’est un texte très monitoire de ce que va devenir la société à travers la défiance du libéralisme, de l’esprit utilitaire qui domine la société. Comme dit Borduas, le refus de servir, d’être utilisable et d’être une marchandise. En ce sens, le texte annonce la domination marchande planétaire et annonce les excès du libéralisme. Borduas le fait dans un texte plein d’énergie avec des fulgurances poétiques. (…) Le Refus global ne saurait être coulé dans une langue sage et policée. C’est une langue d’une grande exigence et le travail sur le style est très poussé. »

Pour Gérard Berréby, le Refus global est l’un des grands textes subversifs du XXe siècle; dénonciation d’une société bigote et renfermée, contestation non seulement de l’emprise du catholicisme sur les consciences, mais aussi de la raison marchande, du calcul égoïste, qui a d’ailleurs partie liée avec la foi catholique mortifère.

Les Insolences du Frère Untel

Dans ces mêmes années, il n’y avait pas que des chanteurs, poètes et artistes pour dénoncer et appeler à plus de liberté. Il y avait aussi des religieux.

Un essai écrit par Jean-Paul Desbiens, sous le pseudonyme de Frère Untel, publié le 3 novembre 1959, est une critique mordante de la société québécoise. Selon Wikipédia, il dénonce une religion basée sur la peur et s’en prend au système d’enseignement qu’il juge archaïque. À sa manière, ses pistes de réforme annoncent la Révolution tranquille : la liberté, la qualité de la langue, la culture et l’excellence. Ce livre est vendu à 130 000 copies dès les six premiers mois de parution, dont 17 000 au cours des dix premiers jours de vente. C’est sans compter les 15 000 autres exemplaires en anglais.

Il y a donc un vaste mouvement de contestation au tournant des années 1960 qui atteint un large public en soif de références, de porte-paroles ou de mentors en dehors comme au sein de l’institution de l’Église catholique tel Jean-Paul Desbiens, né en 1927 et décédé le 23 juillet 2006.

Lionel Groulx

Avant Jean-Paul Desbiens, Lionel Groulx, né en 1879 et décédé en 1967 à Vaudreuil, est considéré par certains comme un précurseur de la Révolution tranquille.

Selon Wikipédia, « Tous s’entendent cependant sur le fait qu’il est, avec Henri Bourassa, la figure intellectuelle la plus marquante du nationalisme canadien-français dans la première moitié du xxe siècle. »

Je suis d’avis qu’il y avait, comme cela existe encore de nos jours, des cléricaux réfractaires au cléricalisme. Des voix se sont levées dans l’histoire de l’Église pour dénoncer l’autoritarisme religieux et exiger des réformes. L’exemple de François d’Assise l’illustre bien. La Réforme protestante inspirée par le moine allemand Martin Luther, au-delà du schisme qui en a résulté, avait pour but de dénoncer les abus de l’Église de son temps.

À la guerre comme à la guerre

Lors d’un conflit, on utilise les armes disponibles. Une guerre d’un autre genre a suivi celle de la Seconde Guerre mondiale 39-45. Les armes utilisées avaient un point commun; la première avait pour objectif de libérer l’Europe du nazisme, la seconde a libéré la parole grâce à la dénonciation poétique, l’écrit acerbe, les chansons scandaleuses et l’humour cinglant. Le développement des moyens de communication tel que la radio, la télévision et les enregistrements sonores ont contribué à répandre ce vent de contestation.

Auteur : Serge St-Arneault

Le vent souffle où il veut (Jean 3,8)

Le vent est un thème biblique très important. Il s’associe au souffle créateur qui donne vie : « le Seigneur tient dans sa main l’âme de tout vivant et le souffle de toute créature, » (Job, 12,10). Mourir, c’est rendre l’esprit, ne plus avoir de souffle (Jean 19,30). « Le vent souffle où il veut : tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. » (Jean 3,8)

Le vent de la liberté est porteur de vie, de créativité. Ce vent anime les cœurs et les esprits. Le vent de protestation, de revendication et de dénonciation qui a si profondément marqué l’époque de l’après-guerre est une œuvre collective que nul ne sait précisément d’où il vient et où il va.

Je suis d’avis que les Borduas, Brassens, Leclerc et les Cyniques, bien au-delà de leurs sarcasmes contre les curés, ou plutôt les cléricaux, quelque chose de précieux, inspiré par Dieu, émanait de leur humour cinglant. Le public qui est encore transporté par leur humanisme en est la preuve.

Les règles sclérosées, idéologiques ou religieuses, ainsi que les abus de pouvoir ne résistent pas à l’épreuve du temps. Un vent de libération continue sans cesse de souffler qu’aucune force répressive ne peut arrêter. C’est mon espoir que l’Église catholique saisira l’opportunité qui lui est offerte maintenant pour se laisser elle-même inspirée par l’humanisme de ceux et celles qui l’ont contesté.

LIENS

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

« J’ai l’impression qu’on n’a retenu du catholicisme que l’abus de pouvoir du clergé, le colonialisme, les actes criminels et la complaisance tout aussi criminelle des dirigeants à l’endroit des pédophiles et des agresseurs sexuels », écrit notre chroniqueur.

Yves Boisvert, La Presse, 16 avril 2023

La religion catholique que j’ai connue enfant avait encore des prétentions à influer sur le cours des choses politiques québécoises. Mais elle avait perdu son pouvoir, son prestige, sa superbe et la plupart de ses fidèles.

Clochers et rancunes

(…)

Les héritages véhiculent une culture vivante dans les psychés, quoique niée bien haut. Or, porter plusieurs générations tout en leur tournant le dos, c’est priver les jeunes de capter les lueurs. Accepter le passé religieux comme réalité historique ne transformerait pas des athées en fervents catholiques ni n’effacerait leurs griefs. Mais elle aiderait à se relier à la chaîne des filiations avec son colonialisme, ses abus, ses idées reçues, ses soumissions, ses révoltes et ses enracinements. Toutes survivances à déchiffrer en nous.

Catho un jour…

(…)

De la même manière, il n’y a rien d’incongru à ce qu’un premier ministre québécois se félicite à Pâques du fait que le catholicisme ait « engendré chez nous une culture de la solidarité qui nous distingue à l’échelle continentale ». L’affirmation est d’autant plus justifiée qu’elle n’est pas une simple fanfaronnade. Il s’agit d’une thèse parfaitement fondée reprise par quelques-uns des meilleurs esprits de notre temps.

Qui peut nier que le Québec se distingue en Amérique du Nord par ses mesures sociales ? Du système de garderies à l’assurance médicaments, en passant par les congés parentaux, cela crève les yeux. Sur un continent principalement protestant, le contraste est frappant.

(…)

Bien sûr, la religion n’explique pas tout. Il faudrait évoquer la tradition du droit romain, opposé à la common law, et le fait que le Québec est une petite nation à l’esprit collectif, comme les pays scandinaves, où triompha la social-démocratie. Une nation d’autant plus tissée serrée qu’elle est privée de sa liberté et qu’elle n’a survécu après la Conquête que grâce à une solidarité exemplaire. Une solidarité largement organisée par l’Église, dont un grand nombre de fonctions seront, dans les années 1960, assumées par l’État.

Le 9 août 1948, un manifeste signé par 16 Québécois décriait le conservatisme de la société québécoise. Voici un retour historique en articles et en photos.

Ma Révolution tranquille

Par Serge St-Arneault

J’ai déjà abordé le thème de la Révolution tranquille dans mes précédents articles. J’aimerais y revenir pour une raison bien simple. Ce moment historique charnière du Québec a été un raz-de-marée ravageur au niveau des valeurs traditionnelles et de l’identité du Canadien français qui, selon le cinéaste Jacques Godbout, par prudence, ne prenait aucun risque sans demander une permission à son évêque ou son curé.

Une série de trois émissions radiophoniques sur la première chaîne de Radio-Canada intitulée Cyniques, méchante révolution m’a permis de mieux comprendre ce qui s’est passé. Né en 1955, j’étais assez grand pour assister aux messes en latin, interrompues en 1965, mais trop jeune pour véritablement mesurer l’ampleur de la transformation sociale qui se tramait. La Tuque, où j’ai grandi, était en périphérie du mouvement enclenché à Montréal.

Les Cyniques ont joué un important rôle dans le processus de la Révolution tranquille. Quatre jeunes hommes, âgés de 18 et 21 ans, Marc Laurendeau, Marcel Saint-Germain, Serge Grenier et André Dubois ont contribué à la transformation sociale du Québec par leur humour satirique et leur irrévérence envers la religion.

La grande noirceur

Selon Marc Laurendeau, « la grande noirceur n’est pas un mythe, elle a existé. C’était une lourde censure. Il y avait une entente implicite entre l’Église et l’État à cette époque qui est devenue explicite sous Duplessis. Il y avait une chape de plomb qui pesait sur le Québec. On n’imaginait pas l’évolution des institutions. »

L’élection du Parti Libéral du Québec de Jean Lesage le 22 juin 1960 a été un moment déterminant. Selon Serge Grenier, « l’année 1960 est une année magique. La société venait de se libérer d’un carcan tellement serré, tellement étouffant, qui nous amenait à être très critique de l’époque de nos parents et nos grands-parents avaient connu. Et de la mainmise de l’Église Catholique sur la société. »

Le clergé

Selon André Dubois, « on était pris avec l’esprit catholique romain. Dès le départ, on s’est moqué des institutions. L’institution la plus difficile, la plus haïssable à l’époque, celle qu’il fallait absolument détruire, c’était le clergé. Il fallait que le clergé perde tout ce qu’il avait d’influence. »

Ces paroles peuvent paraître sévères. Il faut se remettre dans le contexte de l’époque pour bien comprendre les sentiments cachés qui assombrissaient la vie de beaucoup de gens, particulièrement les intellectuels. Songeons à cet égard au manifeste du « Refus global » signé par seize membres de la communauté artistique québécoise et publié secrètement en 1948 par Paul-Émile Borduas.

L’un des plus grands dramaturges du Québec, Marcel Dubé, a bien exprimé l’état d’esprit de cette époque dans un texte dédié aux Cyniques. « Chers Cyniques, vous avez mis dix ans de moins (que moi) à comprendre quelle entreprise charitable et courageuse est la vôtre qui consiste à jouer les iconoclastes chaque soir, à venger et à faire rire les victimes innombrables de l’interminable siècle de mirage, de superstition, d’une longue tradition d’abrutissement collectif, d’affaissement national, de soumission honteuse, à une politique et à une religion de bandits et de charlatans. Voilà ce dont je voulais me confesser, d’avoir ri et applaudi et crié bravo à plusieurs reprises à vos blagues mordantes, à vos sacrilèges, à vos calembours, à vos caricatures impitoyables … »

Les années 1970

Selon Gilbert Rozon, « en 1966, ça a été un tournant, on est passé d’hyper croyants au doute total. Et les Cyniques sont arrivés avec un humour qui ramassait tout ça. » Puis, « en 1969, aux dires de Marc Laurendeau, les gags sur le clergé, les parodies sur le cardinal (Léger) ne faisaient plus rire. Les statues avaient été déboulonnées et les tabous avaient été défoncés. Ce n’était plus le sujet du jour. On accompagnait le changement (social) qui se produisait vraiment. On accompagnait la montée du nationalisme. »

Je terminais mes études secondaires à La Tuque au moment où les Cyniques étaient à leur apogée, visibles sur les écrans de télévision. Ce n’est qu’en arrivant à Trois-Rivières pour mes études collégiales en 1972 que j’ai commencé à réaliser ce qui s’était passé.

Une forme de rage contre l’Église s’estompait progressivement. J’ai eu le sentiment que cette rage avait cessé en 1975 lorsque je terminais mes études en théologie à l’Université du Québec à Trois-Rivières.

Janvier 1972 : Une comédie musicale, le film IXE 13

Mettant en vedette les Cyniques, le film IXE 13, une parodie de comédie musicale caricaturant un aventurier et modèle traditionnel du Canadien français, était, selon le cinéaste Jacques Godbout, « la quintessence de la Révolution tranquille. »

Dans le cadre du scénario, les ennemis d’IXE 13 cherchaient à éliminer non seulement cet as des espions canadiens, mais aussi le ‘Canada-Français’. Ce film remettait en question la soumission du peuple à une « Église qui prend en charge l’histoire. » Il est possible de visionner ce film sur YouTube et sur le site de l’Office National du Film du Canada.

Je me rappelle très bien avoir découvert au sous-sol de notre maison de vieux magazines des péripéties de l’agent IXE 13 que mon père avait rangé. L’auteur, Pierre (Saurel) Daignault a écrit, entre 1947, alors âgé de 22 ans, et 1967, un total impressionnant de 934 épisodes sous forme de fascicules de 32 pages de ce héros des services secrets.

À la même époque en Irlande et en Angleterre

Nous n’étions pas les seuls à provoquer l’indignation en mettant en avant l’hypocrisie politique et en faisant preuve de mépris pour l’autorité religieuse. Le comédien irlandais, satiriste et acteur Dave Allen, de son vrai nom David Tynan O’Mahony, presque du même âge que le quatuor des Cyniques, ne cachait pas son scepticisme religieux. Il se déclarait être un athée pratiquant.

Selon Wikipédia, « son scepticisme est venu en raison de ses objections profondément ancrées à la rigidité de sa scolarité catholique. Par conséquent, la religion est devenue un sujet important pour son humour, en particulier l’Église Catholique et l’Église d’Angleterre, se moquant généralement des coutumes et des rituels de l’Église plutôt que des croyances. »

Tard en soirée, j’écoutais les émissions de Dave Allen sur le seul poste de télévision anglophone que nous captions à La Tuque. Pourquoi une telle attraction? Tout comme les sacres en public introduits par les Cyniques dans leurs spectacles, ces provocations s’avéraient être une forme de défoulement.

Entre 1985 et 1987, j’ai eu la chance, pendant mes études à Londres, en Angleterre, d’assister à un show de Dave Allen. La salle de spectacle était bondée. J’ai acheté un billet à l’entrée. Comme à la télévision, la mise en scène se résumait à une simple chaise haute. Bref, mes attentes étaient grandes. Mais, j’ai été déçu. Je n’étais pas le seul. La moitié de l’assistance est partie à l’entracte. Cela m’a permis de trouver un meilleur siège. Ses gags n’avaient plus de punch. Il a terminé son spectacle avec les mêmes mots utilisés à la fin de ses émissions télévisées : « Bonne nuit, merci et que votre Dieu vous accompagne. »

Ce soir-là, vu l’heure tardive, j’ai raté le dernier bus à la sortie du métro et j’ai dû marcher les derniers kilomètres pour me rendre au Collège St-Édouard situé dans la couronne verte de Totteridge au nord de Londres où j’habitais.

Le Collège Sainte-Marie de Montréal

L’Église Catholique a péché par son succès, me semble-t-il. Le Collège Sainte-Marie de Montréal, par exemple, fondé en 1848 par les Jésuites pour les catholiques francophones a joué un rôle important auprès d’une élite francophone. La liste est longue de journalistes, écrivains, politiciens, philosophes, historiens, musiciens, avocats, physiciens, éditeurs, ingénieurs, hommes d’affaires, poètes, professeurs et financiers qui sont tributaires de ce collège pour leur carrière.

Beaucoup d’autres lieux d’enseignement ont joué un rôle similaire comme celui du Séminaire Saint-Joseph de Trois-Rivières.

En plus des Cyniques, l’année académique 1960-1961 a accueilli au Collège Sainte-Marie d’autres remarquables étudiants tels que l’artiste et compositeur Stéphane Venne, le compositeur musical François Cousineau, l’auteur-compositeur-interprète et animateur de télévision Pierre Letourneau. Une dizaine d’années plus tôt, le dramaturge et scénariste Marcel Dubé a lui aussi étudié au même endroit.

À cette époque, venant d’autres collèges, on peut également nommer l’avocat, professeur et homme politique québécois Bernard Landry, l’homme politique, économiste et avocat Pierre Marois, le réalisateur, scénariste, acteur et producteur de films québécois Denis Arcand, le producteur, réalisateur, scénariste Denis Héroux.

Que reste-t-il du Collège Sainte-Marie ?

Rien! Le collège a été détruit en 1976 après avoir été une constituante fondatrice de l’Université du Québec à Montréal. Un puissant symbole de ladite ‘grande noirceur’ a disparu en même temps que les professeurs, majoritairement Jésuites.

Jadis construit sur le flanc sud de l’église du Gesù, l’espace est resté vacant pendant de nombreuses années. Une nouvelle construction est en voie d’être achevée. Situé au 405-425 René-Lévesque Ouest, un projet locatif de deux tours de 36 et 45 étages devrait compter à terme pas moins de 829 unités en location.

Rigidité ou rigueur ?

Les humoristes ont dénoncé une lourde censure, une chape de plomb, un carcan serré, étouffant, la mainmise de l’Église Catholique sur la société, le clergé, une religion de bandits et de charlatans. L’objection principale était la rigidité de la scolarité catholique au Québec comme en Irlande.

Mais, n’y a-t-il pas ici une confusion ? S’agissait-il d’une rigidité opprimante ou d’une époque où la rigueur était de mise, dans tous les domaines de la société, pour contraindre le marasme économique; une époque que les historiens comme Éric Bédard appellent ‘la survivance’ ?

Conclusion

Ma longue réflexion m’incline à penser que la désacralisation par l’humour sarcastique des Cyniques, comme de David Allen, a été le catalyseur du mouvement laïque si chère aux Québécois d’aujourd’hui. Le débat identitaire, si âprement débattu depuis quelques décennies, tire sa source d’une rébellion contre une autre entité qui était perçue comme opprimante, manipulatrice et contrôlante; celle de l’institution de l’Église Catholique Romaine.

C’est une réussite; la déconfessionnalisation du système de l’éducation est un fait accompli, la voix des évêques n’est presque plus relayée par les médias, si ce n’est que pour dénoncer les scandales, le clergé vieillissant et sans relève n’a plus d’influence et la séparation de l’Église et de l’État a été renforcée par la Loi 21 sur la laïcité de l’État du 19 juin 2019.

À mon avis, nous devrions remercier Dieu pour cette évolution. Une opportunité extraordinaire est offerte aujourd’hui à l’institution de l’Église Catholique. Celle-ci peut se concentrer sur sa mission fondamentale qui est de vivre, proclamer et partager l’Évangile de Jésus-Christ. L’Église Catholique a une place, sa place, comme les autres Églises ou religions, au sein d’une société pluraliste et interculturelle.

Il me semble que nous pourrions cheminer plus loin en nous réconciliant avec notre passé de ‘Canadiens français’, ce qui lui appartient de bon et de moins bon. L’exemple du long chemin de réconciliation que notre pays a entrepris avec les communautés des Premières Nations est un exemple à appliquer avec notre Église ‘mère’ sans laquelle nous ne serions pas ici pour en discuter en français.

« Vous devez vous laver les pieds les uns les autres », Jean 13, 14.

Enfant, seul avec mon papa, je me rappelle clairement le jour où il m’a acheté des souliers neufs. Après quelques essais, il a sélectionné une paire d’une valeur équivalente à des souliers pour adulte. Sur le coup, je n’ai pas compris pourquoi, heureux d’avoir de beaux souliers.

Ce souvenir me revient en mémoire à la lecture de l’évangile du Jeudi Saint lorsque Jésus lave les pieds de ses disciples. Il faut prendre soin de ses pieds. Avec l’âge, il est fréquent d’avoir besoin de soins pour les pieds. Des douleurs aux pieds, c’est pénible!

C’est précisément le cas de mon papa Bastien. Pour avoir été mal chaussé lui-même dans sa jeunesse, il avait développé des hallus valgus, communément appelés des ‘oignons’. Il s’agit d’une bosse osseuse sur le côté du pied qui résulte d’une déviation du premier métatarse du pied vers l’intérieur et du gros orteil vers l’extérieur.

Ses enfants ne connaîtront pas cette malformation. Prendre soin de ses pieds est impératif pour se mouvoir librement. Sans de bons pieds, où irions-nous ?

Au Congo en 1988

Cela me ramène à l’époque de mes premières années missionnaires. Tête penchée pour écouter les confessions des chrétiens, mon regard se tournait spontanément vers les pieds des gens; pieds meurtris sur les chemins de brousse, vulnérables aux blessures, craquelés et même crevassés et ongles mal taillés. À vrai dire, j’étais presque le seul à porter des souliers. Je me disais qu’un podiatre y trouverait un endroit incomparable pour exercer sa profession.

Marcher dans la brousse est une agréable sensation. Il est important de suivre le sentier de peur de croiser un serpent au passage. Il faut aussi avoir de bons yeux.

  • « Attention mon père »!
  • « Oui quoi ? »
  • « Là, il y a un serpent! »

J’ai beau regarder partout. Je ne vois rien. Là, c’est où ? Dois-je regarder ici où là-bas ?

  • « Non, regardez en haut. Là sur la branche. »

Mes yeux s’écartent. Je ne vois qu’un amoncellement de feuilles. Dans un environnement si hostile, les enfants apprennent très tôt à détecter les dangers. Personne n’a un tel souci en forêt à La Tuque.

  • « Là, devant vous, il y a un serpent! »

À force d’efforts, j’y parviens enfin. Et la route continue.

La Vallée du Rift

Quelques années plus tard, j’ai eu l’idée d’aller explorer une vaste étendue située au sud de la paroisse de Géty. Il s’agit d’un petit segment de la Vallée du Rift qui s’étend du sud du Mozambique jusqu’en Syrie. Il s’agit d’une profonde crevasse entre deux plaques de la croûte terrestre. Une descente épique nous attendait. Heureusement, nous avions deux bons guides.

C’est un paysage à couper le souffle. Au début, le sentier est relativement facile. Puis, il emprunte les escarpements de pics sculptés par l’érosion depuis des milliers d’années et hauts de plusieurs dizaines de mètres, à droite et à gauche. Nous avons pris toute la journée pour atteindre la rivière Semeliki qui serpente au pied de la montagne.

Épuisés, avec mon confrère Malaki, nous avons trouvé refuge dans un petit village tard la nuit. Le lendemain matin, nous avons eu le privilège de manger quelques petits poissons qu’on appelle kapenta, accompagnés du traditionnel bugali, la pâte de manioc. Nous avons de nouveau dormi le reste de la journée. Au menu du soir, de nouveau des kapenta. Ce sont de petites sardines d’eau douce de la famille des clupéidés. La variété des mets est fortement limitée dans ces lieux de vive chaleur, éloignés des centres urbains et difficiles d’accès. Bref, ce soir-là, jambes allongées, assit à même le sol aux côtés de la maman qui nous accueillait si généreusement, nous entamons une conversation.

  • « Pourquoi ne restez-vous pas avec nous, mon père ? »
  • « Et bien, lui répondis-je, une manière très simple de m’inciter à rester avec vous, c’est de tout simplement cacher mes souliers. Moi, je suis incapable de marcher sans souliers comme vous le faites. Vous marchez pieds nus depuis votre enfance et vous êtes habituée. Dans cette vallée, le sable est tellement chaud que je me brûlerais les pieds sans cesse. Sans souliers, je suis prisonnier, incapable de bouger. »

Pour bien illustrer mon propos, je lui montre le dessous de mon pied gauche et l’invite à me toucher. Un peu craintive, elle approche lentement son doigt et exerce une légère pression. Elle s’éclate de rire.

  • « Oh! C’est comme la peau d’un bébé! »

Nous avons apprécié cette pause de 36 heures avant d’attaquer l’ascension de la montagne aux allures d’un géant, haute de 1000 mètres. En passant, je me réjouis de lire une annonce sur le devant d’un bar. La boisson offerte est une faible bière alcoolisée à base d’un fruit typiquement local. Le nom de ce bar est « Umaskini si zambi! » Traduction : « la pauvreté n’est pas un péché! ».

Prenons soin de nos pieds! Prenons soin des uns des autres, au nom de Jésus.

La convergence culturelle

Serge St-Arneault et Isabel Dion. Photo : Raphaël Muteba, M.Afr.

Par Serge St-Arneault, M.Afr

Le 22 mars dernier, en tant que Directeur du Centre Afrika, j’ai répondu à une invitation de la Commission de la citoyenneté du Bloc Québécois, tenue au centre sportif et culturel du Collège Mont-Royal, pour assister à une conférence sur le thème de la convergence culturelle comme alternative au multiculturalisme.

L’opposition idéologique entre le Canada prônant le multiculturalisme et le Québec soucieux de l’interculturalité est régulièrement débattue non seulement dans les milieux politiques, mais aussi dans les médias. Comme il n’est pas rare de confondre l’une et l’autre, une définition des termes s’impose.

Le multiculturalisme se caractérise principalement par la coexistence de plusieurs cultures dans un même pays ou encore par le maintien du caractère distinctif des cultures multiples au sein d’une société.

L’interculturalisme se réfère à l’échange réciproque entre des normes et des visions culturelles qui interagissent ensemble, non pas dans une logique de compétition, mais plutôt dans le cadre d’une compréhension culturelle et d’un système de valeurs mutuelles.

De cela apparaît un nouveau concept, celui de la « convergence culturelle », pour tenir compte de la constante évolution de l’impact du flux migratoire qui prend de l’ampleur au Québec. C’est sans compter avec l’heureuse prise de parole et l’émergence culturelle grandissante des communautés des Premières Nations.

La convergence culturelle se veut sans couleur et sans religion. Verrons-nous un jour l’adoption d’une loi-cadre inscrite dans une constitution québécoise ? Seul l’avenir nous le dira.

Le débat est avant tout d’ordre politique. Mais, ce qui m’intéresse, c’est l’aspect spirituel de la question. La solidarité en tant que ciment au sein de différentes communautés culturelles, ancestrales, de souche ou plus récentes, peut-elle s’enraciner seulement avec une déclaration politique encadrée par une loi ? Un « humanisme culturel » rassembleur me semble insuffisant. La construction d’une « nouvelle identité » nécessairement plurielle doit incorporer d’autres valeurs.

Une convergence religieuse déjà existante

La spiritualité peut-elle enrichir ce nouveau concept ? La spiritualité est en soi un concept difficile à bien définir. Il y a d’innombrables formes de spiritualité basées ou non sur le patrimoine historique des religions. Mon expérience au sein du Centre Canadien Œcuménique m’enseigne que la « convergence religieuse » existe bel et bien. De nombreuses initiatives, inconnues du grand public, ont récemment permis de rassembler différentes religions dans des moments de prières partagées grâce au logiciel Zoom. La convergence ne signifie pas l’effacement des différences. La dépendance réciproque permet au contraire de prendre conscience que nous formons une unité « spirituelle » dans la diversité des rites religieux; chrétiens, musulmans, religions orientales, spiritualités autochtones, etc.

Contrairement à la perception courante que les religions s’opposent avec violence, ce qui a été le cas historiquement et continue de l’être dans certains pays, un effort de dialogue œcuménique et interreligieux réel et soutenu nous permet aujourd’hui de collaborer sur des enjeux de société communs.

Une convergence religieuse inspirante

Une société interculturelle à saveur de convergence culturelle peut-elle s’enraciner dans un climat de « convergence religieuse »? Voyons quelques avenues possibles.

  1. Une société « inspirée » par une convergence religieuse verra à développer une démarche collective constructive en considérant l’autre groupe culturel et religieux comme source de complémentarité.
  2. Cette société permettra de déceler dans la variété des formes culturelles et religieuses une source de dons, non une menace. Chaque communauté interculturelle devient ainsi un don pour tous.
  3. La diversité des dons est voulue par Dieu où chaque personne, au-delà de son identité culturelle ou religieuse, est un enfant d’un même créateur.
  4. La convergence religieuse tend vers une spiritualité de communion qui privilégie un regard respectueux et attentif aux besoins de tous, prêt à partager les fardeaux des uns et des autres, spécialement dans des moments de crises.
  5. La convergence religieuse élargit le cercle de la fraternité où chaque milieu culturel et religieux devient un lieu d’hospitalité solidaire privilégiant le vrai dialogue et la construction progressive d’une convergence culturelle.

Conclusion

J’ai apprécié la découverte d’un nouveau concept, celui de la convergence culturelle. Lors des différentes interventions, il a été question à quelques reprises du passé religieux catholique des Canadiens français. Il me semble que nous n’avons pas encore fait la paix avec notre passé religieux. Or, l’Église catholique au Québec a évolué. Elle expérimente le dialogue interreligieux depuis plusieurs décennies. Il me semble que la convergence religieuse est déjà une réalité alors que le concept de la convergence culturelle semble nouveau, du moins sur le plan du discours politique.

Isabel Dion

Je remercie Isabel Dion, présidente de la Commission de la citoyenneté du Bloc Québécois pour son invitation à assister aux conférences et témoignages de Guillaume Rousseau et Anna Simonyan.

LIENS : ARTICLES PUBLIÉS PAR SERGE ST-ARNEAULT, M.Afr

L’HOSPITALITÉ SOLIDAIRE COMME FONDEMENT DE NOS COMMUNAUTÉS INTERCULTURELLES

L’HOSPITALITÉ SOLIDAIRE COMME FONDEMENT SPIRITUEL DE NOS COMMUNAUTÉS INTERCULTURELLES

BECOMING INTERCULTURAL: PERSPECTIVES ON MISSION

LIENS :

Extraits : opposition entre multiculturalisme et interculturalisme

Le multiculturalisme à tendance postnationale est un projet de société où tous les groupes ethnolinguistiques et religieux sont historiquement égaux. C’est une représentation du vivre ensemble qui propose aux gens qui arrivent de faire leur propre dessin sur une section vierge du tableau national. Chaque communauté culturelle, linguistique ou religieuse a droit à un pinceau pour tracer son histoire et sa vision à côté de celle des autres.

Quand on se réclame d’un tel idéal, il ne faut pas s’étonner lorsqu’un groupe religieux dispose d’un plus gros pinceau, de plus de couleurs ou de surface sur le tableau, que ceux qui sont chargés de faire respecter les règles d’équité lèvent le drapeau rouge du favoritisme et de la discrimination systémique.

(…)

Pour cause, très majoritairement, les francophones d’ici militent plutôt pour l’interculturalisme qui est une proposition de vivre ensemble bien différente. Là où le multiculturalisme dit à l’autre qui arrive de construire à côté, l’interculturalisme lui propose d’ajouter une rallonge dans un édifice déjà existant.

Pour revenir à ma métaphore artistique, disons qu’ici, les communautés immigrantes disposent d’un pinceau pour ajouter leurs couleurs à une esquisse qui est déjà commencée. Aussi, pour préserver l’harmonie de cette œuvre devenue collective, ils ajoutent leurs touches en respectant certains contours qui représentent une partie de l’histoire et des valeurs de la société d’accueil.

Voici la morale de ma chronique :

« J’espère que ce nouveau nationalisme canadien aidera l’Anglophonie à voir avec un peu plus de tendresse les luttes que le Québec, les francophones en milieu minoritaire et des autochtones livrent pour préserver leur langue et leur identité. Je le dis, car chez les plus ardents défenseurs du multiculturalisme, on ne peut envisager que le Québec puisse emprunter un chemin autre que celui qu’ils ont balisé à leur image. Cette logique de domination et de centralisation culturelle et économique dont les grands penseurs se trouvent principalement en Ontario doit cesser. On ne peut pas faire de la célébration de la diversité le slogan au cœur de l’identité canadienne et chercher constamment à aplanir ce qui distingue l’autre peuple fondateur. »

Qu’est-ce que l’interculturalisme ?

Le PLQ définit l’interculturalisme comme « une approche d’intégration propre au Québec visant à promouvoir le rapprochement et le dialogue entre les cultures tout en affirmant le français comme langue commune ». La diversité y est encouragée, mais dans le cadre des valeurs démocratiques québécoises. Ce modèle s’oppose au multiculturalisme canadien qui se résume à la cohabitation de personnes de diverses origines ethniques.

Il admet ne pas être en train de réinviter la roue alors que l’interculturalisme est déjà considéré comme le modèle officieux d’intégration au Québec depuis la commission Bouchard-Taylor.

« Mais je pense qu’il faut nommer cette réalité pour expliquer, ou en tout cas démontrer, aux Québécois que cette façon de vivre, elle est officielle et elle est porteuse d’avenir », dit-il.