Du métro ‘Université de Montréal’, trois niveaux d’escaliers roulants mènent à la tour emblématique de l’Université. Le temps était gris, maussade et frileux avec des résidus de neige. Une marche contournant les principaux bâtiments me conduit alors au pied d’un long escalier qui aboutit à l’entrée de Polytechnique aux allures imposantes, massives.
En ce 28 mars 2019, j’avais presque oublié cet épisode où je m’y suis trouvé vers le mois de février 1990 en compagnie de mes parents. Je ne sais plus comment nous étions venus. Une maquette de l’Université est visible à l’entrée, au premier étage. Derrière se trouvent la cafétéria et les escaliers roulants. Six étages plus haut, je suis l’un, sinon le premier, invité à me présenter.
Un grand écran annonce le but de la soirée :
cérémonie annuelle de remise de bourses de Polytechnique Montréal. Un orchestre
jazz de deux musiciens occupe l’espace sonore. Les invités arrivent
progressivement et la cérémonie débute avec quelques minutes de retard. Je suis
content d’être avec Sylvie Haviernick, sœur de Maud,
l’une des 14 victimes de Poly. Nous représentons le Fonds des Victimes du 6
décembre 1989.
Nos
cinq lauréates sont assissent à nos côtés. Elles ont à peu près l’âge d’Annie…
il y a trente ans. Malheureusement, nous n’avons pas la chance de mieux nous
connaître avec la succession de plus de deux heures de remise de bourses. Au
moins, il restera une photo!
Nos
cinq bourses ont été attribuées à cinq jeunes étudiantes de 1er
Cycle. Les lauréates de cette année sont Anne-Julie Avoine-Blondin (Génie
industriel), Rosalie Lévesque (Génie électrique), Caroline Safi (Génie chimique),
Wendy Sieu (Génie industriel) et Mihaela Talpos (Génie électrique). Chacune a
reçu un montant de $2 000.
Au
total, ce sont plus de 480 bourses d’une valeur de plus d’un million trois cent
mille dollars qui ont été distribués à des centaines de lauréats et lauréates
gracieusement offertes par des fondations et entreprises.
Il
est bien de mentionner que la mission de la Fondation et Alumni de
Polytechnique Montréal est d’œuvrer au rayonnement et au développement de
Polytechnique Montréal, comme université d’excellence internationale en génie.
Elle comporte deux axes :
Relations avec les diplômés de Polytechnique Montréal : Rassembler et mobiliser les diplômés et futurs diplômés pour renforcer le sentiment d’appartenance, multiplier les relations, élargir le rayonnement et soutenir le développement de Polytechnique Montréal.
Développement philanthropique : Initier et entretenir des relations durables avec les donateurs et mécènes pour atteindre les objectifs philanthropiques d’appui au positionnement et à l’essor de Polytechnique Montréal.
Soutenir Polytechnique Montréal, c’est
contribuer à bâtir aujourd’hui le génie de demain! C’est contribuer à
changer le monde!
Les Canadiens attendent depuis de nombreuses années une
action réelle et concrète dans ce domaine.
Ce texte est l’allocution présentée par l’auteur, M.Afr, membre de PolySeSouvient, lors de la conférence de presse organisée le 3 avril 2019, à l’hôpital général de Montréal, par un regroupement de médecins, de partout au Canada, favorable à un contrôle plus strict des armes à feu.
Par Serge St-Arneault, M.Afr
J’ai vécu en zone de guerre en
République Démocratique du Congo (à l’époque le Zaïre) dans les années 1990. Le
chaos s’était progressivement propagé dans tout le pays avec son lot de
pillages et de conflits tribaux.
Dans la brousse où j’étais, on
avait déjà eu la visite de militaires pour intervenir dans un conflit entre
chefs coutumiers. Ce jour-là, revenant à la maison, j’ai été directement menacé
par un militaire. Il m’a simplement dit: «Lors du prochain conflit, c’est moi
qui vais te tuer.» («Siku y vita ingine, miye nitawa weye»).
J’ai immédiatement senti comme un boulet me tomber dans l’estomac. Je m’en rappelle très bien. De fait, les rivalités tribales se sont accélérées. Les paramilitaires sont revenus, soi-disant pour rétablir la paix, en brûlant les villages. La plupart des expatriés avaient déjà quitté le pays. Quant à moi, je suis resté avec mes confrères pratiquement jusqu’au moment de la chute du régime dictatorial du président Mobutu.
En 2010, Marc Rochette, un
journaliste pour le Nouvelliste de
Trois-Rivières, m’a demandé dans une interview s’il y avait des risques à vivre
dans la brousse africaine. Ce à quoi j’ai répondu: «Qu’est-ce qui est le plus
dangereux: être missionnaire en Afrique dans un pays en guerre ou être
étudiante à l’École Polytechnique de Montréal?»
Le rapport d’investigation du coroner indique que le
décès est attribué à de multiples lésions graves au niveau du crâne, du
cerveau, en plus de l’aorte sectionnée, des hiles pulmonaires et l’éclatement
du foie; le tout secondaire au passage dans la tête et dans le thorax de trois
projectiles d’arme à feu.
Vous êtes médecins et
professionnels de la santé. Vous comprenez mieux que moi de quoi il s’agit.
Nous sommes réunis ici pour une cause commune. Nous voulons, de fait nous
exigeons des lois plus sévères sur les armes à feu au Canada.
Une journée nationale d’action
a eu lieu le 3 avril dans 13 villes du pays. Tous s’entendent pour dire que les
armes à feu représentent une menace croissante pour la santé publique. Selon Statistique
Canada,
le nombre de crimes violents commis avec une arme à feu a augmenté de 43%
depuis 2013, soit depuis l’abolition du registre national des armes à feu par
le gouvernement de Steven Harper en 2012, suivi par l’affaiblissement d’une
série d’autres mesures en 2015.
À peine une semaine après la
tragédie de Christchurch en Nouvelle-Zélande, la première ministre Jacinda
Ardern a annoncé l’interdiction imminente de «toutes les armes
semi-automatiques de style militaire», de «tous les fusils d’assaut», de «tous
les chargeurs à grande capacité» et de «tous les accessoires ayant la capacité
de convertir une arme à feu en arme semi-automatique de type militaire». Elle a
également émis une ordonnance de reclassification
pour les armes semi-automatiques afin de dorénavant empêcher leur
vente à la plupart des détenteurs de permis actuels.
Voilà une preuve de leadership politique.
Soulignons aussi l’action du
Gouvernement du Québec qui a instauré son propre registre des armes en réaction
à l’abolition du registre fédéral. Le Québec est maintenant l’une
des trois seules juridictions en Amérique du Nord (avec Hawaï et le
District de Columbia, aux États-Unis) qui enregistrent les armes sur son
territoire — bien que ce soit la norme en Europe et la plupart des pays
industrialisés.
Mais qu’en est-il du gouvernement Trudeau?
Les Canadiens attendent depuis
de nombreuses années une action réelle et concrète dans ce domaine.
Tout ce que ce gouvernement
offre aux Canadiens pour corriger la quasi-destruction de l’ensemble des gains
législatifs par le gouvernement antérieur, c’est le projet de loi C-71.
D’ailleurs, celui-ci ne rétablit que quelques faibles mesures comparativement à
ce qu’elles étaient avant leur élimination. Ceci dit, ce projet de loi C-71 est
un pas dans la bonne direction et nous l’appuyons. Malheureusement, son
adoption avance à pas de tortue au Sénat.
Combien de fois encore faudra-t-il rappeler que le
même type d’armes légalement accessible, c’est-à-dire des armes
semi-automatiques de type militaire, a été utilisé lors de la tragédie à la
Mosquée de Québec et récemment à Christchurch où 50 Néo-Zélandais innocents ont
été assassinés?
Je réitère les paroles que
j’ai prononcées à Ottawa au début du mois de décembre 2018 que j’adressais au
premier ministre Justin Trudeau: «Ne faites pas de compromis. Montrer aux
Canadiens comment on se tient debout quand on n’a pas peur du lobby
des armes».
AP PHOTO/MARK BAKER. Les émotions sont fortes lors d’un service commémoratif national à Hagley Park en l’honneur des victimes de l’attaque terroriste perpétrée contre la mosquée à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, le vendredi 29 mars 2019.
UGO GIGUÈRE, La Presse Canadienne – GABRIEL DELISLE, Le Nouvelliste
MONTRÉAL —
Chaque semaine, l’équipe de traumatologie du Centre universitaire de santé
McGill (CUSM) doit traiter au moins un patient victime d’une blessure par arme
à feu. Mercredi, les médecins et autres professionnels de la santé sont sortis
dans la rue pour joindre leur voix à celles de leurs collègues de 13 hôpitaux à
travers le Canada afin de dire haut et fort qu’ils en ont assez. À leurs côtés,
on retrouvait le père Serge St-Arneault, le frère d’Annie St-Arneault de La
Tuque, une des victimes de la tuerie de la Polytechnique.
D’après la coalition «Doctors for
protection from guns», les armes à feu représentent un grave problème de santé
publique au pays.
Des
chirurgiens traumatologues, chefs de départements, infirmières et
préventionnistes du CUSM ont tenu une conférence de presse pour réclamer
l’interdiction complète des armes de poing et des fusils d’assaut au Canada. Un
message relayé d’un océan à l’autre.
«On
voit depuis 2013 une augmentation de 42 pour cent de la mortalité liée à des
blessures par armes à feu au Canada. À Montréal, on voit une augmentation du
nombre de patients blessés ou morts par des armes à feu. Il est temps qu’on
change notre façon de parler des armes à feu. C’est un enjeu de santé publique
et il faut qu’on le dise», a déclaré le chirurgien traumatologue Jeremy
Grushka.
«Quand
on regarde la manière dont on gère cette problématique d’un point de vue de
santé publique, je pense qu’on pourrait faire mieux», poursuit le chef du
département de traumatologie Tarek Razek.
Celui-ci
ne croit pas que le Canada soit allé assez loin pour appliquer les meilleures
pratiques de sécurité afin de réduire au minimum les risques que représentent
les armes à feu dans la société.
«D’un
point de vue de santé publique, c’est comme les voitures. Est-ce qu’il y a
toujours des accidents de voiture? Oui. Mais est-ce qu’on réduit le risque au
minimum d’avoir des accidents?», compare-t-il.
Le père
Serge St-Arneault, qui est membre de Poly se souvient, était aux côtés des
médecins lors de la manifestation. Même si chaque présence publique pour
réclamer un meilleur contrôle des armes à feu est très difficile pour lui,
Serge St-Arneault affirme qu’il ne pouvait refuser l’invitation des médecins.
«L’enjeu
est tellement capital. En mémoire de celles qui ont été victimes d’armes à feu,
c’est un devoir de continuer ce combat. C’est comme un appel», affirme en
entrevue le frère d’Annie St-Arneault, une des étudiantes assassinées lors de
la tuerie de la Polytechnique.
Pour le
prêtre originaire de La Tuque, il est «indéniable» que les armes à feu
représentent une crise de santé publique. «Compte tenu du nombre élevé de
personnes qui sont atteintes d’armes à feu, qui sont handicapées pour leur vie,
c’est évident qu’il s’agit d’une question de santé publique», a précisé Serge
St-Arneault lors du point de presse tenu en marge de la manifestation de
Montréal.
«Le
projet de loi C-71 [pour le contrôle des armes à feu] est un pas dans la bonne
direction, mais c’est loin d’être suffisant.»
Le père Serge St-Arneault, le frère
d’Annie St-Arneault, une des victimes de la tuerie de la Polytechnique, a pris
la parole publiquement en marge de la manifestation.
Serge
St-Arneault prône le bannissement pur et simple des armes d’assaut et des armes
de poings. «L’exemple de la Nouvelle-Zélande et de sa première ministre est
extraordinaire et remarquable. On devrait le suivre au Canada.»
Militant
au sein du regroupement Poly se souvient, Jean-François Larrivée a salué
l’appui des médecins dans ce combat pour restreindre l’accès aux armes.
Celui-ci a perdu sa jeune épouse dans la tuerie survenue à Polytechnique
Montréal en 1989.
«Je
milite depuis 30 ans pour le souvenir de Maryse et des autres filles. Les
médecins ont une voix qui porte. Ils sont pragmatiques, ils ont une influence
intellectuelle, ils ont un leadership», se réjouit-il.
«Je
veux aider les autres femmes à ne pas subir le même drame et si on peut sauver
une vie ça aura valu la peine», souligne M. Larrivée.
Le
personnel soignant du CUSM est exaspéré au point où l’équipe de prévention
commence à enseigner au public les techniques de premiers soins en cas de
blessures par balles.
Tara
Grenier, coordonnatrice du programme de prévention des blessures au CUSM,
transmet aux élèves du secondaire, à des employés d’usine et au public en
général des méthodes pour stopper l’hémorragie causée par une balle ou une arme
blanche.
«Ce
sont des techniques de guerre qu’on emploie dans le monde civil. On est rendu
là. Peut-être qu’on pourra sauver des gens au lieu qu’ils meurent au bout de
leur sang», mentionne la thérapeute sportive.
Ottawa
tend l’oreille
Le Dr
Tarek Razek espère sincèrement que sa voix et celles de ses collègues soient
entendues. Selon lui, le fait qu’ils soient en première ligne pour constater
les ravages causés par les armes donne du poids à leurs arguments.
Sur la
colline parlementaire à Ottawa, le ministre de la Sécurité frontalière et de la
Réduction du crime organisé, Bill Blair, a dit tendre l’oreille aux
revendications des médecins.
«J’ai
rencontré plusieurs fois des regroupements de médecins. Leur point de vue est
pertinent, ils sont en première ligne pour traiter des victimes de blessures
par armes à feu. Je crois qu’il y a des choses que l’on doit faire pour
protéger nos communautés et nous sommes prêts à considérer des mesures qui
empêcheraient les gens mal intentionnés de se procurer des armes pour blesser
ou tuer», a-t-il commenté.
Le
ministre n’a cependant pas l’intention d’accélérer le processus comme l’ont
fait les élus de Nouvelle-Zélande à la suite de la tuerie de Christchurch.
«Je
pense que les Canadiens s’attendent à ce qu’on écoute les différentes opinions
de la population afin de trouver le meilleur moyen de rendre nos communautés
plus sécuritaires», a mentionné M. Blair.
Allocution présenté par Serge St-Arneault, M.Afr, Directeur du Centre Afrika, Montréal, lors de la conférence de presse organisée par les médecins et autres professionnels de la santé à l’Hôpital Général de Montréal aujourd’hui à 12h00. Les médecins réclament une interdiction complète des armes de poing et armes d’assaut ainsi que l’adoption du projet de loi C-71 qui renforce l’encadrement des armes à feu.
J’ai vécu en zone de guerre en République
Démocratique du Congo (à l’époque le Zaïre) dans les années 1990. Le chaos
s’était progressivement propagé dans tout le pays avec son lot de pillages et
de conflits tribaux.
Dans la brousse où j’étais, on avait déjà
eu la visite de militaires pour intervenir dans un conflit entre chefs
coutumiers. Ce jour-là, revenant à la maison, j’ai été directement menacé par
un militaire. Il m’a simplement dit :
« Siku y vita ingine, miye nitawa weye ».
Traduction littérale :
« Lors du prochain conflit, c’est moi qui vais te
tuer. »
J’ai immédiatement senti comme un boulet
me tomber dans l’estomac. Je m’en rappelle très bien. De fait, les rivalités
tribales se sont accélérées. Les paracommandos sont revenus, soi-disant pour
rétablir la paix, en brulant les villages. La plupart des expatriés avaient
déjà quitté le pays. Quant à moi, je suis resté avec mes confrères pratiquement
jusqu’au moment de la chute du régime dictatorial du Président Mobutu.
En 2010, Marc Rochette, un journaliste du
journal Le Nouvelliste de Trois-Rivières, m’a demandé dans une interview s’il y
avait des risques de vivre dans la brousse africaine. Ce à quoi j’ai
répondu :
« Qu’est-ce qui est le plus dangereux? Être
missionnaire en Afrique ou étudiante à l’École Polytechnique de Montréal ».
Ma sœur Annie a été l’une des premières
victimes du drame de la Poly du 6 décembre 1989. Le rapport d’investigation du
coroner indique que le décès est attribué à des lésions multiples graves au
niveau du crâne, du cerveau, section de l’aorte et des hiles pulmonaires et
éclatement du foie, le tout secondaire au passage dans la tête et dans le thorax
de trois projectiles d’arme à feu.
Vous êtes médecins et professionnels de la santé. Vous
comprenez mieux que moi de quoi il s’agit. Nous sommes réunis ici pour une
cause commune. Nous voulons, de fait nous exigeons des lois plus sévères sur
les armes à feu au Canada. Une journée nationale d’action a lieu aujourd’hui
dans 13 villes du pays. Tous s’entendent pour dire que les armes à feu
représentent une menace croissante pour la santé publique. Selon Statistique
Canada, le nombre de crimes violents commis avec une arme à feu a augmenté de
43% depuis 2013, soit depuis l’abolition du registre national des armes à feu
par le gouvernement de Steven Harper en 2012, suivi par l’affaiblissement d’une
série d’autres mesures en 2015.
À peine une semaine après la tragédie de Christchurchen Nouvelle-Zélande, la première ministre Jacinda Arderna annoncé l’interdiction imminente de « toutes les armes semi-automatiques de style militaire », de « tous les fusils d’assaut », de « tous les chargeurs à grande capacité » et de « tous les accessoires ayant la capacité de convertir une arme à feu en arme semi-automatique de type militaire ». Elle a également émis une ordonnance de reclassification pour les armes semi-automatiques afin de dorénavant empêcher leur vente à la plupart des détenteurs de permis actuels.
Voilà une preuve de leadership politique.
Soulignons aussi l’action
du Gouvernement du Québec qui a instauré son propre registre des armes en
réaction à l’abolition du registre fédéral. Le Québec est maintenant l’une des
trois seules juridictions en Amérique du Nord (avec Hawaï et le District de
Columbia) qui enregistrent les armes sur son territoire –
bien que c’est la norme en Europe et la plupart des pays industrialisés.
Mais qu’en est-il du
gouvernement Trudeau?
Les Canadiens attendent
depuis de nombreuses années une action réelle et concrète dans ce domaine.
Tout ce que ce
gouvernement offre aux Canadiens pour corriger la quasi-destruction de
l’ensemble des gains législatifs par le gouvernement antérieur, c’est le projet
de loi C-17. D’ailleurs, celui-ci ne rétablit que quelques faibles mesures
comparativement à ce qu’elles étaient avant leur élimination. Ceci dit, ce
projet de loi C-71 est un pas dans la bonne direction et nous l’appuyons.
Malheureusement, son adoption avance à pas de tortue au Sénat.
De plus, ce projet de loi
ne modifie en rien l’accès légal aux armes de poing et aux armes d’assaut. Nous
le savons, celles-ci sont conçues pour tuer efficacement et rapidement.
Combien de fois encore faudra-t-il
rappeler que le même type d’armes légalement accessible, c’est-à-dire des armes
semi-automatiques de type militaire, a
été utilisé lors de la tragédie à la Mosquée de Québec et tout récemment à
Christchurch où 50 Néo-Zélandais innocents ont été assassinés?
Je réitère les paroles que j’ai prononcées
à Ottawa au début du mois de décembre 2018 que j’adressais au premier ministre
Justin Trudeau;
« Ne
faites pas de compromis. Montrer aux Canadiens comment on se tient debout quand
on n’a pas peur du lobby des armes ».
Membres de PolySeSouvient présent lors de la marche pour soutenir les médecins dans leur manifestation contre les armes à feu.
Mercredi,
un regroupement de médecins de partout au Canada favorable
à un contrôle plus strict des armes à feu organise une journée
d’action. Au Québec, un rassemblement se tiendra à l’Hôpital général
de Montréal. Entrevue avec le Dr Andrew Beckett, chirurgien
traumatologue qui a décidé de monter au front.
Par CAROLINE TOUZIN, LA PRESSE
L’été
dernier, en opérant une jeune femme atteinte au cou par un projectile d’arme à
feu à Montréal, le Dr Andrew Beckett a eu une prise
de conscience.
« Elle
a eu la vie sauve, mais elle restera paralysée jusqu’à la fin de ses jours.
Elle avait seulement 17 ans. Tout ça parce que dans son entourage, il y
avait de mauvaises personnes avec un accès à des armes à feu », déplore
le chirurgien spécialisé en traumatologie en entrevue à La Presse.
Les
ravages causés par les armes à feu ne sont pas toujours médiatisés, souligne le
médecin. Or, le Centre de traumatologie de l’Hôpital général de Montréal, où le
chirurgien pratique, reçoit en moyenne un patient par semaine blessé
par balle.
« Il
faut voir les blessures et les morts par arme à feu comme une
crise de santé publique. Cette crise est de plus en plus grave au Canada, mais
totalement évitable. »
— Le
Dr Andrew Beckett, chirurgien traumatologue à l’Hôpital général
de Montréal
Ainsi des
médecins d’un peu partout au Canada – appuyés par d’autres professionnels
de la santé – viennent de former une coalition baptisée Médecins canadiens
pour un meilleur contrôle des armes à feu (Canadian Doctors for Protection from
Guns en anglais), qui se bat pour l’adoption de lois plus strictes sur le
contrôle des armes à feu, notamment l’interdiction des armes de poing et de
toutes les armes d’assaut.
Le
groupe auquel s’est joint le Dr Beckett organise une journée
nationale d’action le 3 avril pour demander un contrôle plus strict
des armes à feu. Un rassemblement est prévu sur l’heure du dîner ce jour-là sur
les terrains de l’Hôpital général de Montréal.
Au
moment de notre entrevue réalisée la semaine dernière, le chirurgien de
49 ans – qui n’avait jamais milité avant aujourd’hui – a apporté
sa pancarte, qu’il compte bien brandir mercredi.
UN ENCADREMENT PLUS STRICT RÉCLAMÉ
« Oui
pour C-71. On peut faire mieux », pouvait-on y lire, un slogan qui fait
référence au projet de loi visant à encadrer plus strictement la
commercialisation et la possession d’armes à feu au Canada, actuellement à
l’étude au Sénat. Ce projet de loi fédéral propose, entre autres, des mesures
comme une vérification plus fouillée des antécédents d’une personne qui demande
un permis d’arme à feu, ou encore l’obligation pour les commerçants de garder
la trace de toutes les ventes d’armes.
Aussi
chirurgien dans les Forces armées canadiennes, le Dr Beckett a été
déployé en Afghanistan et en Irak. « J’ai vu les ravages des armes
d’assaut et des armes de poing en temps de guerre », dit-il.
« Je
ne vois aucune raison pour laquelle une personne, ici, dans un pays en
paix, devrait posséder une arme de poing ou une arme d’assaut. Ça ne fait
qu’infliger des souffrances. »
— Le
Dr Andrew Beckett, chirurgien traumatologue à l’Hôpital général
de Montréal
Annoncer
à une famille que son enfant a été tué par balle est la pire chose qu’il ait dû
faire dans sa carrière, dit-il. Et il l’a fait beaucoup « trop
de fois ».
« J’ai moi-même un jeune garçon. Je ne voudrais jamais
qu’il soit blessé par balle en raison d’un accident ou d’un acte de
violence », poursuit-il, d’où sa motivation à militer pour un contrôle
plus strict des armes à feu au Canada.
Le chirurgien énumère des données qui, à
ses yeux, prouvent qu’il y a une crise de santé publique : selon
Statistique Canada, le nombre de crimes violents commis avec une arme à feu a
augmenté de 42 % depuis 2013 ; le Canada a le cinquième taux de
mortalité par arme à feu parmi les pays de l’OCDE ; selon
l’Observatoire canadien du fémicide pour la justice et la responsabilisation,
34 % des femmes et des filles tuées en 2018 ont été victimes d’armes
à feu ; un récent énoncé publié par la Société canadienne de pédiatrie
indique que l’accessibilité des armes à feu augmente le risque de suicide.
« UNE PERSPECTIVE DE SANTÉ PUBLIQUE »
Le médecin n’y voit pas un combat
politique : « C’est une prise de position dans une perspective de
santé publique comme celles qui ont mené au port obligatoire de la ceinture de
sécurité en voiture ou à celui du casque à vélo. Ce sont des mesures qui
sauvent des vies. »
N’empêche, l’implication de médecins
dans le débat ne plaît pas à tout le monde. La coprésidente du regroupement,
la Dre Najma Ahmed,
fait l’objet de pressions d’une association de propriétaires d’armes
à feu.
La
chirurgienne torontoise, qui a soigné les victimes de la fusillade de l’avenue
Danforth l’été dernier, a publié plusieurs messages sur les réseaux sociaux
depuis en faveur de l’adoption rapide du projet de loi C-71. Elle se
prononce aussi contre la possession d’armes de poing et d’armes d’assaut.
Or,
un groupe de propriétaires d’armes à feu reproche à la Dre Ahmed
d’user de sa crédibilité de médecin pour alimenter un débat strictement politique.
Des
membres de la Coalition canadienne pour le droit aux armes à feu ont récemment
déposé près de 70 plaintes contre la chirurgienne auprès de son ordre
professionnel – plaintes que l’ordre a refusé de trancher, jugeant qu’on
avait ici affaire à un désaccord politique, non à des reproches liés aux soins
cliniques ou au comportement professionnel du médecin.
Ce genre
de pressions n’intimide pas le Dr Beckett. « Comme médecins, nous
sommes en première ligne pour constater les ravages causés par les armes à feu,
dit-il. On soigne les blessures par balle, et la prévention
des blessures fait aussi partie de notre travail. »
MOUVEMENT #THISISOURLANE AUX ÉTATS-UNIS
Cette mobilisation de médecins canadiens
pour un meilleur contrôle des armes à feu fait écho au mouvement #thisisourlane
ou #thisismylane lancé l’an dernier aux États-Unis. Des centaines de médecins
américains se sont mis à publier des photos saisissantes sur les réseaux
sociaux de salles d’opération ensanglantées, de matériel chirurgical rougi ou
encore de vêtements tachés par le sang de leur patient blessé par balle, après
avoir été piqués au vif par la National Rifle Association (NRA).
La NRA avait publié un tweet
discréditant une récente série de recommandations de l’American College of
Physicians qui fait du contrôle des armes à feu aux États-Unis un enjeu de
santé publique.
« Quelqu’un devrait
dire à ces “importants” médecins anti-armes de rester dans leur domaine [to stay
in their lane]. »
— La NRA, lobby américain
pro-armes, sur Twitter, en novembre dernier
« Avez-vous une idée du nombre de
balles que je retire de cadavres chaque semaine ? Ce n’est pas
seulement ma voie [lane], c’est ma putain
d’autoroute ! », a répondu sur le même réseau social la Dre Judy Melinek,
pathologiste en Californie, alors qu’une nouvelle fusillade venait de survenir
dans un bar de cet État, faisant 12 morts. Ce gazouillis a lancé le
mouvement qui tente d’infléchir le débat sur le contrôle des armes à feu chez
nos voisins du Sud.
La
« crise de santé publique » est toutefois plus importante aux
États-Unis qu’au Canada, nuance le Dr Beckett, qui ne voit pas la
nécessité de répondre aux critiques de propriétaires d’armes à feu d’ici avec
des moyens aussi saisissants.
« Je
souhaite ne plus jamais avoir à retirer des balles du corps d’un enfant,
conclut le chirurgien. Je ne vois pas comment des gens pourraient être d’avis
contraire. »
MÉDECINS CANADIENS POUR UN MEILLEUR CONTRÔLE DES ARMES À FEU
L’ADOPTION RAPIDE D’UNE LOI DEMANDÉE
Le
groupe de médecins demande l’adoption d’une législation et d’autres outils
visant à réduire la prévalence des armes à feu, à savoir des restrictions
en matière de possession d’armes à feu, un programme d’amnistie permettant
la récupération des armes à feu actuellement en circulation et une approche
stratégique visant à réduire leur vente illégale et leur importation
en provenance d’autres compétences territoriales.
FINANCEMENT
DE LA RECHERCHE
Le groupe demande aussi le financement
et une infrastructure pour soutenir la recherche sur l’épidémiologie des
blessures et morts par arme à feu, notamment sur le rôle de déterminants
sociaux comme la pauvreté, la maladie mentale, la discrimination raciale et
l’isolement social, ainsi que sur l’efficacité des stratégies visant à réduire
les blessures et les décès liés aux armes à feu.
APPUI DE
PLUSIEURS ORGANISMES MÉDICAUX
Ce groupe de médecins a récolté l’appui
d’organismes médicaux nationaux et provinciaux tels que le Collège des médecins
de famille du Canada, l’Association canadienne des chirurgiens généraux,
l’Association canadienne des médecins d’urgence, l’Ontario Medical Association,
l’Association canadienne de traumatologie, la Société canadienne de soins
intensifs, la Société canadienne des anesthésiologistes, la Société canadienne
de neurochirurgie ainsi que les Jeunes médecins pour la santé publique.