LE PROPOS de Serge St-Arneault
Article publié dans le Journal Diocésain de l’Église de Trois-Rivières, édition mai 2013.
Les édifices religieux et lieux historiques abondent à Rome comme peu d’autres lieux. En longeant la Via Quattro Novembri, je découvris un jour avec étonnement les ruines d’une impressionnante salle. Il s’agissait d’un centre d’approvisionnement composé de 150 boutiques qui permettaient aux fonctionnaires impériaux de l’Empereur Trajan d’approvisionner la capitale. De gigantesques travaux avaient été nécessaires pour sa réalisation. De même que César avait financé ses travaux avec le butin pris aux Gaulois, Trajan utilisa les richesses enlevées aux Daces, peuple redoutable qui occupait à peu près l’actuelle Roumanie. Bref, il s’agit de conquête. C’est alors que j’ai commencé à comprendre quelque chose qui allait changer ma perception de l’Église et mieux comprendre qui j’étais.
En tant qu’institution humaine, héritière de la romanité, l’Église Catholique utilise la beauté des sens dans son mode de perception pour approcher le mystère divin. La mosaïque intérieure de l’église Santa Sabina qui date de 422-423 l’illustre bien. Il s’agit de faire quelques pas pour voir surgir d’autres aspects spectaculaires de l’odyssée trois fois millénaire de Rome.
Puis, je suis retourné à la Basilique St-Pierre en passant par la Santa Porta. C’était le 29 décembre 2000, année du Jubilé. La foule était si dense que toutes les places assises étaient occupées. Mes yeux ne cessaient d’être attirés par les trois symboles mille et une fois représentés sur les sculptures, les tableaux ou les fioritures placées à chaque angle de pilier. Il s’agit de la tiare papale, des clefs de St-Pierre et d’une multitude d’anges. J’associe ces symboles de la manière suivante : tiare pour l’honneur, les clefs pour le pouvoir et les anges pour la gloire. Voilà donc ce sur quoi l’Église Catholique a édifié sa Persona ou son identité.
Le dos adossé sur la paroi intérieure de la Basilique, presque à genoux, l’immensité de cet édifice et ses symboles me révélaient tout à coup qui j’étais. Cela est apparu comme un éclair. Ce que je voyais représentait qui j’étais. Dans mon unicité, j’étais celui qui recherchait la reconnaissance (honneur), j’étais celui qui désirait changer le monde (pouvoir), j’étais aussi celui qui se vantait de ce qu’il avait accompli (gloire). En d’autres mots, ce qui m’irritait dans ma perception du grandissime de l’Église était à vrai dire un reflet de mon ombre intérieure. À ma manière, j’étais soucieux de sauvegarder l’honneur de ma réputation. J’étais également attentif au pouvoir que me conférait ma propre image aux yeux des autres. Finalement, j’étais réceptif aux futiles illusions de la gloire.
Ce que j’ai compris se résume à ceci : tout comme l’Église, que les pays anglophones s’empressent toujours de qualifier de « Romaine », façonnée sous le poids de deux mille ans d’histoire, je porte des ombres qui ont besoin de guérison. La véritable conquête n’est pas celle des empires, mais plutôt celle de la liberté intérieure offerte par Jésus qui est à la fois le Christ glorifié ainsi que l’Homme crucifié. Mon chemin de conversion est identique à celui de l’Église institutionnelle. Ce parcours nous mène tous sur le seuil de notre intime Porta Santa. Jésus est là! Il frappe pour y apporter une lumière spirituelle éclipsant les ombres de l’honneur, du pouvoir et de la gloire.
C’est mon espoir que le Pape François saura nous aider à approcher le divin non pas par l’expérience sensorielle du majestueux style « romain », mais plutôt par celui de la beauté de la nature, comme l’a si bien chanté Saint François d’Assise.
Père Serge St-Arneault, M.Afr, Lusaka, Zambie