De contrôle imposé à responsabilisation accrue: l’enjeu des armes à feu

Le Nouvelliste, Le vendredi 1er décembre

Le rassemblement prévu par le groupe Tous contre un registre des armes à feu n’aura finalement pas lieu sur le site du parc du 6-Décembre-1989 près de l’Université de Montréal. Le tollé provoqué par cette annonce aura eu gain de cause contre ce groupe proarmes. Celui-ci revendique le droit de s’exprimer. Alors que ce droit leur est accordé pourquoi donc faire des revendications sur un lieu hautement symbolique qui n’a jamais été autre chose qu’un lieu de souvenir, de commémoration et de soutien pour les familles victimes d’armes à feu?

Guy Morin a le mérite d’avoir provoqué tout le monde. «Ça fait 28 ans, dit-il, qu’ils (Poly se souvient) sont instrumentalisés. Nous, on veut que ça s’arrête, l’instrumentation de ces gens-là à des fins pécuniaires et politiques, pour passer à un autre agenda.» Mais à qui s’adresse-t-il? Ne s’est-il pas lui-même laissé instrumentaliser par les puissants lobbies proarmes qui nagent dans des millions alors que ces «gens-là» n’ont à vrai dire que leur argent de poche? Guy Morin ne fait-il pas lui-même de la politique en arborant ses propos dans les médias?

Selon ses dires Guy Morin veut démontrer que «Poly se souvient» utilise chaque année l’événement de la Polytechnique pour ramasser de l’argent, exiger un meilleur contrôle des armes à feu et sauver des vies. J’accorde à M. Morin deux bonnes réponses sur trois. Il est vrai que la vie des citoyens serait mieux protégée avec un registre pour les armes à feu. Cela a été prouvé depuis le démantèlement de la loi de 1995 sur le contrôle des armes à feu, votée en 2012 sous le gouvernement Harper. En effet, selon Statistique Canada, le nombre de décès reliés aux armes à feu a augmenté pour la troisième année consécutive. Là où Guy Morin se trompe, c’est que Poly se souvient ne ramasse pas d’argent lors de la commémoration du 6 décembre 1989.

Il veut nous tendre la main pour qu’ensemble nous puissions passer à un autre agenda. Je n’ai rien contre cela. Mais comment faire confiance à une main tendue quand l’autre tient une arme à feu? Nous aimerions tous, lui et moi, que les propriétaires d’armes à feu soient vraiment des gens garants de l’entreposage et de l’utilisation responsable de toutes leurs armes à feu. Malheureusement, Guy Morin a saboté un possible climat de collaboration en celui d’un affrontement, d’une opposition.

De quoi s’agit-il donc? En vertu de la nouvelle loi 64 sur l’immatriculation des armes à feu, toute arme à feu sur le territoire du Québec doit être immatriculée avec un numéro unique et inscrite à un fichier. Les transactions devront être signalées et l’arme pourrait être saisie en cas d’infraction. De toute évidence, et cela a été sans cesse répété, Poly se souvient n’est pas contre les propriétaires d’armes, ni contre la chasse, ni contre le tir sportif. Tout ce qui est demandé est la mise en place d’un système de contrôle raisonnable d’objets qui sont d’abord conçus pour tuer. Les proarmes s’acharnent à dénoncer ce registre des armes à feu en imaginant qu’il y a là un «contrôle excessif». Voilà l’erreur! Il n’y a rien d’excessif à mettre en place des lois civilisées pour protéger les vies humaines. Il y a beaucoup de lois imposées aux propriétaires de voiture pour assurer la sécurité publique. Nous comprenons tous que c’est pour notre protection même si on chiale de temps en temps. On sait que c’est pour notre bien.

À vrai dire, ce qui pose problème est le mot «contrôle». Qui aime se faire contrôler? Même un enfant va un jour exiger de ses parents de le laisser faire: «Je suis capable!» Et si on changeait le mot «contrôle» pour le mot «responsabilité». Au lieu de parler de «contrôle des armes à feu», nous pourrions avoir une loi de «responsabilisation des détenteurs d’armes à feu» en leur permettant de participer ou de devenir des acteurs dans la prévention du crime et des accidents reliés à la possession d’armes à feu.

L’enregistrement des armes et l’assurance de garder ces armes dans des lieux sécuritaires (à la maison ou en déplacement) deviendraient non pas une obligation imposée, mais relèveraient de la responsabilité participative des propriétaires d’armes à feu. Ceux-ci deviendraient alors des collaborateurs pour la santé et de la sécurité publique, en partenariat avec la police.

On pourrait étendre ce concept vers l’idée que nous serions les deux mains d’un même corps qui lutte contre le mal; les victimes et les propriétaires d’armes à feu uni dans un même but, celui de la prévention et de la responsabilité sociale. D’ennemis, nous deviendrions des amis!

Malheureusement, cela semble utopique. Mon intuition est simplement de dire que certains propriétaires d’armes à feu s’opposent au «contrôle» (sous toutes ses formes!), mais pas nécessairement à l’idée de détenir le ‘pouvoir’ de protéger les gens (femmes, enfants, personnes vulnérables) au service de la loi et de l’ordre.

Détenir une arme à feu, c’est détenir un «pouvoir». Le détenteur de ce pouvoir peut l’utiliser sagement ou en abuser. Il faut donc constamment se rappeler que pouvoir et domination sont souvent proches l’un de l’autre. D’où la nécessité de la loi pour la responsabilisation accrue des détenteurs d’armes à feu pour la protection des citoyens.

Je reviens à la main tendue de Guy Morin que je ne connais pas. Je n’ai aucune raison de croire qu’il est un méchant garçon, mais j’ai peur de lui. Là est la conséquence de mon traumatisme depuis l’assassinat de ma sœur Annie à la Polytechnique. Aurais-je un jour l’occasion de lui tendre ma main? Dès maintenant, même de loin, je la lui tends. C’est celle d’un prêtre catholique qui le bénit. Là est ma seule arme!

Serge St-Arneault, M.Afr

Frère d’Annie, tuée le 6 décembre 1989

Armes: «Ne faites pas de compromis»

Le Nouvelliste, novembre 2017 Mis à jour le 1er décembre 2017

AUDREY TREMBLAY, Le Nouvelliste

La Tuque — Le Latuquois Serge St-Arneault, qui a perdu sa sœur Annie lors de la tragédie de l’école Polytechnique, s’est présenté à Ottawa, jeudi, avec un groupe de personnes pour implorer le premier ministre de ne pas céder aux pressions du lobby proarmes. Justin Trudeau avait promis de resserrer les règles en matière de contrôle des armes à feu, et il n’a pas livré la marchandise. La lenteur de son gouvernement à légiférer inquiète vivement des survivants de fusillades et des proches de personnes tombées sous les balles.

La déception qu’ils étaient venus exprimer entassés sur l’estrade d’une salle du parlement frôlait la désillusion. D’une seule voix, ils ont exhorté le gouvernement à déposer sans plus tarder un projet de loi sur le contrôle des armes à feu. «C’est une joute hautement politique et complexe. Je ne veux pas condamner le gouvernement des efforts qu’il fait. On voulait partager notre inquiétude et on encourage le gouvernement à aller de l’avant dans son projet […] Comme société, nous devons grandir dans la coresponsabilité, le souci des uns des autres et la protection des plus vulnérables», a lancé M. St-Arneault.

La coordonnatrice de Polysesouvient et diplômée de Polytechnique, Heidi Rathjen, a dit être sortie fort inquiète d’une récente rencontre avec le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale. Selon elle, contrairement à ce qu’a récemment suggéré le ministre, les travaux du comité aviseur sur les armes avancent à pas de tortue.

Sans trop vouloir spéculer sur les raisons de la lenteur libérale à agir, elle dit avoir peine à voir un autre facteur explicatif que la pression du lobby proarmes. Elle soupçonne que «tous ces petits délais, ces petits reculs» sont attribuables «aux objections des propriétaires d’armes».

Serge St-Arneault abonde dans le même sens alors qu’approche le 28e anniversaire de la tragédie qui coûté la vie de sa sœur Annie le 6 décembre 1989.

«Je sais que le lobby des armes est fort et bruyant, mais votre parti, monsieur le premier ministre, a été élu majoritaire, entre autres, pour votre promesse de renverser les dommages causés par le gouvernement Harper», a-t-il dit lorsqu’il a pris la parole au micro.

«Vous avez un mandat de la population. Ne faites pas de compromis – surtout pas pour plaire au lobby des armes. Renforcez les lois de manière à (accorder la priorité à) la sécurité publique», a fait valoir Serge St-Arneault.

Ce dernier n’est pas sans rappeler que Polysesouvient n’est pas contre les propriétaires d’armes, ni contre la chasse, ni contre le tir sportif… Ce qu’il demande, c’est la mise en place d’un système de contrôle raisonnable.

«Il y a des mécanismes de contrôle pour les automobilistes, c’est une question de sécurité publique, il y a des feux rouges, des policiers, des permis de conduire. […] C’est dans ce sens-là qu’on devrait comprendre le type de contrôle qu’on veut pour les armes à feu qui sont en soi de nature dangereuse parce qu’une arme c’est faite pour tuer», a-t-il lancé.

«Le message global est bien compris par l’ensemble de la population canadienne, mais farouchement débattu par les groupes proarmes qui ne veulent aucun contrôle de quelque nature que ce soit. Pour nous, c’est une minorité […] Ces gens-là ont beaucoup d’influence, on le voit très bien dans certains partis politiques. Ils ont une idéologie et une vision des choses qui, pour nous, semble aller à l’encontre de la sécurité publique», a ajouté M. St-Arneault.

Dans une lettre d’opinion publiée vendredi dans Le Nouvelliste, il n’a pas manqué de dénoncer l’idée du groupe de pression Tous contre un registre des armes à feu (TCRAF) d’avoir voulu faire un rassemblement sur le site du parc du 6 décembre 1989. Le débat a suscité de nombreux commentaires, parfois même haineux, sur les réseaux sociaux. «La radicalisation commence souvent par un langage et finit par un drame», a-t-il commenté.

Serge St-Arneault se questionne également sur les propos tenus par Guy Morin, du groupe TCRAF, qui parle d’instrumentalisation de Polysesouvient à des fins pécuniaires et politiques.

Serge Polysesouvient 2
Serge St-Arneault, ARCHIVES LE NOUVELLISTE

«On n’a rien. On est de simples citoyens conscients de l’ampleur du problème. Les citoyens investissent l’argent de leurs proches pour une cause qui leur tient à cœur», a-t-il répliqué.

«On a vécu des drames, et les drames ont parfois comme conséquences le rapprochement des gens qui ont une souffrance commune, et ce, malgré toutes les différences. On se retrouve solidaire», a mentionné M. St-Arneault.Le groupe Polysesouvient, qui milite depuis des années pour un meilleur contrôle des armes, s’est trouvé de nouveaux alliés: la communauté musulmane, toujours ébranlée par la fusillade à la mosquée de Québec.

Un survivant de la tragédie qui a fait six victimes, Nizar Ghali, était à Ottawa pour une première apparition publique depuis la tuerie. «J’ai vécu ce drame, j’ai vu la force de destruction de ces armes à feu. J’ai vu mes frères tomber et mourir dans leur flaque de sang», a-t-il lâché.

L’impatience et le désarroi s’entendaient aussi dans la voix du père de Thierry LeRoux, ce policier tué dans l’exercice de ses fonctions en 2016 à Lac-Simon, en Abitibi, dans le cadre d’une opération qui a mal tourné. «Thierry a été tué par un individu ayant des antécédents suicidaires connus qui n’aurait jamais dû être en possession d’armes à feu. Le système actuel lui a permis de posséder des armes légales, incluant un fusil d’assaut», a laissé tomber Michel LeRoux.

«Cette tragédie, la mort de Thierry, celle du tueur, est arrivée parce que le système actuel favorise les armes à feu, les propriétaires d’armes à feu, au détriment de la sécurité publique. C’est assez, il faut que ça change maintenant», a-t-il tranché.

Le ministre Goodale a reconnu en mêlée de presse qu’un projet de loi ne serait pas déposé d’ici la fin de l’année. Mais il a promis que le gouvernement maintenait le cap et comptait toujours présenter une trousse législative conforme à la plateforme électorale.

Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer pourquoi la promesse libérale prenait autant de temps à se matérialiser, il a laissé entendre que beaucoup d’autres dossiers dans son portfolio à la Sécurité publique l’avaient tenu occupé ces deux dernières années.

Le ministre Goodale a par ailleurs nié subir des pressions indues ou exagérées en provenance du lobby proarmes. Il a insisté sur le fait qu’il était normal, dans une société comme le Canada, d’entendre les points de vue de tous.

Avec La Presse Canadienne

Serge Polysesouvient
Le Latuquois Serge St-Arneault (à droite) était présent à Ottawa avec un groupe de personnes pour implorer le gouvernement de ne pas céder aux pressions du lobby pro-armes. Photo : Presse Canadienne

Video: Victims of Gun Violence Call for Gun Control Legislation

CPAC

Victims and victims’ families of the École Polytechnique, Dawson College and Quebec City mosque shootings hold a news conference in Ottawa on November 30, 2017, calling on the Liberal government to introduce promised gun control legislation. Representatives of the Islamic Cultural Centre of Quebec and the Polytechnique Student Association also speak. (no interpretation).

Message de Serge St-Arneault à partir de la 5e minutes, 38e secondes lors de la conférence de presse de PolySeSouvient à Ottawa, 30 novembre 2017. Au total, la vidéo dure environ 40 minutes.

Serge Ottawa 01

Un survivant de l’attentat de Québec presse Ottawa d’agit

Le journal de Montréal logo

Un survivant de l’attentat de la mosquée de Québec brise le silence en pèlerinage à Ottawa pour implorer Justin Trudeau de respecter sa promesse de resserrer le contrôle des armes à feu.

OTTAWA « J’ai vu la force destructrice de ces armes. J’ai vu mes frères tomber et mourir dans leur flaque de sang, a raconté Nizar Ghali, jeudi à Ottawa. C’est la responsabilité du gouvernement de protéger sa population. »

« Alors, M. Trudeau, aidez-nous s’il vous plaît à contrer ce phénomène de possession des armes à feu. Qu’attendez-vous pour agir, que vous faut-il de plus ? » a-t-il lâché.

Sortir de l’ombre

Le survivant de la tuerie de la mosquée de Québec a hésité à sortir de l’ombre. Le souvenir des événements survenus à la mosquée est encore pour lui difficile à porter. Il se sent maintenant prêt à embrasser la cause d’un meilleur contrôle des armes à feu et à demander des comptes aux libéraux.

Après plus de deux ans au pouvoir, le gouvernement Trudeau tarde à respecter son engagement de limiter l’accès aux armes d’assaut semblables à celles utilisées récemment pour commettre des massacres aux États-Unis.

Un groupe de militants en faveur d’un meilleur contrôle des armes à feu dont fait partie M. Ghali s’est déplacé en personne à Ottawa cette semaine dans l’espoir de faire bouger les choses. Mais ils sont sortis déçus de leur rencontre avec le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, qui assure de son côté qu’un projet de loi sera bientôt déposé.

« Nous sommes sortis de la rencontre sans garanties ni assurance ou plan de match », déplore Michel LeRoux, le père de Thierry LeRoux, un policier tué en service dans la communauté anishnaabe de Lac-Simon, en Abitibi.

Goodale avait pourtant laissé entendre par le passé qu’un projet de loi en ce sens serait déposé avant la fin de l’année. Il a toutefois admis jeudi que cet échéancier ne tenait plus. « Nous allons déposer une loi dans le présent mandat », a-t-il assuré.

Lobbys

Aussi présente dans la capitale fédérale, la porte-parole du mouvement PolySeSouvient, Heidi Rathjen, croit que les libéraux fédéraux agissent lentement parce qu’ils subissent de la pression du lobby des armes à feu.

Le ministre Goodale nie que la pression des lobbys ralentisse l’adoption d’une éventuelle loi pour encadrer les armes d’assaut.

Le 28e anniversaire de la tragédie à l’École Polytechnique, lors de laquelle 14 femmes ont perdu la vie, sera souligné le 6 décembre prochain.

Polysesouvient 30 nov. 2017 B
Des victimes et leurs proches sont venus rappeler aux libéraux leurs engagements. De gauche à droite, Serge St-Arneault, frère d’une victime de Polytechnique, Nizar Ghali, survivant de la tuerie à la Grande Mosquée de Québec, Louise Hevey, mère d’Anastasia de Sousa, tuée au Collège Dawson, Michel LeRoux, père d’un policier tué, Meaghan Hennigan, survivante de Dawson, Neji Gadab et Boufeldja Benabdallah, du Centre culturel islamique Québec et Heidi Rathjen, coordonnatrice de PolySeSouvient.

Contrôle des armes: Trudeau prié de bouger

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OTTAWA — 30/11/2017. Justin Trudeau avait promis de resserrer les règles en matière de contrôle des armes à feu, et il n’a pas livré la marchandise. Et la lenteur de son gouvernement à légiférer inquiète vivement des survivants de fusillades et des proches de personnes tombées sous les balles.

La déception qu’étaient venus exprimer les neuf personnes entassées sur l’estrade d’une salle du parlement frôlait la désillusion, jeudi. D’une seule voix, ils ont exhorté le gouvernement à déposer sans plus tarder un projet de loi sur le contrôle des armes à feu.

La coordonnatrice de Polysesouvient et diplômée de Polytechnique, Heidi Rathjen, a dit être sortie fort inquiète d’une rencontre qui a eu lieu un peu plus tôt cette semaine avec le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale.

Et selon elle, contrairement à ce qu’a récemment suggéré le ministre, les travaux du comité aviseur sur les armes avancent à pas de tortue. «Le nouveau comité a été annoncé en grande pompe et, effectivement, il est beaucoup mieux», a tenu à spécifier Mme Rathjen.

«Cependant, le comité a seulement eu deux rencontres: une en mars et une en mai. Quand le ministre s’est fait questionner par rapport à quand viendrait un projet de loi, une de ses réponses était que le comité aviseur « was hard at work »», a-t-elle souligné.

Sans trop vouloir spéculer sur les raisons de la lenteur libérale à agir, elle dit avoir peine à voir un autre facteur explicatif que la pression du lobby pro-armes. Elle soupçonne que «tous ces petits délais, ces petits reculs» sont attribuables «aux objections des propriétaires d’armes».

Et alors qu’approche le 28e anniversaire de la tragédie à l’École Polytechnique, Serge St-Arneault, qui a perdu sa soeur Annie aux mains du tireur Marc Lépine le 6 décembre 1989, a imploré le premier ministre de ne pas céder aux pressions du lobby pro-armes.

«Je sais que le lobby des armes est fort et bruyant, mais votre parti, monsieur le premier ministre, a été élu majoritaire, entre autres, pour votre promesse de renverser les dommages causés par le gouvernement Harper», a-t-il dit lorsqu’il a pris la parole au micro.

«Vous avez un mandat de la population. Ne faites pas de compromis — surtout pas pour plaire au lobby des armes. Renforcez les lois de manière à (accorder la priorité à) la sécurité publique», a fait valoir M. St-Arneault.

Le groupe Polysesouvient, qui milite depuis des années pour un meilleur contrôle des armes depuis le drame de Polytechnique, s’est trouvé de nouveaux alliés: la communauté musulmane, toujours ébranlée par la fusillade survenue en janvier à la mosquée de Québec.

Un survivant de la tragédie qui a fait six victimes, Nizar Ghali, était à Ottawa pour une première apparition publique depuis la tuerie. «J’ai vécu ce drame, j’ai vu la force de destruction de ces armes à feu. J’ai vu mes frères tomber et mourir dans leur flaque de sang», a-t-il lâché.

«Qu’attendez-vous pour agir? Qu’avez-vous besoin de plus?», a-t-il lancé à l’intention du premier ministre Trudeau.

L’impatience et le désarroi s’entendaient aussi dans la voix du père de Thierry LeRoux, ce policier tué dans l’exercice de ses fonctions en 2016 à Lac-Simon, en Abitibi, dans la cadre d’une opération qui a mal tourné.

«Thierry a été tué par un individu ayant des antécédents suicidaires connus qui n’aurait jamais dû être en possession d’armes à feu. Le système actuel lui a permis de posséder des armes légales, incluant un fusil d’assaut», a laissé tomber Michel LeRoux.

«Cette tragédie, la mort de Thierry, celle du tueur, est arrivée parce que le système actuel favorise les armes à feu, les propriétaires d’armes à feu, au détriment de la sécurité publique. C’est assez, il faut que ça change maintenant», a-t-il tranché.

Le ministre Goodale a reconnu en mêlée de presse qu’un projet de loi ne serait pas déposé d’ici la fin de l’année. Mais il a promis que le gouvernement maintenait le cap et comptait toujours présenter une trousse législative conforme à la plateforme électorale.

Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer pourquoi la promesse libérale prenait autant de temps à se matérialiser, il a laissé entendre que beaucoup d’autres dossiers dans son portfolio à la Sécurité publique l’avaient tenu occupé ces deux dernières années.

Le ministre Goodale a par ailleurs nié subir des pressions indues ou exagérées en provenance du lobby pro-armes. Il a insisté sur le fait qu’il était normal, dans une société comme le Canada, d’entendre les points de vue de tous.

Meaghan Hennigan Kathleen Dixon
THE CANADIAN PRESS

Contrôle des armes : des groupes vivement inquiets de la lenteur de Trudeau.

OTTAWA — Justin Trudeau avait promis de resserrer les règles en matière de contrôle des armes à feu, et il n’a pas livré la marchandise. Et la lenteur de son gouvernement à légiférer inquiète vivement des survivants de fusillades et des proches de personnes tombées sous les balles.

La déception qu’étaient venus exprimer les neuf personnes entassées sur l’estrade d’une salle du parlement frôlait la désillusion, jeudi. D’une seule voix, ils ont exhorté le gouvernement à déposer sans plus tarder un projet de loi sur le contrôle des armes à feu.

La coordonnatrice de Polysesouvient et diplômée de Polytechnique, Heidi Rathjen, a dit être sortie fort inquiète d’une rencontre qui a eu lieu un peu plus tôt cette semaine avec le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale.

Et selon elle, contrairement à ce qu’a récemment suggéré le ministre, les travaux du comité aviseur sur les armes avancent à pas de tortue. «Le nouveau comité a été annoncé en grande pompe et, effectivement, il est beaucoup mieux», a tenu à spécifier Mme Rathjen.

«Cependant, le comité a seulement eu deux rencontres: une en mars et une en mai. Quand le ministre s’est fait questionner par rapport à quand viendrait un projet de loi, une de ses réponses était que le comité aviseur « was hard at work »», a-t-elle souligné.

Sans trop vouloir spéculer sur les raisons de la lenteur libérale à agir, elle dit avoir peine à voir un autre facteur explicatif que la pression du lobby pro-armes. Elle soupçonne que «tous ces petits délais, ces petits reculs» sont attribuables «aux objections des propriétaires d’armes».

Et alors qu’approche le 28e anniversaire de la tragédie à l’École Polytechnique, Serge St-Arneault, qui a perdu sa soeur Annie aux mains du tireur Marc Lépine le 6 décembre 1989, a imploré le premier ministre de ne pas céder aux pressions du lobby pro-armes.

«Je sais que le lobby des armes est fort et bruyant, mais votre parti, monsieur le premier ministre, a été élu majoritaire, entre autres, pour votre promesse de renverser les dommages causés par le gouvernement Harper», a-t-il dit lorsqu’il a pris la parole au micro.

«Vous avez un mandat de la population. Ne faites pas de compromis — surtout pas pour plaire au lobby des armes. Renforcez les lois de manière à (accorder la priorité à) la sécurité publique», a fait valoir M. St-Arneault.

Le groupe Polysesouvient, qui milite depuis des années pour un meilleur contrôle des armes depuis le drame de Polytechnique, s’est trouvé de nouveaux alliés: la communauté musulmane, toujours ébranlée par la fusillade survenue en janvier à la mosquée de Québec.

Un survivant de la tragédie qui a fait six victimes, Nizar Ghali, était à Ottawa pour une première apparition publique depuis la tuerie. «J’ai vécu ce drame, j’ai vu la force de destruction de ces armes à feu. J’ai vu mes frères tomber et mourir dans leur flaque de sang», a-t-il lâché.

«Qu’attendez-vous pour agir? Qu’avez-vous besoin de plus?», a-t-il lancé à l’intention du premier ministre Trudeau.

L’impatience et le désarroi s’entendaient aussi dans la voix du père de Thierry LeRoux, ce policier tué dans l’exercice de ses fonctions en 2016 à Lac-Simon, en Abitibi, dans la cadre d’une opération qui a mal tourné.

«Thierry a été tué par un individu ayant des antécédents suicidaires connus qui n’aurait jamais dû être en possession d’armes à feu. Le système actuel lui a permis de posséder des armes légales, incluant un fusil d’assaut», a laissé tomber Michel LeRoux.

«Cette tragédie, la mort de Thierry, celle du tueur, est arrivée parce que le système actuel favorise les armes à feu, les propriétaires d’armes à feu, au détriment de la sécurité publique. C’est assez, il faut que ça change maintenant», a-t-il tranché.

Le ministre Goodale a reconnu en mêlée de presse qu’un projet de loi ne serait pas déposé d’ici la fin de l’année. Mais il a promis que le gouvernement maintenait le cap et comptait toujours présenter une trousse législative conforme à la plateforme électorale.

Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer pourquoi la promesse libérale prenait autant de temps à se matérialiser, il a laissé entendre que beaucoup d’autres dossiers dans son portfolio à la Sécurité publique l’avaient tenu occupé ces deux dernières années.

Le ministre Goodale a par ailleurs nié subir des pressions indues ou exagérées en provenance du lobby pro-armes. Il a insisté sur le fait qu’il était normal, dans une société comme le Canada, d’entendre les points de vue de tous.

Contrôle des armes à feu : des groupes pressent Trudeau d’agir « pour ceux qui sont tombés »

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PUBLIÉ LE 30 NOVEMBRE 2017 À 11 H 21 MIS À JOUR À 14 H 43

« Cette tragédie – la mort de Thierry et celle de son meurtrier – est survenue parce que le système actuel favorise les […] propriétaires d’armes à feu au détriment de la sécurité publique », a déclaré – la voix étranglée par l’émotion – le père du policier Thierry Leroux, mort en devoir à Lac-Simon en février 2016. « C’est assez, il faut que ça change maintenant », a fermement revendiqué Michel LeRoux.

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Des armes à feu comme le fusil AR-15 ci-dessus sont à autorisation restreinte au Canada. Photo : La Presse canadienne/AP / Alex Brandon

Un texte de Yanick Cyr

Des victimes et des parents de victimes de tueries perpétrées avec des armes à feu se sont rendus au parlement d’Ottawa jeudi, afin de rappeler au gouvernement de Justin Trudeau sa promesse de resserrer la législation sur le contrôle des armes à feu.

« Au cours des deux dernières années, les Canadiens ont encore été témoins de plusieurs tragédies perpétrées avec des armes à feu, dont plusieurs étaient légales », a déclaré la coordonnatrice de PolySeSouvient, Heidi Rathjen.

Cette dernière déplore la lenteur du gouvernement de Justin Trudeau dans ce dossier. Elle souligne que le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, lui avait dit en octobre dernier qu’il allait déposer un projet de loi en ce sens avant la fin de l’année.

Elle a toutefois déchanté lors de sa rencontre avec le ministre, mardi dernier. M. Goodale l’a informé qu’il n’y aurait pas de projet de loi déposé avant la fin de l’année.

Un autre délai, une autre raison pour l’expliquer, d’autres déclarations […], mais rien ne nous laisse croire que ce gouvernement a l’intention d’aller de l’avant avec un solide projet de loi dans un avenir rapproché. Heidi Rathjen

« C’est une question de vie ou de mort qui requiert une action urgente du gouvernement, c’est pour ça qu’un groupe de victimes se présente ici, pour démontrer les réelles conséquences d’une faible législation sur les armes à feu, les coûts humains », a poursuivi Mme Rathjen. Elle en a profité pour réclamer au ministre Goodale un échéancier précis et un réengagement de sa part sur ses intentions de resserrer le contrôle des armes à feu.

« Le Parti libéral a promis de renforcer le contrôle des armes à feu lors de la dernière campagne électorale, a rappelé Mme Rathjen. Nous attendons une loi sur le contrôle des armes à feu depuis maintenant trois ans. »

Citant les données publiées par Statistique Canada la semaine dernière, elle souligne que les meurtres commis avec une arme à feu sont en hausse – tant le nombre que le taux – pour une troisième année de suite. Ces crimes ont augmenté de 70 % au cours des trois dernières années, ajoute-t-elle.

« Monsieur Trudeau, vous avez fait la promesse »

Trudeau, vous avez fait la promesse de resserrer la loi sur les armes à feu. Vous devez maintenant choisir entre le lobby des armes à feu et la sécurité publique. Michel LeRoux

« S’il vous plaît, pas de demi-mesure, a poursuivi M. LeRoux. Pour notre fils, pour ceux qui sont tombés comme lui et pour ceux qui continuent de servir et protéger […], il faut empêcher la possession d’armes pour les gens qui souffrent de maladies mentales connues et il faut empêcher les citoyens ordinaires d’avoir un arsenal d’armes de guerre dont le pouvoir destructeur dépasse celui des équipements policiers. »

LeRoux déplore en effet que son fils ait été tué par un homme qui avait des problèmes de santé mentale et qui détenait légalement des armes à feu.

« Thierry a été tué par un individu ayant des antécédents suicidaires connus et qui n’aurait jamais dû être en possession d’une arme à feu, a-t-il déclaré. Le système actuel lui a permis d’en posséder, des armes légales, incluant un fusil d’assaut, et ce, malgré les antécédents et la menace qu’il représentait pour lui-même, son entourage et les policiers. Les autorités le savaient. »

Le frère d’une victime [Annie St-Arneault] de Polytechnique, Serge St-Arneault, abonde en ce sens : « Je sais que le lobby des armes est fort et bruyant, mais votre parti, Monsieur le Premier Ministre, a été élu majoritaire entre autres pour votre promesse de renverser les dommages causés par le gouvernement Harper ».

Vous avez un mandat de la population, ne faites pas de compromis, surtout pas pour plaire au lobby des armes. Renforcez les lois de manière à renforcer la sécurité publique. Serge St-Arneault

Blessée par le tireur du Collège Dawson en 2006, Meaghan Hennigan confie qu’elle souffre toujours des séquelles physiques des deux balles reçues – l’une dans un bras et l’autre dans la hanche droite – lors de la tragédie.

Elle souligne qu’en raison de l’assouplissement de la loi sur le contrôle des armes à feu du gouvernement de Stephen Harper en 2012, les Canadiens sont moins bien protégés que lors de la tragédie de Dawson. Mme Hennigan précise que le tireur avait le droit de posséder le fusil d’assaut – à autorisation restreinte – qu’il a utilisé pour commettre son geste.

Mme Hennigan ajoute que le nouveau modèle du fusil d’assaut utilisé à Dawson échappe maintenant à tout contrôle au Canada. « Personne ne peut savoir qui en a un ou combien il en a », déplore-t-elle.

Tout en dénonçant l’islamophobie, le vice-président du Centre culturel islamique de Québec Boufeldja Benabdallah a joint sa voix et celle des siens pour réclamer un resserrement du contrôle des armes à feu.

C’est l’accès aux armes [pour] des personnes malades et [mal] intentionnées que nous ne voudrions plus dans ce pays de grandes libertés. Boufeldja Benabdallah

Le 29 janvier 2017, un tireur s’est introduit dans la mosquée de Québec où une soixantaine de personnes étaient réunies pour la prière. L’individu a ouvert le feu sur les fidèles tuant six personnes et en blessant grièvement cinq autres.