L’avenir des relations entre Autochtones et Québécois et le sens même de la nation du Québec dépendent intimement de ce que sera ou ne sera pas la réécriture à parts égales de notre histoire.
Les Autochtones, la part effacée du Québec retrace les premiers contacts entre les colons français et les Autochtones. Cette rencontre fondatrice a modelé l’identité québécoise et le regard sur l’Autre. Les récits des voyageurs-explorateurs et colons dialoguent avec les récits oraux, les mythes, les légendes et les écrits autochtones contemporains.
Émerge un portrait riche où se confrontent et s’enchevêtrent représentations et impensé colonial. En replaçant les Autochtones au cœur de l’histoire du Québec, Les Autochtones, la part effacée du Québec propose une éthique qui rompt avec la vision unique, et rétablit l’égale dignité des peuples en présence.
Gilles Bibeau est anthropologue et professeur émérite à l’Université de Montréal. Il a entrepris des recherches dans plusieurs pays d’Afrique, d’Amérique latine ainsi qu’au Québec et en Inde. Il a publié chez Mémoire d’encrierGénéalogie de la violence. Le terrorisme: piège pour la pensée (2015) et Andalucía, l’histoire à rebours (2017).
Les Québécois commémoraient dimanche les 31 ans de la tuerie de Polytechnique Montréal, mais le triste anniversaire prendra cette année une forme particulière parce qu’il n’y aura pas de rassemblement en personne pour souligner l’événement.
Une cérémonie commémorative virtuelle a eu lieu à l’heure du midi, avec la participation entre autres de l’une des survivantes de l’attentat, Nathalie Prévost, qui a fait un discours depuis la place du 6-Décembre-1989.
« Trente et un an après les premières demandes des étudiants de Polytechnique, juste en haut de la côte, et j’y étais, 31 ans et on demande encore des contrôles simples, des contrôles nécessaires », a-t-elle soutenu.
« Malheureusement, 31 ans après, c’est encore à faire, je suis encore là, debout, devant vous, à vous demander qu’ensemble comme Canadiens, on le demande au gouvernement. »
Lors de la cérémonie, un accent particulier a été mis sur la violence contre les femmes autochtones. Plusieurs ont notamment parlé de Joyce Elchaquan, cette Attikamek qui est morte à l’hôpital de Joliette après avoir subi des insultes dégradantes d’une infirmière et d’une préposée aux bénéficiaires.
« Depuis 1980, 1600 femmes autochtones ont disparu ou ont été assassinées. C’est l’équivalent de 37 000 Canadiennes ou 8000 Québécoises. Huit mille Cédrika Provencher passées inaperçues », a déclaré l’artiste innue Kathia Rock.
Comme les années dernières, des faisceaux de lumière seront projetés dans le ciel depuis le belvédère du mont Royal, mais le public n’est pas invité à y assister.
Il y a exactement 31 ans, quatorze femmes, dont beaucoup étaient des étudiantes en génie, ont été tuées et plus d’une douzaine de personnes ont été blessées dans une attaque motivée par la haine du tireur envers les femmes.
Les politiciens au Québec et au Canada ont tenu à souligner le triste anniversaire, dimanche.
« La sécurité des femmes doit être le fondement de toute société. Encore aujourd’hui, trop de femmes, de filles et de personnes de diverses identités et expressions de genre font face à la violence et la discrimination au Canada et à travers le monde. Il nous reste encore beaucoup de travail à faire pour nous assurer qu’elles puissent vivre sans injustice, sans misogynie et sans peur », a déclaré le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, dans un communiqué.
M. Trudeau a rappelé que son gouvernement avait interdit cette année plus de 1500 armes à feu de style militaire, qui comprend l’arme utilisée à Polytechnique.
Le premier ministre François Legault a affirmé que le Québec avait un devoir de souvenir, mais aussi « un devoir d’action ».
« On doit continuer le travail pour prévenir et combattre toutes les formes de violence contre les femmes », a-t-il écrit sur Twitter.
La commémoration de la tuerie qui a coûté la vie à 14 femmes à l’École polytechnique est devenue à travers le temps une journée de réflexion et d’appel à l’action pour mettre fin à la violence basée sur le genre, mais cette année, les gens vivront ce triste anniversaire seuls plutôt qu’en groupe.
MORGAN LOWRIE, LA PRESSE CANADIENNE, publié le 5 décembre 2020
La plupart des évènements qui ont lieu chaque année, dont le dépôt de couronnes de fleurs, des discours et une cérémonie pour projeter des faisceaux de lumière dans le ciel depuis le belvédère du mont Royal, se dérouleront virtuellement ou sans foule en cette année qui sera « difficile », de l’aveu de l’une des survivantes de l’attentat.
« Il y a beaucoup de chaleur humaine dans ma vie autour du 6 décembre, beaucoup d’émotions reliées à ces rassemblements, beaucoup de chaleur et cette année, c’est beaucoup plus froid », a relaté Nathalie Provost, qui a été blessée de quatre balles lorsqu’un tireur a fait irruption à l’École polytechnique en 1989.
Quatorze femmes, dont beaucoup étaient des étudiantes en génie, ont été tuées et plus d’une douzaine de personnes ont été blessées dans une attaque motivée par la haine du tireur envers les femmes.
Mme Provost, qui est porte-parole du groupe militant pour le contrôle des armes à feu PolySeSouvient, affirme que les efforts pour se commémorer le drame se sont poursuivis, même si les réglementations sanitaires empêchent les gens de se rassembler en personne.
Plus tôt cette semaine, une bourse de 30 000 $ connue sous le nom de l’Ordre de la rose blanche a été remise à l’étudiante crie Brielle Chanae Thorsen, une étudiante en génie que Mme Provost décrit comme une « jeune femme extraordinaire ».
Et dimanche midi, Nathalie Provost se joindra à un panel de conférenciers dans un parc nommé en l’honneur des victimes pour un évènement qui sera diffusé en ligne. Mais Mme Provost craint que la participation ne soit plus faible cette année, soulignant que les gens sont fatigués de regarder les écrans.
« C’est pourtant important, le rassemblement dans le deuil et la commémoration. Et là, on essaie de les faire virtuellement et l’impression que j’ai, c’est que, c’est beaucoup plus difficile d’atteindre (les gens) », a-t-elle expliqué.
Cette diminution de la participation survient à un moment où la question de la violence basée sur le genre est plus urgente que jamais, selon certains groupes de défense.
Élisabeth Fluet-Asselin, porte-parole de la Fédération des femmes du Québec, a indiqué que la pandémie avait entraîné une demande accrue dans les refuges pour femmes, des difficultés d’accès aux services et des problèmes de santé mentale provoqués par l’isolement. Elle précise que certains groupes sont particulièrement touchés, notamment les femmes autochtones, les membres de la communauté LGBTQ, les femmes handicapées et les détenus.
En plus d’une cérémonie dominicale dans un parc de Montréal, la fédération a organisé plusieurs évènements virtuels dans le cadre de ses 12 jours d’action, dont des baladodiffusions, des vidéos, des tables rondes et des évènements d’art et de poésie – tous conçus pour souligner et dénoncer la nature systémique de la violence basée sur le genre.
« Les violences faites aux femmes, ce n’est pas seulement physique, c’est pas seulement de la violence conjugale ou sexuelle. Il y a plein d’autres formes de violence et il ne faut pas l’oublier surtout dans le contexte présent », a-t-elle soutenu en entrevue.
Pour sa part, Nathalie Provost s’inquiète d’une augmentation de la violence sur les réseaux sociaux, qui, selon elle, peut entraîner des conséquences réelles et violentes.
À travers les années, Mme Provost dit que ses propres émotions entourant la tuerie de Polytechnique ont évolué.
Cette année, elle se sent fatiguée et frustrée de la lenteur des changements législatifs sur le contrôle des armes à feu.
Elle affirme avoir été encouragée par le plan du gouvernement fédéral, qui prévoit interdire quelque 1500 d’armes à feu de style militaire. Mais il y a encore beaucoup de travail à faire, selon elle, dont interdire les armes de poing, doter la police de meilleurs outils pour intervenir dans des situations problématiques et gérer les armes en circulation actuellement.
Éventuellement, elle espère tourner la page sur la fusillade et que la commémoration devienne une journée paisible. Au lieu de cela, elle dit que le contraire semble se produire alors que les victimes de fusillades à Toronto, à Québec et en Nouvelle-Écosse ajoutent leur voix à ceux qui appellent au changement.
« Nous n’avons pas besoin d’autres commémorations, a-t-elle plaidé. Nous ne voulons pas en créer de nouvelles. Nous voulons que ça arrête. »
La lauréate 2020 de l’Ordre de la rose blanche, décerné par Polytechnique Montréal en mémoire des victimes de la tuerie antiféministe de 1989, a elle-même été victime de violence contre les femmes. L’étudiante d’exception, une fière Autochtone, a révélé jeudi avoir été agressée sexuellement sur le campus, deux jours avant le début des classes.
La violence contre les femmes prend plusieurs formes.
En acceptant son prix jeudi pour son excellence académique et son engagement communautaire, Brielle Chanae Thorsen a fait écho à la violence subie par les victimes et les survivantes de la Polytechnique en partageant son histoire et en posant cette question : En 2020, en faisons-nous assez pour mettre fin à la violence contre les femmes ?
« J’ai appris à la dure que nous n’avons pas tous une chance égale de réussir à l’université », a déclaré avec émotion la jeune ingénieure crie de 22 ans.
Et ce ne fut tristement pas le cas des 14 femmes qui ont été abattues et des 13 personnes blessées par Marc Lépine dans les salles de classe de cette école de génie, le 6 décembre 1989.
Depuis six ans, pour honorer ces victimes et tous ceux qui se sont retrouvés au cœur du drame, Polytechnique Montréal décerne l’Ordre de la rose blanche, une bourse de 30 000 $ qui est remise annuellement à une étudiante canadienne en génie qui désire poursuivre ses études dans ce domaine aux cycles supérieurs.
Brielle a entrepris une maîtrise en génie mécanique à l’Université Queen’s de Kingston, en Ontario. Elle avait auparavant obtenu un baccalauréat en génie mécanique et mathématiques de cette même université.
La jeune femme a un parcours déjà bien étoffé, tant au niveau sportif — elle fait notamment partie de l’équipe féminine d’aviron Queen’s Varsity — que communautaire, étant impliquée au sein d’une multitude d’organisations et oeuvrant pour aider les victimes de violence.
L’Ordre porte ce nom, car au fil des années, les roses blanches sont devenues le symbole des activités de commémoration de ce massacre.
« Nous devons tous avoir une chance égale de poursuivre une carrière enrichissante sans être victimes de discrimination ou de violence, peu importe notre genre, notre race, notre sexualité ou notre religion », a déclaré l’étudiante originaire de Cochrane, en Alberta, qui fait partie de la nation crie de Saddle Lake.
Pour elle, la côte fut ardue après son agression, survenue dans sa chambre de résidence universitaire, deux jours avant sa première journée d’université : certains jours, la moindre petite tâche était insurmontable. Elle avait de la difficulté à étudier, et même « à s’aimer ».
« Comment peut-on être une étudiante parfaite quand on vit un évènement qui a bouleversé notre vie ? »
Bien qu’elle soit née après la tuerie de Polytechnique, Brielle était bien au fait de ce qui s’est passé ce jour-là. Et elle sait que la bourse qu’elle vient de recevoir a un poids et une signification toute particulière.
« Quand je pense à ces vies qui ont été fauchées, je ne peux m’empêcher de penser : et si cela avait été moi et mes camarades ? », a-t-elle dit en entrevue avec La Presse Canadienne.
« Cette pensée me bouleverse. »
Encore aujourd’hui, il y a des barrières à l’éducation des femmes.
Et elle se rappelle de travaux d’équipe à l’université où elle a été traitée différemment en raison de son sexe : des collègues masculins ne tenaient pas compte de ses suggestions et de ses idées, bien qu’ils écoutaient les autres hommes.
Et puis, les femmes sont encore minoritaires dans les classes de génie. Toutefois, dans son programme combiné de génie et de mathématiques, elles étaient près de 50 %.
« Bien qu’il y ait encore du travail à faire pour atteindre l’égalité et l’équité dans la profession, notre représentation augmente, ce qui est fort prometteur pour la future génération de femmes ingénieures », a-t-elle souligné.
« Car les ingénieurs créent des solutions pour le monde entier. Pourquoi une portion seulement de la population serait responsable de concevoir des solutions pour tous ? »
Cela n’a aucun sens, dit-elle. Il faut plus de diversité pour répondre aux défis que l’on doit affronter.
Elle a d’ailleurs déjà cerné son avenir professionnel : elle entend se spécialiser en énergies durables en mettant à profit ses connaissances pour travailler avec les communautés autochtones du nord du pays. Elle veut notamment contribuer à leurs projets visant la souveraineté énergétique.
À la Chambre des communes jeudi, le premier ministre Justin Trudeau a souligné le 31e anniversaire de la tragédie survenue à l’École Polytechnique de Montréal en 1989, et prononcé chacun des noms des 14 victimes.
La vie est fragile, a-t-il dit.
« Il est de notre devoir de ne jamais oublier la nature misogyne de cet attentat antiféministe qui a frappé Montréal, le Québec et le pays tout entier, au cœur de nos valeurs. »
Et s’il est impossible de changer le passé, « on peut encore changer l’avenir ».
Pour ce faire, il faut combattre la « source même de la violence », en contrant la misogynie, la discrimination et la haine, où qu’elles soient.
À quelques jours du 6 décembre, qui marquera le 31e anniversaire de la tuerie de Polytechnique, des survivants et des familles de victimes demandent au gouvernement Trudeau de respecter ses promesses et d’agir rapidement pour rendre « complètes et permanentes » les interdictions des armes d’assaut et des armes de poing.
Des survivants et des familles de victimes des tueries au Collège Dawson (2006), à la mosquée de Québec (2017) et dans le quartier Danforth, à Toronto (2018), se sont joints au groupe PolySeSouvient lundi pour réclamer des mesures plus musclées du gouvernement fédéral.
« Nous sommes très heureux du progrès concernant les armes d’assaut, soit les décrets annoncés le 1er mai dernier interdisant quelque 1500 modèles spécifiques, en plus de ceux qui ont été ajoutés à la liste en fonction de certains critères », signale Heidi Rathjen, témoin de la fusillade survenue à l’École Polytechnique, le 6 décembre 1989.
Mais le gouvernement Trudeau ne doit pas se limiter à des décrets. Mme Rathjen, coordonnatrice de PolySeSouvient, rappelle que le ministre fédéral de la Sécurité publique, Bill Blair, avait promis le printemps dernier de déposer un projet de loi avant l’été.
Aucune annonce n’a été faite, aucune consultation n’a été menée, déplore Heidi Rathjen. « Nous ne percevons aucune indication comme quoi le processus législatif aurait été entamé ou qu’il soit à la veille de l’être. »
Les groupes qui demandent un plus grand contrôle des armes à feu s’inquiètent notamment qu’un éventuel gouvernement conservateur puisse annuler facilement les décrets mis en place par les libéraux.
Mme Rathjen demande également à ce que le programme de rachat des armes proscrites, qui devait débuter cette année, entre en vigueur le plus rapidement possible.
Colère et impatience
« Je suis fatiguée et impatiente. On doit encore répéter des évidences », a déclaré Nathalie Provost, qui a été blessée par balle le 6 décembre 1989.
« J’ai fait face à un tireur qui avait un Ruger Mini-14 semi-automatique équipé de deux chargeurs de 30 balles », poursuit la survivante de la tuerie. « J’ai vu six camarades de classe périr à mes côtés et j’ai moi-même été atteinte quatre fois, le tout en quelques secondes. Oui, l’arme change la donne. La force des coups de feu a joué un rôle déterminant ainsi que la capacité de tirer en rafale. »
Une colère et une impatience partagées par le cofondateur de la mosquée de Québec, Boufeldja Benabdallah. « On a perdu des gens extraordinaires, le 29 janvier 2017. Deux minutes ont suffi au tueur parce qu’il a eu accès à des armes de guerre. »
Un mémorial sera d’ailleurs dévoilé mardi à Québec pour rappeler la tragédie. Un évènement qui attriste le porte-parole de la mosquée. « Nous en avons assez de voir des hommes et des femmes pleurer encore. Attendons-nous qu’il y ait encore d’autres commémorations ? »
Règlement sur le marquage des armes reporté
Le ministère fédéral de la Sécurité publique et de la Protection civile a annoncé lundi le report d’un règlement sur le marquage des armes qui devait entrer en vigueur le 1er décembre. Le règlement entrera plutôt en vigueur le 1er décembre 2023.
« Le gouvernement utilisera la période de report pour continuer à consulter ses partenaires et élaborer un régime de marquage efficace qui convient au Canada, en équilibrant les besoins de l’application de la loi et les répercussions sur les entreprises et les propriétaires d’armes à feu, tout en accordant la priorité à la sécurité publique », indique-t-on.
Partant de la trame sonore du documentaire Ce qu’il reste du 6 décembre, qu’elle a composée, Viviane Audet a construit un « récit pianistique » sans paroles. Son évocation de la tragédie de Polytechnique est tout en pudeur et en délicatesse.
Elle n’avait pas 10 ans quand 14 femmes sont tombées à l’École polytechnique de Montréal, mais Viviane Audet s’en souvient très bien. Elle se rappelle notamment que sa gardienne connaissait une fille qui était sur place et qu’elle lui a parlé au téléphone au lendemain de la tuerie. « Ça marque, dit la musicienne. Chaque 6 décembre, j’y pense depuis que je suis petite. »
L’année dernière, alors qu’on soulignait les 30 ans de la tragédie, Viviane Audet signait la musique du documentaire Ce qu’il reste du 6 décembre, de Judith Plamondon. Son piano délicat s’y pose comme un baume sur les images et les souvenirs terribles de femmes et d’hommes touchés directement ou indirectement par l’attentat.
L’idée de miser sur le piano vient de la réalisatrice, qui voulait quelque chose de « sobre ». La commande tombait à point. « Le piano, c’est vraiment mon instrument », dit Viviane Audet.
Je me suis aussi mise dernièrement à composer plus de musique instrumentale, plus classique. C’était déjà dans l’air, dans mon désir de pousser plus loin ma création au piano.
Viviane Audet
Un « récit pianistique »
Des mois après avoir enregistré ces musiques et après la diffusion du documentaire, la compositrice a senti qu’elle n’avait pas tout dit. « J’avais le feeling que ces musiques-là pouvaient vivre sans le film », dit-elle. Plus encore, elle avait la conviction qu’elle pouvait raconter une histoire avec les enregistrements qu’elle avait faits.
Musique
Alors elle s’y est replongée, a remis de l’ordre dans ses notes et concocté Les filles montagnes, qu’elle présente comme un « récit pianistique » autour de la tragédie de Polytechnique. Un récit sans paroles où seuls les titres – sobres, eux aussi – servent d’ancrages narratifs : Les ballerines, Le piège, Le chandail rouge…
Cette pudeur s’entend tout au long des 11 morceaux. Jamais Viviane Audet ne renforce le drame. « Je ne pouvais me permettre de faire trop de sparages, parce que cette tragédie est déjà inimaginable. J’avais envie de rester dans l’évocation, dans le désir de garder ces filles-là vivantes à travers ma musique », raconte-t-elle.
Les « filles montagnes », c’est bien sûr les 14 femmes assassinées auxquelles elle a voulu rendre hommage. « Elles étaient jeunes, elles étaient belles. Avec le documentaire, j’ai eu l’impression d’aller à leur rencontre », raconte la compositrice. Elle a aussi compris que la blessure était encore vive, même si le temps a passé.
Un projet légitime
Ne désirant pas s’approprier la tragédie et inquiète de la légitimité de son projet, elle a pris contact avec le Comité mémoire du 6 décembre. Qui l’a encouragée à poursuivre, dit-elle, et même à publier son disque peu avant la date symbolique, ce qu’elle n’aurait jamais osé faire sinon.
Viviane Audet croit que ce projet instrumental ouvre une nouvelle porte dans sa vie de compositrice. « C’est la première fois que je sors un truc qui est juste moi au piano. Pour moi, c’est le début de quelque chose », songe-t-elle.
Mais avant de se consacrer à son prochain disque, elle présente, le 3 décembre, un concert virtuel où elle interprétera les morceaux de son album Les filles montagnes. Les revenus de billetterie seront remis à la Semaine de la rose blanche, qui vise à amasser des fonds pour intéresser les filles aux sciences.
Les filles montagnes, de Viviane Audet, en vente dès le 27 novembre, concert lancement virtuel le 3 décembre.
Actualités, Par Stéphane Blais, La Presse Canadienne, 30 novembre 2020
MONTRÉAL — Des survivants et des familles de victimes de tueries qui ont organisé une conférence de presse, lundi matin, demandent au gouvernement fédéral de légiférer pour rendre permanente l’interdiction des armes d’assaut et d’interdire la vente d’armes de poing.
Au mois de mai dernier, le Canada a banni pas moins de 1500 modèles d’armes d’assaut de type militaire, mais pour Heidi Rathjen, coordonnatrice de PolySeSouvient, «ce n’est que le premier pas pour l’interdiction des armes d’assaut».
«Il est nécessaire de compléter l’interdiction (d’armes d’assaut de type militaire) et de la rendre permanente par voie législative, en plus d’instaurer un programme de rachat qui initialement devait commencer cette année. Ce programme devrait aussi être obligatoire, selon la promesse électorale des libéraux.»
Heidi Rathjen demande également que Justin Trudeau envoie un message clair qui confirmera que l’éventuelle législation «confrontera la question des chargeurs modifiables qui peuvent être facilement convertis à leur pleine capacité illégale».
Celle qui a été témoin de la tuerie à l’école Polytechnique en 1989 a souligné que les témoignages au procès de Matthew Raymond, qui a tué quatre personnes à Fredericton le 10 août 2018, ont récemment permis d’apprendre que le tueur avait modifié son fusil semi-automatique, pour tirer plus de balles.
«C’est le quatrième tueur de masse qui l’a fait, à notre connaissance, en plus des auteurs des tueries à Moncton, au Métropolis lors de l’attentat contre Pauline Marois et à la Mosquée de Québec.»
Interdiction des armes de poing
Les victimes et proches de victimes qui ont participé à la conférence de presse réclament également des mesures de contrôle plus sévères concernant les armes de poing. Idéalement, ils souhaiteraient une interdiction à l’échelle nationale de ce type d’arme.
«Mais au minimum, il faudrait au moins fermer le robinet et arrêter l’importation», a fait valoir Heidi Rathjen. Selon PolySeSouvient, il y a 1 million d’armes de poing au pays et pour Heidi Rathjen, «un compromis potentiel serait de restreindre les armes de poing dans les clubs de tirs».
Dans le discours du Trône du 23 septembre dernier, le gouvernement Trudeau avait réaffirmé son intention de donner aux municipalités «la capacité de restreindre ou d’interdire les armes de poing».
«Mais il faut arrêter de mettre ça dans la cour des municipalités», a indiqué Ken Prince lundi matin. Sa fille a été blessée par une balle lors de la fusillade en juillet 2018 sur l’avenue Danforth à Toronto.
«Cela fait plus de deux ans que notre fille a été blessée et il n’y a eu aucun progrès législatif sur les armes de poing et la situation ne cesse de s’aggraver», a indiqué M. Price.
Il voudrait voir le fédéral s’inspirer des lois au Royaume-Uni et en Australie plutôt que de laisser le fardeau aux municipalités, qui, selon lui, n’ont pas les moyens de mettre en place des mesures qui fonctionneraient. «Est-ce que le hobby des amateurs de tirs est plus important que la sécurité du public?» a-t-il demandé.
Boufeldja Benabdallah, cofondateur et porte-parole de la Mosquée de Québec qui a été le théâtre d’un massacre le 27 janvier 2017, prône également le resserrement des lois.
«C’est grâce à l’accès facile aux armes à feu qu’un jeune homme troublé et rempli de haine a pu faire six morts, cinq blessés graves et 25 personnes traumatisées à vie, dont quatre enfants, en moins de deux minutes. Voilà à quoi peut servir un pistolet ‘Glock’ avec cinq chargeurs de 10 balles», a fait valoir Boufeldja Benabdallah.
«Rien n’a changé quant à la disponibilité légale des armes de poing, dont une a été suffisante pour causer ce massacre. Pas de progrès, malgré le fait que sept Canadiens sur 10 appuient leur interdiction», a ajouté le porte-parole de la Mosquée en faisant référence à un sondage de la firme Angus Reid. Selon ce sondage réalisé au printemps 2019, 72 % des Québécois veulent plus de limites pour l’accès aux armes de poing.