La Zambie est en fête

Lusaka, 16 février 2012

Qui l’avait imaginé? Même les Zambiens n’y rêvaient pas. Ils sont si habitués à se rendre tout au plus en demi-finale. Cette fois-ci, les Chipolopolos, c’est-à-dire les Boulets, de l’équipe nationale de football, ou soccer, ont emporté leur premier titre de champion de la coupe d’Afrique en battant la redoutable équipe des Éléphants de Côte-d’Ivoire par un barrage au but, après un match de deux heures sans pointage.

Déjà, la demi-finale contre le Ghana avait fait naître un élan patriotique sans précédent. Les foules se sont alors précipitées dans les rues pour exprimer leur joie. Encore plus en fut-il après une angoissante attente pour atteindre la dernière minute de la finale. Huit balles, c’est-à-dire huit tirs au but, ont été nécessaires pour abattre l’Éléphant, au dire des commentateurs sportifs. L’explosion d’allégresse qui s’en est suivi a duré toute la nuit jusqu’au retour des héros le lendemain après-midi, en provenance du Gabon. Jamais n’a-t-on vu une foule si nombreuse à l’aéroport de Lusaka. Le débordement était incontrôlable, ou presque. La télévision nationale a télédiffusé en direct pendant toute la journée les différentes étapes du retour des joueurs.

Coupe d’Afrique

Cette victoire est d’autant plus significative que c’est précisément à Libreville, au Gabon, que la presque totalité de l’équipe nationale zambienne de football avait connu une fin tragique dans un écrasement aérien le 27 avril 1993. Depuis cette date, jamais la sélection zambienne n’avait refoulé le sol gabonais. Symboliquement, les joueurs ont déposé des gerbes de fleurs sur le lieu de l’accident quelques jours seulement avant l’ultime confrontation contre la Côte d’Ivoire. Les dirigeants de l’équipe et l’entraineur, Hervé Renard, français, y ont vu un signe du destin. L’équipe actuelle allait conquérir le trophée en souvenir et au nom de ceux qui ont péri. Cela s’est effectivement réalisé le 12 février dernier.

Voilà mon nouveau chez moi ; la Zambie, que je découvre lentement. Autrefois situé en banlieue, notre maison est reliée à la ville grâce à un large boulevard boisé. De nombreux ronds-points, constamment pris d’assaut par le trafic automobile, facilitent les déplacements. Les nuits sont généralement assez calmes entrecoupées parfois par le bruit des véhicules nocturnes ou l’aboiement des chiens, dont les nôtres. Sécurité oblige, la propriété est ceinturée de murs. J’ai tant de choses à apprendre : la conduite automobile à Lusaka, la mentalité associée à la vie urbaine, la mixité des tribus que peuple ce pays : les Bemba, les Tonga, les Ngoni, les Losi, les Lunda, les Kaondé, les Luvalé, pour ne nommer que les plus importants parmi plus de 70 d’entre-elles. Parallèlement, je découvre avec étonnement de vastes centres d’achat avec des Subway, des restaurants Sushi ou encore Pizza Hut, comme au Québec!

J’ai aussi commencé mon travail de secrétariat avec la rédaction de quelques rapports. Je prends ainsi connaissance des dossiers et je me familiarise avec les visages et les noms des confrères. Déjà, j’ai découvert l’emplacement de quelques ambassades. En effet, j’aurai souvent à m’y rendre pour des questions de visa à obtenir pour les confrères de passage et pour des permis octroyés par le service d’immigration de la Zambie.

Un peu à la manière des joueurs de football zambien, je fais appel à la mémoire de mes ancêtres pour trouver la bonne énergie qui me permettra de marquer des buts, c’est-à-dire à gagner le pari de rafler la coupe des champions, je veux dire par là, de célébrer la Vie, là où je suis.

La prochaine fois, je vous parlerai de mon récent voyage à Ndola, au nord du pays, à la frontière du Congo.

Serge St-Arneault, M.Afr

Le printemps chrétien

Je suis arrivé à Lusaka il y a déjà un mois. Je commence à m’habituer à la conduite automobile dans cette grande et moderne ville. Comme nouveau secrétaire provincial, je contribue modestement à développer un sens d’appartenance et d’unité entre les confrères vivants dans quatre pays : l’Afrique du Sud, le Mozambique, le Malawi et la Zambie.

Aujourd’hui, je vous partage un texte que j’ai composé il y a quelques mois à la demande de Jasmine Johnson pour le journal de l’Église de Trois-Rivières. Ça sent déjà le printemps! 

Le printemps chrétien

L’année 2011 a été marquée par le printemps arabe qui a bouleversé l’échiquier politique et social de nombreux pays musulmans situés en Afrique du Nord et au Proche-Orient. La surprise a été totale. Les dictatures corrompues sont tombées pour laisser émerger à la fois une grande espérance, mais aussi beaucoup de violence meurtrière. C’est le prix à payer. Il s’agit d’un sacrifice douloureux que le peuple a accepté de relever, sans vraiment en connaître les conséquences réelles.

Trop longtemps mâté par l’oppression, le cri de la révolte s’est projeté dans toutes les directions laissant émerger l’héroïsme d’un peuple aux mains nues, affrontant un pouvoir répressif sanguinaire. Là se cache la puissance du désir de liberté. Cette aspiration profonde est un don de Dieu accordé à ses enfants que nous sommes. Jésus lui-même nous propose sans cesse de rechercher la véritable libération; celle de l’oppression causée par le manque d’amour et de justice, par le péché et le mal, par la souffrance et la peur.

Le printemps arabe est avant tout une revendication citoyenne. À cet égard, nos frères et sœurs chrétiens de ces pays se rallient à la cause sociale du mouvement arabe. Au cœur de ce conflit, ces chrétiens deviennent des témoins du sacrifice radical de Jésus-Christ qui offre sa vie par amour pour tous les humains. Pour eux comme pour nous, le défi est d’espérer et de croire en dépit de toute réalité contraire.

Le printemps arabe ne se confine pas au monde arabe. Ce printemps nous appartient à nous aussi dans la mesure où il représente le combat que nous devons rejoindre nous-mêmes pour affronter les injustices sociales. À cet égard, à la suite de la crise du système financier international affectant des millions de citoyens, le mouvement de contestation amorcé à New York et dans d’autres villes américaines ou ailleurs, ainsi que tout l’effort déployé depuis de nombreuses années dans les associations de revendications sociales, auquel s’associe étroitement l’organisation catholique Justice & Paix, tout cela nous permet d’espérer et de croire en dépit de toute réalité contraire.

Celui qui nous donne l’exemple est celui-là même qui a su espérer et croire au-delà de la souffrance et de la mort. Jésus est le prototype de tous les printemps de contestation au nom de la véritable liberté qui est avant tout d’ordre spirituel. La crucifixion fut le prix que Jésus a dû payer pour que le printemps de l’humanité se mette en marche vers la Vie éternelle. Jésus n’a pas oublié les réalités terrestres. Il a guéri les malades. Il a dénoncé les marchands du temple de Jérusalem ainsi que la corruption des pharisiens.

Mais ultimement, Jésus pointe sans cesse vers le chemin de son Royaume qui n’est pas de ce monde. Malgré deux mille ans d’existence, le printemps chrétien ne fait que commencer et se poursuit en dépit de toute réalité contraire.

La mémoire d’Annie St-Arneault toujours vivante à La Tuque

Serge St-Arneault a publié en septembre dernier un recueil de poèmes de sa soeur Annie. Des textes qu’elle a écrits à l’adolescence et lors de ses études à Montréal. Une jeune Latuquoise de 11 ans, Annabelle Harvey, a lu hier Les fleurs un poème qu’Annie a écrit à l’âge de 11 ans.

La mémoire d’Annie St-Arneault
toujours vivante à La Tuque

GABRIEL DELISLE, Le Nouvelliste, 7 décembre 2011

Annie St-Arneault était bien vivante hier soir à La Tuque, 22 ans après son assassinat avec ses treize compagnes à l’École Polytechnique de Montréal. Un vibrant et touchant hommage lui a été rendu par les membres de sa famille au Complexe culturel Félix-Leclerc de La Tuque, dans cette ville qui l’a vu naître.

Justine Perron, la tante d’Annie St-Arneault, a lu un texte que sa sœur, Laurette Perron-St-Arneault, a écrit en souvenir de sa fille assassinée il y a 22 ans à quelques jours seulement de la fin de ses études. Annie s’apprêtait à amorcer sa carrière d’ingénieur. Mais ses rêves, ses aspirations et sa vie ont été anéantis par un tueur nourri par la haine des femmes.

«Le 6 décembre me laisse le souvenir d’un drame qui a bouleversé nos vies. L’épreuve est si grande que lui donner un sens exige une grande foi. Le danger est de refuser cette épreuve dans un repli de colère ou de révolte», a écrit Laurette Perron-St-Arneault, la mère d’Annie St-Arneault, qui n’a pu, pour des raisons de santé, faire le trajet qui sépare Trois-Rivières de La Tuque. Digne et émue, sa sœur Justine a lu pour elle le texte qu’elle a écrit en l’honneur de sa fille.

«La tragédie de la Polytechnique a suscité chez moi des réactions de peur et de vide. L’absence de ma fille a été très difficile à surmonter et demeure encore une profonde blessure nourrie par des périodes de solitude, de silences et de réflexions», ajoute une mère toujours dans le deuil d’une fille qui a connu une vie trop courte.

«Malgré mes doutes, j’ai toujours eu la certitude d’une présence qui m’accompagnait et qui me permettait de voir les beautés de la vie et la bonté des personnes. Je me suis laissée aimer pour mieux apprivoiser ma peine et mon deuil.»

La mémoire d’Annie St-Arneault est toujours bien présente pour ses parents. «Je l’imagine parfois venir me visiter avec un mari aimant, avec trois ou quatre merveilleux enfants qui nous embrassent tendrement», avoue sa mère.

«Gardons espoir que le sacrifice d’Annie et de ses treize compagnes permettra de changer les cœurs. Ces femmes ont su relever les défis de leur époque avec courage, suivons leur exemple et souvenons-nous toujours d’elles.»

Le frère d’Annie, Serge St-Arneault, est retourné cet automne remplir sa mission de prête au Malawi. Il a toutefois envoyé un témoignage audio dans lequel il rappelait que la tragédie qui a emporté sa soeur est toujours d’actualité.

«Il faut commémorer ce qui est arrivé en 1986. Le drame est toujours d’actualité et soulève encore les passions comme c’est le cas avec le projet de loi du gouvernement conservateur d’abolir le registre des armes à feu», souligne le prêtre qui célébrait ironiquement hier, le 6 décembre, le 25e anniversaire de son ordination diaconale.

Serge St-Arneault a publié en septembre dernier un recueil de poèmes de sa soeur Annie. Des textes qu’elle a écrits à l’adolescence et lors de ses études à Montréal. Une jeune Latuquoise de 11 ans, Annabelle Harvey, a lu hier Les fleurs un poème qu’Annie a écrit à l’âge de 11 ans.

«Annie, tes rêves ne se réaliseront pas ici bas et tes poèmes resteront inachevés, mais mon amour pour toi durera toujours», a précisé la mère de l’étudiante assassinée le 6 décembre 1989.

Une soixantaine de personnes ont assisté à la cérémonie d’hier soir où quatorze chandelles ont été allumées à la mémoire des jeunes femmes victimes du drame de la Polytechnique.

Elles ont été portées et déposées sur les tables par des femmes participant à la soirée littéraire. Soirée qui a eu lieu le 6 décembre comme l’avait suggéré en septembre Serge St-Arneault qui souhaitait que cela devienne un rendez-vous littéraire annuel.

Quelques adolescents de l’école secondaire Champagnat ont aussi participé à la soirée d’hier. Les étudiants ont lu des textes sur l’amour, la peine, la culture autochtone et l’intimidation.

Justine Lavoie était parmi ceux-ci. Victime d’intimidation à l’école, l’adolescente de 13 ans a choisi les mots comme armes de dénonciation avec son texte Ça fait mal.«

Comme un joueur qui encaisse, l’intimidation fait de même. Comme un boxeur qui encaisse et encaisse sans arrêt, mais un jour, il est mis K.O. La seule chose sur laquelle il doit compter, c’est le courage et la dignité. Il doit se battre jusqu’à risquer sa propre vie. Son âme est déchaînée. Il ne peut plus se concentrer. Il faut qu’il agisse au plus vite! Faites attention à ce que vous dites. Ça pourrait être blessant pour autrui! L’intimidation, ça fait mal», a témoigné devant l’assemblée Justine Lavoie.

Sachez espérer et croire en dépit de toute réalité contraire.

Texte envoyé du Malawi par Serge St-Arneault pour la soirée de poésie en l’honneur d’Annie St-Arneault.

Bonsoir à vous tous qui êtes réunis pour cette soirée de récital de poésie.

En effet, ce soir, vous et moi, nous sommes unis dans un même élan du cœur malgré la distance qui nous sépare. Du Malawi, j’ai la chance de vous adresser ces quelques mots grâce à la magie d’Internet.

Je suis très heureux de savoir que cette soirée suscite un grand intérêt et que vous y répondez en grand nombre.

Certes, ce soir, nous commémorons la tragédie de la Polytechnique du 6 décembre 1989. Ce drame est toujours d’actualité et occasionne encore beaucoup de passion, comme c’est maintenant le cas avec le projet de loi du gouvernement fédéral pour l’abolition du registre des armes à feu. À cela, je dis qu’il faut espérer et croire en dépit de toute réalité contraire.

Des drames, il y en a partout, ici en Afrique comme à La Tuque. Mais le drame le plus destructeur est la perte d’espérance. Au-delà des blessures physiques et morales, il y a cette certitude que nous ne sommes pas seuls à surmonter la haine et la violence.

Avec le temps et en portant mon regard sur la croix du Jésus, je comprends que seul le pardon en profondeur peut nous guérir. Oui, nous sommes tous invités à espérer et à croire en dépit de toute réalité contraire.

Le 6 décembre, surtout celui-ci, est aussi pour moi une occasion de réjouissance. En effet, c’est le 6 décembre 1986 que j’ai reçu l’ordination diaconale à Londres des mains du cardinal Basil Hume.

Cela fait donc 25 ans. Aujourd’hui, je partage avec vous ce jubilé en vous disant combien je vous aime et suis reconnaissant auprès de toute la population de La Tuque, parents et amis, pour le soutien que vous m’avez accordé tout au long de ces années. Que le Seigneur vous bénisse!

Au-delà de tous les drames,

Au-delà de toutes les misères du monde,

Au-delà des violences et de la haine,

Sachez espérer et croire en dépit de toute réalité contraire.

Serge St-Arneault, M.Afr