Gabriel Delisle, Le Nouvelliste, 29 juin 2011
(La Tuque) « Je veux redonner à Annie son droit de parole qu’on lui a enlevé lorsqu’on l’a assassinée », affirme son frère Serge St-Arneault. « Son oeuvre poétique est très touchante et profonde. Ces textes sont bouleversants et mettent en valeur ses sentiments, ses pensées, sa personnalité, sa spiritualité. »
L’œuvre d’Annie St-Arneault, une des quatorze victimes de la tuerie de l’École Polytechnique, vivra plus de 20 ans après sa mort. Son frère, Serge St-Arneault, réunit quelques-uns des poèmes qu’elle a écrits de son adolescence à ses études universitaires.
Une découverte qui a tout changé
Serge St-Arneault avait déjà, il y a une dizaine d’années, réalisé un recueil des poèmes de sa sœur Annie retrouvés ici et là dans ses affaires. Ce livre n’était toutefois destiné qu’à des membres de la famille et à des proches. Toutefois, la récente découverte faite par hasard de nouveaux textes a changé les choses.
« Il y avait d’autres poèmes dans un cahier que nous n’avions jamais vu », dit-il toujours émerveillé et profondément touché par cette découverte.
« J’ai eu envie de me pencher sur l’ensemble de son œuvre et de la partager avec le public », avoue Serge St-Arneault. « Je n’aurais jamais été en mesure de publier un livre semblable il y a dix ans, mais les années passent et on prend du recul sur les évènements. »
Un travail d’écriture exigeant
En tout, Serge St-Arneault a plongé dans une cinquantaine de poèmes de sa sœur. Il a voyagé au plus profond de son intimité. Il avoue que ce travail l’a profondément bouleversé.
Annie a écrit de la poésie dès l’âge de 11 ans. Les thèmes abordés sont ceux d’une adolescente qui construit son identité, qui découvre la beauté et l’angoisse. « Dès 15 ans, elle plonge dans le secret du cœur. » Les derniers textes ont été écrits alors qu’elle terminait ses études universitaires avant d’être assassinée à l’âge de 23 ans.
La famille d’Annie St-Arneault n’accordait plus d’entrevues depuis plusieurs années sur le drame de la Polytechnique. La douleur était encore vive. Toutefois, après mures réflexions, la famille accepte la publication des poèmes d’Annie.
« On se donne le droit d’éveiller la douleur de son absence même si cela nous bouleverse encore. Nous avons comme famille le devoir de cheminer dans notre deuil », dit-il. « Je découvre en travaillant sur le recueil que je n’ai pas terminé le mien. »
Serge St-Arneault est prêtre catholique et membre des missionnaires d’Afrique. Il œuvre depuis plusieurs années comme prêtre missionnaire au Malawi. Le pardon est bien sûr une valeur centrale dans sa foi. Il estime même qu’il n’y a nulle guérison sans pardon. « Le pardon est associé à la guérison physique et intérieur. Le souvenir et la blessure demeurent. Il ne s’agit absolument pas d’évacuer le meurtre », dit-il.
L’auteur
Serge St-Arneault célèbre aujourd’hui son 56e anniversaire de naissance, au lendemain de l’anniversaire de son ordination le 28 juin 1987 à La Tuque. Il sera de 10h30 à 21h aujourd’hui au Salon du livre des ambassadeurs culturels tenu au Complexe culturel Félix-Leclerc. Il y présentera ses deux précédents ouvrages qu’il a écrits, édités et publiés.
Le premier Lorsque le sable devient cristal, un guide vers Mua et le centre artistique et culturel de Kungoni au Malawi-Afrique australe, s’intéresse à la culture et à l’art traditionnel du Malawi particulièrement des masques alors que le second, Rivière de diamants, Journal d’une décennie au Malawi, est le récit de l’œuvre missionnaire.
« La tuerie de l’École Polytechnique est un drame national »
Le drame de l’École Polytechnique de Montréal est un événement qui a marqué profondément la société québécoise. Le 6 décembre 1989 peu après 17 h, un homme armé fait éruption dans l’école. Le bilan est lourd. Marc Lépine a assassiné ce jour-là 14 femmes.
«La tuerie de l’École Polytechnique est un drame national. C’est un événement qui a bouleversé tout le Canada et qui a éveillé les consciences. On s’attaquait aux femmes juste parce qu’elles étaient des femmes», lance Serge St-Arneault, le frère d’Annie, une des victimes de Marc Lépine.
« Vous êtes une gang de féministes. J’haïs les féministes », avait alors dit le meurtrier.
« C’est un point de référence. Il y a avant et il y a après la polytechnique », souligne Serge St-Arneault.
« La tragédie a eu des impacts positifs notamment sur le contrôle des armes à feu bien que le registre sera vraisemblablement modifié par le gouvernement de Stephen Harper », souligne Serge St-Arneault qui ajoute que la situation est bien mieux que celle de nos voisins du sud où le droit à la possession d’arme à feu est un droit protégé par la constitution.
Depuis 1989, le massacre de l’École polytechnique est commémoré par des groupes qui luttent contre la violence faite aux femmes.
« Nous espérons que cela aura permis de sauver la vie d’autres femmes », avoue M. St-Arneault.
La famille d’Annie croit que la publication du recueil de ses poèmes en septembre prochain pourra aider d’autres personnes à cheminer dans leur deuil. L’auteur prévoit consacrer quelques pages à la fin de ce recueil sur les évènements de l’École Polytechnique.
« On peut peut-être aider des gens à surmonter ainsi leur deuil. C’est pour cela que nous partageons les poèmes de ma soeur. C’est pour apporter de l’espoir. »
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