Salon du livre : un fort sentiment d’appartenance

Gabriel Delisle, Le Nouvelliste, 30 juin 2011

(La Tuque) Les ambassadeurs culturels qui font rayonner La Tuque au Québec étaient à l’honneur hier lors de la huitième journée des Fêtes du centenaire.

Des auteurs de tous les styles comme Gaston Croisetière, Odette Leclerc, Jacques Bronsard, Mathieu Fortin, Yvan Savignac, Serge St-Arneault, Roger Côté, Gaston Hamel et Françoise Bélanger étaient sur place avec leurs oeuvres.

«C’est formidable de rencontrer nos lecteurs et d’avoir leurs commentaires sur le livre. Nous sommes une petite maison d’édition et je n’ai pas la chance de faire les gros salons. J’apprécie l’expérience», explique Odette Leclerc, auteure et éditrice du roman Le pelican.

Outre le salon du livre, deux films sur des artistes d’origine latuquoise étaient également projetés hier. Les visiteurs ont eu la chance de visionner le film sur la pianiste Rachel Martel intitulé Et que la musique continue… Frédéric Chopin sur toile et au piano ainsi que le documentaire Mon ami Pierrot, Le dernier homme libre sur la vie du chansonnier latuquois Pierre Rochette des réalisatrices Véronique Leduc et de Geneviève Vézina-Montplaisir. Les deux documentaristes et Rachel Martel étaient d’ailleurs sur place pour présenter les deux productions.

La grande pianiste Rachel Martel a reçu tout un accueil mercredi à La Tuque. Émus, de nombreux spectateurs l’ont chaleureusement saluée après la présentation du film. «L’accueil est formidable», a-t-elle lancé.

L’arrêt d’un autobus avec à son bord une cinquantaine de personnes de la MRC des Chenaux a, pour quelques minutes, fait bondir substantiellement le nombre de visiteurs. «Nous sommes venus pour le centenaire de La Tuque. Nous visitons tout ce qu’il y a aujourd’hui», souligne une des responsables de l’Association québécoise des retraités (AQDR) de la MRC des Chenaux.

L’organisatrice du salon du livre Lynn Bérubé était très satisfaite de la fréquentation des visiteurs mercredi. «On sent que les Latuquois ont un fort sentiment d’appartenance envers les auteurs d’ici», précise-t-elle.

La directrice générale de la Corporation de développement des arts et de la culture de La Tuque aimerait que davantage d’activités dédiées à la poésie et à la littérature aient lieu au Complexe culturel Félix-Leclerc.

«Nous voulons qu’il y ait plus de lancements ainsi que plus de rencontres et d’ateliers littéraires», souligne Christiane Giguère.

Les poèmes d’une victime de Polytechnique publiés

Gabriel Delisle, Le Nouvelliste, 29 juin 2011

(La Tuque) « Je veux redonner à Annie son droit de parole qu’on lui a enlevé lorsqu’on l’a assassinée », affirme son frère Serge St-Arneault. « Son oeuvre poétique est très touchante et profonde. Ces textes sont bouleversants et mettent en valeur ses sentiments, ses pensées, sa personnalité, sa spiritualité. »
L’œuvre d’Annie St-Arneault, une des quatorze victimes de la tuerie de l’École Polytechnique, vivra plus de 20 ans après sa mort. Son frère, Serge St-Arneault, réunit quelques-uns des poèmes qu’elle a écrits de son adolescence à ses études universitaires.

Une découverte qui a tout changé

Serge St-Arneault avait déjà, il y a une dizaine d’années, réalisé un recueil des poèmes de sa sœur Annie retrouvés ici et là dans ses affaires. Ce livre n’était toutefois destiné qu’à des membres de la famille et à des proches. Toutefois, la récente découverte faite par hasard de nouveaux textes a changé les choses.

« Il y avait d’autres poèmes dans un cahier que nous n’avions jamais vu », dit-il toujours émerveillé et profondément touché par cette découverte.

« J’ai eu envie de me pencher sur l’ensemble de son œuvre et de la partager avec le public », avoue Serge St-Arneault. « Je n’aurais jamais été en mesure de publier un livre semblable il y a dix ans, mais les années passent et on prend du recul sur les évènements. »

Un travail d’écriture exigeant

En tout, Serge St-Arneault a plongé dans une cinquantaine de poèmes de sa sœur. Il a voyagé au plus profond de son intimité. Il avoue que ce travail l’a profondément bouleversé.

Annie a écrit de la poésie dès l’âge de 11 ans. Les thèmes abordés sont ceux d’une adolescente qui construit son identité, qui découvre la beauté et l’angoisse. « Dès 15 ans, elle plonge dans le secret du cœur. » Les derniers textes ont été écrits alors qu’elle terminait ses études universitaires avant d’être assassinée à l’âge de 23 ans.

La famille d’Annie St-Arneault n’accordait plus d’entrevues depuis plusieurs années sur le drame de la Polytechnique. La douleur était encore vive. Toutefois, après mures réflexions, la famille accepte la publication des poèmes d’Annie.

« On se donne le droit d’éveiller la douleur de son absence même si cela nous bouleverse encore. Nous avons comme famille le devoir de cheminer dans notre deuil », dit-il. « Je découvre en travaillant sur le recueil que je n’ai pas terminé le mien. »

Serge St-Arneault est prêtre catholique et membre des missionnaires d’Afrique. Il œuvre depuis plusieurs années comme prêtre missionnaire au Malawi. Le pardon est bien sûr une valeur centrale dans sa foi. Il estime même qu’il n’y a nulle guérison sans pardon. « Le pardon est associé à la guérison physique et intérieur. Le souvenir et la blessure demeurent. Il ne s’agit absolument pas d’évacuer le meurtre », dit-il.

L’auteur

Serge St-Arneault célèbre aujourd’hui son 56e anniversaire de naissance, au lendemain de l’anniversaire de son ordination le 28 juin 1987 à La Tuque. Il sera de 10h30 à 21h aujourd’hui au Salon du livre des ambassadeurs culturels tenu au Complexe culturel Félix-Leclerc. Il y présentera ses deux précédents ouvrages qu’il a écrits, édités et publiés.
Le premier Lorsque le sable devient cristal, un guide vers Mua et le centre artistique et culturel de Kungoni au Malawi-Afrique australe, s’intéresse à la culture et à l’art traditionnel du Malawi particulièrement des masques alors que le second, Rivière de diamants, Journal d’une décennie au Malawi, est le récit de l’œuvre missionnaire.

« La tuerie de l’École Polytechnique est un drame national »

Le drame de l’École Polytechnique de Montréal est un événement qui a marqué profondément la société québécoise. Le 6 décembre 1989 peu après 17 h, un homme armé fait éruption dans l’école. Le bilan est lourd. Marc Lépine a assassiné ce jour-là 14 femmes.

«La tuerie de l’École Polytechnique est un drame national. C’est un événement qui a bouleversé tout le Canada et qui a éveillé les consciences. On s’attaquait aux femmes juste parce qu’elles étaient des femmes», lance Serge St-Arneault, le frère d’Annie, une des victimes de Marc Lépine.

« Vous êtes une gang de féministes. J’haïs les féministes », avait alors dit le meurtrier.

« C’est un point de référence. Il y a avant et il y a après la polytechnique », souligne Serge St-Arneault.

« La tragédie a eu des impacts positifs notamment sur le contrôle des armes à feu bien que le registre sera vraisemblablement modifié par le gouvernement de Stephen Harper », souligne Serge St-Arneault qui ajoute que la situation est bien mieux que celle de nos voisins du sud où le droit à la possession d’arme à feu est un droit protégé par la constitution.

Depuis 1989, le massacre de l’École polytechnique est commémoré par des groupes qui luttent contre la violence faite aux femmes.

« Nous espérons que cela aura permis de sauver la vie d’autres femmes », avoue M. St-Arneault.

La famille d’Annie croit que la publication du recueil de ses poèmes en septembre prochain pourra aider d’autres personnes à cheminer dans leur deuil. L’auteur prévoit consacrer quelques pages à la fin de ce recueil sur les évènements de l’École Polytechnique.

« On peut peut-être aider des gens à surmonter ainsi leur deuil. C’est pour cela que nous partageons les poèmes de ma soeur. C’est pour apporter de l’espoir. »