La commémoration de la tuerie qui a coûté la vie à 14 femmes à l’École polytechnique est devenue à travers le temps une journée de réflexion et d’appel à l’action pour mettre fin à la violence basée sur le genre, mais cette année, les gens vivront ce triste anniversaire seuls plutôt qu’en groupe.
MORGAN LOWRIE, LA PRESSE CANADIENNE, publié le 5 décembre 2020
La plupart des évènements qui ont lieu chaque année, dont le dépôt de couronnes de fleurs, des discours et une cérémonie pour projeter des faisceaux de lumière dans le ciel depuis le belvédère du mont Royal, se dérouleront virtuellement ou sans foule en cette année qui sera « difficile », de l’aveu de l’une des survivantes de l’attentat.
« Il y a beaucoup de chaleur humaine dans ma vie autour du 6 décembre, beaucoup d’émotions reliées à ces rassemblements, beaucoup de chaleur et cette année, c’est beaucoup plus froid », a relaté Nathalie Provost, qui a été blessée de quatre balles lorsqu’un tireur a fait irruption à l’École polytechnique en 1989.
Quatorze femmes, dont beaucoup étaient des étudiantes en génie, ont été tuées et plus d’une douzaine de personnes ont été blessées dans une attaque motivée par la haine du tireur envers les femmes.
Mme Provost, qui est porte-parole du groupe militant pour le contrôle des armes à feu PolySeSouvient, affirme que les efforts pour se commémorer le drame se sont poursuivis, même si les réglementations sanitaires empêchent les gens de se rassembler en personne.
Plus tôt cette semaine, une bourse de 30 000 $ connue sous le nom de l’Ordre de la rose blanche a été remise à l’étudiante crie Brielle Chanae Thorsen, une étudiante en génie que Mme Provost décrit comme une « jeune femme extraordinaire ».
Et dimanche midi, Nathalie Provost se joindra à un panel de conférenciers dans un parc nommé en l’honneur des victimes pour un évènement qui sera diffusé en ligne. Mais Mme Provost craint que la participation ne soit plus faible cette année, soulignant que les gens sont fatigués de regarder les écrans.
« C’est pourtant important, le rassemblement dans le deuil et la commémoration. Et là, on essaie de les faire virtuellement et l’impression que j’ai, c’est que, c’est beaucoup plus difficile d’atteindre (les gens) », a-t-elle expliqué.
Cette diminution de la participation survient à un moment où la question de la violence basée sur le genre est plus urgente que jamais, selon certains groupes de défense.
Élisabeth Fluet-Asselin, porte-parole de la Fédération des femmes du Québec, a indiqué que la pandémie avait entraîné une demande accrue dans les refuges pour femmes, des difficultés d’accès aux services et des problèmes de santé mentale provoqués par l’isolement. Elle précise que certains groupes sont particulièrement touchés, notamment les femmes autochtones, les membres de la communauté LGBTQ, les femmes handicapées et les détenus.
En plus d’une cérémonie dominicale dans un parc de Montréal, la fédération a organisé plusieurs évènements virtuels dans le cadre de ses 12 jours d’action, dont des baladodiffusions, des vidéos, des tables rondes et des évènements d’art et de poésie – tous conçus pour souligner et dénoncer la nature systémique de la violence basée sur le genre.
« Les violences faites aux femmes, ce n’est pas seulement physique, c’est pas seulement de la violence conjugale ou sexuelle. Il y a plein d’autres formes de violence et il ne faut pas l’oublier surtout dans le contexte présent », a-t-elle soutenu en entrevue.
Pour sa part, Nathalie Provost s’inquiète d’une augmentation de la violence sur les réseaux sociaux, qui, selon elle, peut entraîner des conséquences réelles et violentes.
À travers les années, Mme Provost dit que ses propres émotions entourant la tuerie de Polytechnique ont évolué.
Cette année, elle se sent fatiguée et frustrée de la lenteur des changements législatifs sur le contrôle des armes à feu.
Elle affirme avoir été encouragée par le plan du gouvernement fédéral, qui prévoit interdire quelque 1500 d’armes à feu de style militaire. Mais il y a encore beaucoup de travail à faire, selon elle, dont interdire les armes de poing, doter la police de meilleurs outils pour intervenir dans des situations problématiques et gérer les armes en circulation actuellement.
Éventuellement, elle espère tourner la page sur la fusillade et que la commémoration devienne une journée paisible. Au lieu de cela, elle dit que le contraire semble se produire alors que les victimes de fusillades à Toronto, à Québec et en Nouvelle-Écosse ajoutent leur voix à ceux qui appellent au changement.
« Nous n’avons pas besoin d’autres commémorations, a-t-elle plaidé. Nous ne voulons pas en créer de nouvelles. Nous voulons que ça arrête. »
À quelques jours du 6 décembre, qui marquera le 31e anniversaire de la tuerie de Polytechnique, des survivants et des familles de victimes demandent au gouvernement Trudeau de respecter ses promesses et d’agir rapidement pour rendre « complètes et permanentes » les interdictions des armes d’assaut et des armes de poing.
Des survivants et des familles de victimes des tueries au Collège Dawson (2006), à la mosquée de Québec (2017) et dans le quartier Danforth, à Toronto (2018), se sont joints au groupe PolySeSouvient lundi pour réclamer des mesures plus musclées du gouvernement fédéral.
« Nous sommes très heureux du progrès concernant les armes d’assaut, soit les décrets annoncés le 1er mai dernier interdisant quelque 1500 modèles spécifiques, en plus de ceux qui ont été ajoutés à la liste en fonction de certains critères », signale Heidi Rathjen, témoin de la fusillade survenue à l’École Polytechnique, le 6 décembre 1989.
Mais le gouvernement Trudeau ne doit pas se limiter à des décrets. Mme Rathjen, coordonnatrice de PolySeSouvient, rappelle que le ministre fédéral de la Sécurité publique, Bill Blair, avait promis le printemps dernier de déposer un projet de loi avant l’été.
Aucune annonce n’a été faite, aucune consultation n’a été menée, déplore Heidi Rathjen. « Nous ne percevons aucune indication comme quoi le processus législatif aurait été entamé ou qu’il soit à la veille de l’être. »
Les groupes qui demandent un plus grand contrôle des armes à feu s’inquiètent notamment qu’un éventuel gouvernement conservateur puisse annuler facilement les décrets mis en place par les libéraux.
Mme Rathjen demande également à ce que le programme de rachat des armes proscrites, qui devait débuter cette année, entre en vigueur le plus rapidement possible.
Colère et impatience
« Je suis fatiguée et impatiente. On doit encore répéter des évidences », a déclaré Nathalie Provost, qui a été blessée par balle le 6 décembre 1989.
« J’ai fait face à un tireur qui avait un Ruger Mini-14 semi-automatique équipé de deux chargeurs de 30 balles », poursuit la survivante de la tuerie. « J’ai vu six camarades de classe périr à mes côtés et j’ai moi-même été atteinte quatre fois, le tout en quelques secondes. Oui, l’arme change la donne. La force des coups de feu a joué un rôle déterminant ainsi que la capacité de tirer en rafale. »
Une colère et une impatience partagées par le cofondateur de la mosquée de Québec, Boufeldja Benabdallah. « On a perdu des gens extraordinaires, le 29 janvier 2017. Deux minutes ont suffi au tueur parce qu’il a eu accès à des armes de guerre. »
Un mémorial sera d’ailleurs dévoilé mardi à Québec pour rappeler la tragédie. Un évènement qui attriste le porte-parole de la mosquée. « Nous en avons assez de voir des hommes et des femmes pleurer encore. Attendons-nous qu’il y ait encore d’autres commémorations ? »
Règlement sur le marquage des armes reporté
Le ministère fédéral de la Sécurité publique et de la Protection civile a annoncé lundi le report d’un règlement sur le marquage des armes qui devait entrer en vigueur le 1er décembre. Le règlement entrera plutôt en vigueur le 1er décembre 2023.
« Le gouvernement utilisera la période de report pour continuer à consulter ses partenaires et élaborer un régime de marquage efficace qui convient au Canada, en équilibrant les besoins de l’application de la loi et les répercussions sur les entreprises et les propriétaires d’armes à feu, tout en accordant la priorité à la sécurité publique », indique-t-on.
(Ottawa) La Ville de Montréal exhorte le gouvernement Trudeau à jeter aux orties son projet de déléguer aux municipalités le pouvoir de restreindre ou d’interdire les armes de poing sur leur territoire. Un tel plan serait inefficace et entraînerait une balkanisation en matière de mesures de contrôle de ce type d’arme au pays.
MÉLANIE MARQUIS et JOËL-DENIS BELLAVANCE, LA PRESSE
En lieu et place, la Ville de Montréal presse le gouvernement libéral de prendre une fois pour toutes le taureau par les cornes en adoptant lui-même un train de mesures pour interdire la possession privée, l’importation et la fabrication d’armes de poing d’un bout à l’autre du pays.
Alors que l’on constate une escalade de violence depuis un an dans le secteur nord-est de Montréal marquée par des coups de feu tirés en plein jour, des jeunes qui sont armés et des résidants qui sont terrorisés, la mairesse Valérie Plante doute de l’efficacité du plan des libéraux de Justin Trudeau concernant les armes de poing.
« Montréal a toujours été un chef de file dans la lutte contre la possession et l’utilisation des armes à feu. Tristement, la métropole a trop souvent été le théâtre de graves tragédies et de féminicides lors desquels des armes d’assaut et de poing ont été utilisées », a affirmé Mme Plante dans un courriel à La Presse.
« En mai dernier, le gouvernement fédéral a légiféré dans le dossier des armes d’assaut. J’invite les élus de la Chambre des communes à poursuivre le travail amorcé et [à] inclure rapidement les armes de poing », a-t-elle ajouté.
En coulisses, on fait aussi valoir que même si la Ville de Montréal avait le pouvoir de légiférer pour bannir les armes de poing, rien n’empêcherait un individu de se procurer ce même type d’arme dans une autre ville qui n’aurait pas de telles restrictions.
Lors de son passage à l’émission Tout le monde en parle, dimanche dernier, la mairesse Plante a exprimé sa vive inquiétude face à une recrudescence des incidents impliquant des armes de poing dans certains quartiers de la métropole, dont Montréal-Nord et le Vieux-Montréal.
« On voit de plus en plus de gens qui ont des armes, qui ont accès à des armes, comme à Toronto, a-t-elle dit. Les armes d’assaut vont être légiférées par le fédéral, mais toutes les armes, les pistolets, ce n’est pas le cas. Moi, je ne trouve pas ça normal qu’on puisse acheter aussi facilement des armes comme celles-là », a-t-elle fait valoir.
Revendications à l’échelle nationale
Et Valérie Plante n’est pas seule parmi les maires à exiger qu’Ottawa prenne davantage les choses en main. À Toronto et à Vancouver, les premiers magistrats John Tory et Kennedy Stewart réclament également une interdiction des armes de poing à l’échelle nationale depuis un bon moment. Il s’agit « d’une mesure parmi plusieurs autres que le gouvernement du Canada devrait mettre en place pour aider à mettre fin à la violence par arme à feu », a déclaré à La Presse le maire John Tory, déterminé à bannir ces armes dans la métropole ontarienne.
Son homologue de la métropole de la Colombie-Britannique est animé de la même ambition. « Si le gouvernement fédéral met en œuvre une législation qui permettrait à la Ville de Vancouver de mettre en place une interdiction des armes de poing, je ferais de mon mieux pour travailler avec le conseil afin de l’implanter », a soutenu M. Stewart dans une déclaration transmise à La Presse.
En dépit des récriminations émanant du camp Plante, le ministre fédéral de la Sécurité publique, Bill Blair, entend maintenir le cap.
« Nous présenterons un projet de loi qui nous donnera de nouveaux pouvoirs pour garder les armes à feu hors de portée des criminels en mettant fin à la contrebande d’armes à feu au Canada, ainsi qu’au trafic d’armes à feu par détournement et par achat par prête-nom », a ajouté la porte-parole du ministre de la Sécurité publique.
Dans le discours du Trône du 23 septembre dernier, où il a énoncé ses grandes priorités des prochains mois, le gouvernement Trudeau a réaffirmé son intention de donner aux municipalités « la capacité de restreindre ou d’interdire les armes de poing » et de « renforcer les mesures de contrôle du flux d’armes illégales qui entrent au Canada », notamment en provenance des États-Unis.
Pour déléguer un tel pouvoir aux municipalités, le gouvernement Trudeau devra amender le Code criminel et obtenir la collaboration des provinces. Or, cette proposition se heurte à un mur en Saskatchewan, où le gouvernement de Scott Moe a adopté une loi en juin interdisant aux municipalités de la province d’avoir recours à un tel pouvoir si Ottawa devait le leur accorder. L’Alberta s’y oppose aussi farouchement, le premier ministre Jason Kenney affirmant que la démarche d’Ottawa est vouée à l’échec.
Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, ne s’est pas montré enthousiaste à l’idée de donner le feu vert à Toronto, où les fusillades sont un véritable fléau depuis plusieurs années. Quant au premier ministre britanno-colombien John Horgan, actuellement en campagne électorale, il s’est dit désireux de travailler avec les autres ordres de gouvernement en vue de bannir les armes de poing.
La pandémie de COVID-19 et l’instabilité sociale ayant suivi la mort de George Floyd inquiètent de nombreux Américains qui ont décidé de s’acheter une arme pour se protéger. Les ventes ont même atteint un niveau record en juin sur fond d’élection présidentielle, générant des problèmes de stocks pour certains commerçants assaillis de clients.
Publié le 21 octobre 2020
MARC THIBODEAU, LA PRESSE
Quelques citations de cet article :
Selon les plus récentes données des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), près de 40 000 Américains ont été tués par balle en 2017.
Selon une étude du Center for American Progress, les jeunes Américains sont frappés de plein fouet par la violence liée aux armes. L’organisation relève que bon an, mal an, plus de la moitié des personnes tuées par balle ont moins de 30 ans.
Les Afro-Américains sont particulièrement touchés. L’organisation Everytown for Gun Safety estime qu’en moyenne, 26 membres de cette communauté sont tués et 104 blessés quotidiennement. Dans les grandes villes, 68 % des victimes de meurtre sont afro-américaines.
Malgré l’impasse qui prévaut souvent sur le plan politique, une majorité d’Américains se disent favorables à un resserrement des règles régissant l’accès aux armes.
(Québec) Devant une recrudescence des crimes liés à l’utilisation des armes à feu, les forces policières québécoises redoubleront d’efforts dans leur lutte contre le crime organisé et les « groupes criminels ». Le gouvernement Legault confirme des sommes de 65 millions pour les appuyer dans leurs actions.
Publié le 21 octobre 2020 à 5h00
FANNY LÉVESQUE, LA PRESSE
Quelques citations de cet article :
La ministre Guilbault a confirmé l’ajout de 65 millions pour lutter contre les réseaux criminels et la violence liée aux armes à feu, ce qui comprend un investissement de 32,5 millions sur cinq ans qui avait été annoncé dans le cadre du budget Girard, en mars 2020. S’ajoutent 27,6 millions qui proviennent du Fonds fédéral d’action contre la violence liée aux armes à feu et aux gangs.
Près de 4,5 millions provenant de la distribution annuelle du produit des biens confisqués à la suite d’activités criminelles seront également partagés entre les divers corps de police qui participent à ce genre de programme.
(Tucson, Arizona) Potrero surgit au milieu de la route sinueuse qui serpente dans le sud de la Californie. Entre deux montagnes, le panneau surgit : Potrero, population : 646. Il se fait tard et j’ai du chemin à faire, mais mon regard est attiré par un petit attroupement devant le « centre communautaire ».
Publié le 22 octobre 2020
YVES BOISVERT, LA PRESSE
Quelques citations de cet article :
À Phoenix, dimanche, je me suis arrêté dans une boutique d’armes à feu. Elle était fermée, mais « John », un ancien de l’armée devenu instructeur, venait y faire un tour. Je suis entré avec lui. Il voulait que je ne le photographie que de dos. Il porte un pistolet Glock bien visible à la ceinture, selon cette règle existant en Arizona et dans plusieurs États qui permet de porter une arme sans permis pourvu qu’on puisse l’apercevoir. C’est pour une arme « cachée » qu’on doit obtenir un permis de port d’arme à feu. Il transporte avec lui un 9 mm d’assaut semi-automatique, « surtout pour dissuader ». « Nos ventes d’armes ont explosé cet été, me dit-il. On a de la difficulté à obtenir certains modèles. Le prix des munitions augmente. »
Pourquoi les gens s’arment-ils ? La peur dans les foyers n’est pas à confondre avec l’armement des milices. Mais difficile de ne pas faire un lien entre le racisme et les « tensions raciales » et les différents motifs d’armement légal.
D’après le Southern Poverty Law Center, le nombre de membres de milices armées de divers ordres s’est multiplié par huit après l’élection de Barack Obama. Il y aurait 100 000 personnes dans l’un ou l’autre des 276 groupes identifiés. Ce n’est pas négligeable, même dans un pays de 330 millions d’habitants. Quand on voit qu’un de ces groupes armés complotait pour kidnapper et assassiner la gouverneure du Michigan, c’est clairement plus qu’un jeu pour grands garçons. Les groupes suprémacistes blancs, qui se recoupent avec ces milices antigouvernement bien souvent, sont considérés par le FBI comme la plus grande menace terroriste intérieure au pays.
PATRICK WHITE PUBLISHED DECEMBER 13, 2020 in the Globe and Mail
La police de Montréal met en place une escouade de lutte au trafic d’armes à feu devant une « hausse atypique des événements » violents dans le nord-est de la ville.
(Ottawa) Une note interne du gouvernement fédéral indique que plusieurs mesures de contrôle des armes à feu qui avaient reçu la sanction royale il y a plus d’un an pourraient ne pas entrer en vigueur avant 2022 — notamment la vérification élargie des antécédents.
Publié le 24 août 2020
JIM BRONSKILL, LA PRESSE CANADIENNE
Une note d’information préparée en juin prévient le ministre de la Sécurité publique, Bill Blair, qu’une série de changements réglementaires, administratifs ou techniques doivent être apportés avant que toutes les dispositions de la « Loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu » (projet de loi C-71) soient en vigueur.
Certaines mesures sont entrées en vigueur dès la sanction royale en juin 2019, comme les articles prévoyant que les armes prohibées saisies par la police sont considérées comme « confisquées au profit de la Couronne ».
Mais plusieurs autres mesures nécessiteront des changements réglementaires, administratifs ou techniques avant de pouvoir s’appliquer. C’est notamment le cas pour l’élargissement de la vérification des antécédents pour obtenir un permis d’armes, qui passerait des cinq dernières années à toute la vie d’un demandeur.
La note, rédigée pour aider le ministre Blair à répondre aux questions à la Chambre des communes, mentionne d’autres dispositions qui ne sont pas encore entrées en vigueur :
— Obliger l’acheteur d’une arme à feu sans restrictions, dont de nombreux fusils de chasse, à présenter un permis d’arme à feu, tandis que le vendeur devra s’assurer de la validité du permis ;
— Exiger des vendeurs qu’ils tiennent des registres des ventes d’armes à feu sans restrictions ;
— Retirer au Cabinet le pouvoir de classer certaines armes à feu dans une catégorie moins restreinte, indépendamment des définitions du Code criminel ;
— Exiger une autorisation de transport distincte pour quiconque déplace des armes à feu à autorisation restreinte ou prohibées à n’importe quel endroit, sauf dans un champ de tir approuvé.
Avant que ces dispositions n’entrent en vigueur, le gouvernement doit s’assurer que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ait le financement nécessaire pour mettre à jour ses systèmes de gestion de l’information et ses technologies, et pour tester les systèmes afin de s’assurer que la transition « se fasse sans accrocs pour les propriétaires individuels et les détaillants », indique la note.
La GRC aurait besoin de jusqu’à 24 mois pour mettre en œuvre les nouvelles dispositions, ajoute-t-on.
Un projet de règlement devra également être finalisé, ce qui impliquera des consultations avec les parties concernées, ajoute la note. « Les règlements devraient ensuite être déposés devant les deux chambres du Parlement pendant au moins 30 jours de séance, avant d’être promulgués par décret », peut-on lire.
Mary-Liz Power, porte-parole du ministre Blair, affirme que la mise en œuvre des changements que nécessite cette loi demeure une priorité pour le gouvernement libéral. Elle précise que le gouvernement élabore actuellement une proposition de financement afin de soutenir les nouvelles dispositions de la loi.
Les libéraux considèrent cette loi comme la première étape d’une série de mesures visant à mettre fin à la violence causée par les armes à feu.
En mai, le gouvernement a promulgué une interdiction couvrant quelque 1500 modèles et variantes de ce qu’il considère comme des armes d’assaut, ce qui signifie qu’elles ne peuvent plus être légalement utilisées, vendues ou importées.
Le chef conservateur nouvellement élu, Erin O’Toole, fait partie de ceux qui ont dénoncé cette nouvelle interdiction.
Les libéraux ont également promis de légiférer afin de :
— Donner aux policiers, aux médecins, aux victimes de violence conjugale et aux familles les moyens de signaler aux autorités les personnes qui présentent un risque pour eux ou pour un groupe identifiable ;
— Renforcer les lois sur l’entreposage sécurisé afin de prévenir le vol d’armes à feu ;
— Accorder plus de ressources aux policiers et aux agents des services frontaliers pour freiner le trafic transfrontalier d’armes, et prévoir des sanctions plus sévères pour les contrevenants.
La Tuque — La tuerie de Polytechnique a marqué profondément la société québécoise. Trente ans plus tard, on commémore les tristes événements du 6 décembre 1989. Cette journée-là, Serge St-Arneault a perdu sa sœur, la Latuquoise Annie St-Arneault. Aujourd’hui, il souhaite que la mémoire de sa sœur traverse le temps, que le gouvernement prenne ses responsabilités dans le contrôle des armes à feu et que le courage de prendre la parole apporte un baume sur les âmes blessées.
«Les femmes vivent encore des drames, les femmes sont encore violentées, il y a encore des femmes qui sont assassinées par arme à feu par des hommes encore aujourd’hui. Les statistiques montrent qu’il faut continuer de prendre tous les moyens nécessaires pour protéger les femmes. Il faut lutter contre la violence faite aux femmes. Je pense que l’un des moyens efficaces est celui du contrôle des armes à feu. Mon souhait, c’est qu’au Canada il y ait un réel contrôle des armes à feu», lance Serge St-Arneault.
Trente ans après le drame, il a enfin pu rencontrer Monique Lépine, la mère de Marc Lépine, l’auteur du meurtre des 14 étudiantes de l’École polytechnique de Montréal. C’est avec une grande nervosité qu’il s’est rendu à cette rencontre dernièrement.
«J’avais le sentiment de devoir le faire. J’étais prêt à la rencontrer et j’avais un désir de la rencontrer. Ç’a été un moment d’apaisement mutuel. […] Le drame est toujours là, la cicatrice est toujours là, mais le baume vient apaiser. Je comprenais son drame et elle comprenait le mien. On s’est retrouvé à travers le drame qu’on partage.» «C’est ensemble, dans le partage, qu’on peut surmonter les épreuves et trouver un sens à la vie au-delà des drames. C’est un peu ça que j’ai essayé de partager avec elle.»
L’année du drame, raconte-t-il, il s’était retrouvé à l’oratoire Saint-Joseph en compagnie de quelques familles des victimes. «Je me souviens du père d’une des victimes. Il disait que c’était dommage de ne pas pouvoir rencontrer madame Lépine puisqu’elle est aussi une victime comme nous. […] Quand je l’ai rencontrée, je lui ai dit que déjà, il y a trente ans, on avait le désir de la rencontrer, mais qu’on ne savait pas comment faire. Trente ans plus tard, je l’ai fait au nom des familles», souligne Serge St-Arneault. Ce dernier lui a dit, entre autres, qu’il l’avait toujours considérée comme une victime, comme «l’une d’entre nous». Ce moment n’a pas été sans émotion.
Trente ans après le drame, Serge St-Arnault n’est plus seulement Serge, il est devenu le «frère d’Annie St-Arneault.» «Pour moi, que je le veuille ou non, il n’est pas et ne sera jamais question de passer à autre chose»! Cette nouvelle identité me colle à la peau. […] Les souvenirs douloureux s’intègrent en nous, en tant qu’individus ou sociétés. Ces souvenirs forgent notre identité.»
«La tragédie de Poly nous colle tous à la peau. Elle fait maintenant partie de notre identité collective. À vrai dire, c’est plus profond qu’un simple tatouage. Depuis lors, nos choix et notre détermination comme groupe social à lutter pour l’égalité hommes-femmes à tous les niveaux ont été, sont et seront encore inspirés par la tragédie de la Poly. D’où l’importance de préserver cette douloureuse mémoire», note-t-il.
Impossible de tourner la page sur une histoire comme celle-là, les cicatrices de blessures sont éternelles pour M. St-Arneault. Malgré la grande douleur, il faut se souvenir pour agir et travailler ensemble pour bâtir un monde meilleur.
Annie St-Arneault
Cela passe, notamment, par un meilleur contrôle des armes à feu. D’ailleurs, il milite en ce sens depuis plusieurs années. Encore récemment, il signait une lettre adressée au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, Bill Blair, demandant de mettre en œuvre un moratoire immédiat sur la vente des armes d’assaut, ainsi qu’une interdiction permanente sur l’importation et la fabrication des armes de poing. «La volonté de la majorité en faveur d’un meilleur contrôle des armes à feu est également issue de ce drame. Cette volonté est d’ailleurs partagée par l’ensemble des Canadiens partout au pays», insiste-t-il.
Durant la récente campagne électorale fédérale, le Parti libéral s’est engagé à bannir les armes d’assaut et permettre aux municipalités qui le souhaitent d’interdire les armes de poing sur leur territoire. «De toute évidence, demander aux municipalités d’interdire les armes de poing serait non seulement inefficace, mais irréaliste compte tenu des luttes politiques longues et acrimonieuses contre le lobby des armes auxquelles ferait face tout maire», estime M. St-Arneault. «C’est au niveau fédéral seulement qu’on peut parvenir à un certain résultat tangible», ajoute-t-il.
La parole libératrice
Le livre «Ce jour-là. Parce qu’elles étaient des femmes» sera lancé prochainement. L’ouvrage de l’auteure Josée Boileau fera, entre autres, le fil des événements et rendra hommage aux victimes.
«Il y a quelques pages sur chacune des femmes. J’ai vu le texte sur Annie. Ça donne un tableau assez complet de sa vie, ses moments forts. Il y a des citations de sa plus grande amie d’enfance qui s’appelle Sonia Beauregard. «Elle aussi a fait un cheminement extraordinaire il y a quelques mois. Trente ans plus tard aussi. On a repris contact. La parole libératrice… trente ans plus tard Sonia a réussi à trouver les mots pour dire ce qu’elle portait dans le plus profond d’elle-même depuis tant d’années.»
Serge St-Arneault dit «elle aussi», parce qu’il fait référence au récent témoignage d’Yves Bouchard, l’un des deux professeurs présents dans la salle de classe où a surgi Marc Lépine avec une arme à feu. «Ça fait 30 ans qu’il garde ça dans son cœur, il n’a jamais été capable d’en parler. […] En ce triste, car il n’y a rien de réjouissant, trentième anniversaire du drame de la Poly, une parole surgit enfin, prélude d’un début d’apaisement. C’est le cas d’Yves Bouchard. […] Sa petite-nièce, Pascale Devette, n’a pas vécu l’époque du drame. C’est pour elle que son oncle a ouvert son cœur, trente ans plus tard.»
«Au même moment, Monique Lépine a présenté son livre intitulé « Renaître. Oser vivre après une tragédie». Croyante, son livre expose son cheminement vers une reconstruction, une transformation progressive menant à une guérison individuelle et collective. À vrai dire, une démarche spirituelle».
Serge St-Arneault pense qu’à travers ses écritures et ses conférences Mme Lépine a su trouver une parole de consolation. «Elle partage son drame, mais beaucoup de gens se reconnaissent dans le drame qu’elle a vécu. Tout le monde vit un drame dans sa vie à un moment ou un autre. La parole devient un lieu de partage et de réconciliation, d’apaisement… Je fais référence à la parole dans le sens qu’Annie était poète. Son recueil de poésie. Il y a des éléments un peu dramatiques là-dedans aussi.»
«Il me semble que les deux livres cités ne se contredisent pas. À leur façon, ces deux livres rendent honneur au désir d’Annie que «sa parole traverse le temps», a-t-il conclu.
En compagnie de quelques membres de
PolySeSouvient, dont Heidi Rathjen et
Nathalie Provost ainsi que des étudiants de la Polytechnique, j’ai
assisté à la séance du conseil de ville de Montréal où une motion pour un
contrôle efficace des armes à feu était présentée par le parti d’opposition,
mais unanimement approuvé par tous les élus.
Le conseil municipal exige donc que
le gouvernement fédéral interdise la possession des armes d’assaut et armes de
poing au Canada.
Les élus ont également endossé la
proposition de PolySeSouvient de geler les ventes des armes d’assaut et d’interdire
l’importation et la fabrication de nouvelles armes de poing.
Cet événement intervient dans un
contexte particulier où plusieurs événements, partout au pays, souligneront le
30e anniversaire de la tragédie du 6 décembre 1989 à la
Polytechnique de Montréal.
Osons espérer que d’autres
villes canadiennes s’engageront aussi sur cette lancée initiée par la Ville de Montréal.
Motion 65.01 de l’Opposition officielle de
la Ville de Montréal présentée
lors de la séance du conseil municipal du 18 novembre
2019
Attendu que, selon Statistique Canada, le nombre
d’homicides par armes à feu a augmenté pour la quatrième année consécutive (de
2013 à 2017), soit de 103 % en quatre ans, avec le taux actuel représentant
le taux « le plus élevé observé au Canada depuis 1992 »;
Attendu que lenombre d’armes de poing
au Canada a plus que doublé depuis 2012 (passant de 465 000 à
935 000) et que ces armes, selon Statistique Canada, sont à l’origine
d’environ 24 % de tous les homicides au pays;
Attendu que le nombre d’armes à feu achetées
légalement au Canada et revendues à des personnes qui les utilisent à des fins
criminelles a « considérablement augmenté » selon plusieurs autorités
à travers le pays, dont la police de Toronto;
Attendu que depuis 2008, selon la Sûreté du Québec, 66 000 armes ont été saisies au Québec;
Attenduque la Ville de
Montréal enregistre annuellement le tiers des infractions relatives aux armes à
feu dans la province;
Attendu qu’en moyenne 18 personnes par an meurent
assassinées à l’aide d’une arme à feu à Montréal et que cela représente plus de
50 % des homicides annuels;
Attendu que le 6 décembre 1989, il y a trente
ans, a eu lieu le féminicide à l’École Polytechnique, qui a enlevé la vie à 14
jeunes femmes par le moyen d’une arme acquise légalement;
Attendu que les armes utilisées dans les tueries de
masse de Concordia (1992) et de la Mosquée de Québec (2017) étaient des armes
de poing légales, et que celle utilisée à Toronto (2018) avait été volée d’un
propriétaire légal;
Attendu que le Service de police de la Ville
de Montréal (SPVM) collige des données sur le nombre de crimes et de meurtres
commis à l’aide d’une arme à feu sur son territoire, ni le nombre d’armes à feu
volées, mais que la diffusion n’est pas complète ou systématique;
Attendu que la Ville de Montréal a adopté en
2018 à l’unanimité une motion demandant au gouvernement fédéral de bannir les
armes d’assaut et les armes de poing;
Attendu que le Parti libéral du Canada s’est engagé
à interdire les armes d’assaut, mais a choisi de laisser aux municipalités le
fardeau d’interdire les armes de poing;
Attendu que l’approche la plus efficace pour
encadrer ou interdire les armes de poing est d’instaurer une mesure au niveau
de l’ensemble du territoire canadien décrétée par le gouvernement fédéral, qui
seul a compétence sur le criminel;
Attendu que la ville de Toronto a mis en place
un programme de rachat des armes à feu en 2019 et que ce dernier a permis de
récupérer 3100 armes pour un coût de 750 000$;
Attendu que moins d’armes à feu en circulation
signifie moins de chances qu’elles soient utilisées à de mauvaises fins et que
plusieurs études démontrent que le simple fait d’avoir ce genre de programme
provoque des discussions utiles sur les risques associés aux armes à feu et sur
les bonnes pratiques (comme le respect des normes sur l’entreposage
sécuritaire), ce qui contribue à réduire les accidents, les vols et l’usage
impulsif des armes en général;
Il est proposé par Lionel Perez, chef de l’Opposition
officielle et conseiller de la Ville du district de Darlington;
et appuyé par Karine Boivin Roy, conseillère de la
Ville du district de Louis-Riel;
Que la Ville de Montréal réitère au nouveau
gouvernement fédéral l’urgence d’interdire la possession privée des armes
d’assaut et d’armes de poing au Canada et qu’elle souligne l’importance
de maintenir cette compétence au niveau fédéral;
Que la Ville de Montréal réclame la cessation immédiate de l’importation et de la fabrication des armes de poing et d’armes d’assaut au Canada;
Que la Ville de Montréal demande à ce que le SPVM diffuse des données précises sur le nombre de meurtres et de crimes dus aux armes à feu, et compile et diffuse des données sur leur statut (légal ou illégal), tout en envisageant de compiler et diffuser des données sur le nombre de suicides dus aux armes à feu.
Que la Ville de Montréal demande au
gouvernement fédéral de mettre en place et de financer un programme national de
rachat volontaire d’armes à feu;
Que la Ville de Montréal partage cette résolution avec la Fédération canadienne des municipalités, l’Union des municipalités du Québec, et la Fédération québécoise des municipalités.
OPINIONS /
L’auteur, Serge St-Arneault, est originaire de La Tuque. Il est le frère
d’Annie, une des victimes de la tuerie de Polytechnique.
Une culture des
armes à feu existe bel et bien au Canada, qui se classe au cinquième rang
mondial pour le nombre d’armes à feu en circulation. L’organisme «Small arms
Survey» estime que ce nombre à 13 millions d’armes à feu soit 35 armes par 100
habitants.
Une précision
s’impose. Il y a trois catégories d’armes à feu: les carabines et fusils de
chasse classés sous l’appellation «sans restriction», les armes de poing ou
pistolets et les armes d’assaut «à autorisation restreinte» et les armes
automatiques et certaines armes d’assaut «prohibées».
Les statistiques
montrent que 60 % des homicides sont commis par les armes de poing et que leur
nombre a augmenté de 100 % entre 2013 et 2017, en plus de celles qui sont
illégales. Le trafic de ces armes provient de deux principales sources: des
États-Unis et celles volées de propriétaires légaux canadiens.
Le contrôle des
armes à feu est de fait un enjeu incontournable dans la campagne électorale qui
a cours en ce moment. En parler ne relève pas de la propagande politique. En
effet, il s’agit avant tout d’un enjeu de santé et de sécurité publique. Les
médecins dénoncent de plus en plus les conséquences dévastatrices des blessures
causées par les projectiles d’armes à feu, toutes catégories confondues.
Les armes
semi-automatiques de style militaires sont particulièrement dangereuses. En
fait, leurs mécanismes peuvent parfois être modifiés de manière à les
transformer en fusil automatique ou capable de tirer 20, 30 et même 50 balles
en rafale.
À bien y penser,
les chasseurs et fermiers ont intérêt eux aussi à demander la mise au rancart
des armes d’assaut si destructrices. Leurs armes d’utilité sportive, bien
entreposées et manipulées de manière responsable, ne représentent pas un risque
déraisonnable pour la sécurité publique et peuvent donc rester entre les mains
de citoyens responsables. La plupart des propriétaires d’armes sont des
chasseurs et, selon les sondages, n’endossent pas l’accès légal aux armes
d’assaut de type militaire.
Quelle était donc la position des partis politiques
sur ce sujet?
Basé sur leur bilan
et leurs promesses électorales, le Parti conservateur entendait continuer à
démanteler la loi sur le contrôle des armes conformément aux vœux du lobby des
armes à feu.
Le Parti populaire
aurait augmenté l’accès aux armes d’assaut et leurs accessoires et légiférerait
pour protéger les intérêts des propriétaires d’armes.
Le Nouveau Parti
démocratique et le Bloc québécois sont généralement en faveur d’un contrôle
plus strict des armes à feu et appuieraient l’instauration d’une interdiction
des armes d’assaut ainsi que des chargeurs modifiables.
Or, la proposition
du Parti libéral d’interdire les armes d’assaut sans clauses «grand-père» et
attachée à un budget substantiel pour racheter les modèles existants représente
l’engagement le plus complet et le plus solide quant à cette mesure, attendue
depuis 30 ans par les familles des victimes de la tuerie à Polytechnique.
Il faut maintenant
espérer que le Parti libéral, qui forme maintenant un gouvernement minoritaire,
passe de la parole aux actes concernant la question critique de l’accessibilité
des armes d’assaut de type militaire encore légalement vendues au Canada. Souhaitons,
si le gouvernement présente des mesures de contrôle plus strict, qu’il puisse
compter sur l’appui des partis qui se disaient favorables à de telles mesures.
L’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS) a remis le prix méritas Partenaire de l’année au groupe PolySeSouvient pour son leadership dans la lutte pour un meilleur contrôle des armes à feu au Québec et au Canada. Le lauréat en a fait un enjeu majeur de santé et de sécurité publique. Ses analyses et conseils ont permis à l’AQPS de jouer un rôle déterminant dans ce dossier incontournable pour la prévention du suicide.
Pour réduire les décès par suicide, il est nécessaire
d’agir sur plusieurs fronts, notamment en réduisant l’accès aux moyens de
s’enlever la vie. L’Organisation mondiale de la santé en fait d’ailleurs l’une
de ses mesures phares. « Considérant que la majorité des décès par arme à
feu au Québec sont des suicides et que plus de 100 Québécois s’enlèvent la vie
de cette façon tous les ans, nous devons être proactifs dans le contrôle des
armes à feu », a commenté Jérôme Gaudreault, directeur général de l’AQPS. « Nous sommes
grandement reconnaissants de l’expertise et du soutien indéfectible de
PolySeSouvient dans ce dossier ».
Depuis sa création en 2009, PolySeSouvient n’a cessé d’être actif et mobilisateur, surtout lorsque des moments clés se présentaient dans le cadre de débats publics ou de processus législatifs au sujet du contrôle des armes à feu. Le collectif a notamment lutté contre l’abolition du registre fédéral par le gouvernement conservateur et, à partir de 2012, a milité pour la création d’un registre québécois. La Loi sur l’immatriculation des armes à feu a été adoptée en juin 2016 et est entrée en vigueur au début 2018, à la satisfaction de nombreux groupes œuvrant pour la santé et la sécurité publiques dont l’AQPS. Tout récemment, le gouvernement du Canada a adopté le projet de loi C-71, une autre législation comportant d’importantes mesures de prévention pour lesquelles PolySeSouvient s’est également battu pendant des années. Dans ce débat clivé, l’engagement et la persévérance des bénévoles de PolySeSouvient sont source d’inspiration.
À propos de l’AQPS et
des Prix méritas
Fondée en 1986, l’Association québécoise de prévention
du suicide a pour mission de développer la prévention du suicide au Québec. Les
Prix méritas en prévention du suicide sont remis annuellement par un jury
constitué d’administrateurs et de citoyens. La remise des prix 2018-2019 s’est
déroulée le 10 juin à Québec.
«La
grande majorité des décès par armes à feu au Québec sont des suicides», affirme
le directeur général de l’AQPS, Jérôme Gaudreault. Plus d’une centaine de
personnes troublées mettent ainsi fin à leurs jours chaque année. «Et ce sont
surtout des armes sans restriction qui sont utilisées.»
La
simple présence d’un fusil dans une résidence multiplierait par cinq le risque
qu’un des habitants des lieux commette l’irréparable, ajoute-t-il. Que ce soit
le possesseur de l’arme ou un autre membre de la famille.
«Quand
on est propriétaire d’une arme à feu, on a une responsabilité pour soi et pour
les autres. Même si ça va bien maintenant, je ne sais pas comment ça va aller
dans 6 mois, 1 an, 10 ans. L’état mental peut changer.»
M.
Gaudreault juge donc essentiel que l’État encadre l’achat, la possession,
l’entreposage des armes à feu notamment en tenant un registre. Aussi, il salue
les efforts déployés par PolySeSouvient afin de maintenir le sujet dans
l’actualité et convaincre les élus de légiférer. D’où l’attribution d’un prix
méritas lundi soir.
«Dans
le débat virulent sur le contrôle des armes à feu, ça fait du bien de voir que
nos revendications sont validées par les experts en prévention du suicide», se
réjouit la coordonnatrice de PolySeSouvient, Heidi Rathjen. «Ça confirme qu’on
est sur la bonne voie et que nos actions vont sauver des vies.»
L’entrepose sécuritaire, voire
l’absence d’armes à feu, permettent d’éviter que les personnes cultivant des
idéations suicidaires se tuent durant une crise, insiste-t-elle. «L’accès au
moyen le plus mortel joue un rôle déterminant.»
UGO GIGUÈRE, La Presse Canadienne – GABRIEL DELISLE, Le Nouvelliste
MONTRÉAL —
Chaque semaine, l’équipe de traumatologie du Centre universitaire de santé
McGill (CUSM) doit traiter au moins un patient victime d’une blessure par arme
à feu. Mercredi, les médecins et autres professionnels de la santé sont sortis
dans la rue pour joindre leur voix à celles de leurs collègues de 13 hôpitaux à
travers le Canada afin de dire haut et fort qu’ils en ont assez. À leurs côtés,
on retrouvait le père Serge St-Arneault, le frère d’Annie St-Arneault de La
Tuque, une des victimes de la tuerie de la Polytechnique.
D’après la coalition «Doctors for
protection from guns», les armes à feu représentent un grave problème de santé
publique au pays.
Des
chirurgiens traumatologues, chefs de départements, infirmières et
préventionnistes du CUSM ont tenu une conférence de presse pour réclamer
l’interdiction complète des armes de poing et des fusils d’assaut au Canada. Un
message relayé d’un océan à l’autre.
«On
voit depuis 2013 une augmentation de 42 pour cent de la mortalité liée à des
blessures par armes à feu au Canada. À Montréal, on voit une augmentation du
nombre de patients blessés ou morts par des armes à feu. Il est temps qu’on
change notre façon de parler des armes à feu. C’est un enjeu de santé publique
et il faut qu’on le dise», a déclaré le chirurgien traumatologue Jeremy
Grushka.
«Quand
on regarde la manière dont on gère cette problématique d’un point de vue de
santé publique, je pense qu’on pourrait faire mieux», poursuit le chef du
département de traumatologie Tarek Razek.
Celui-ci
ne croit pas que le Canada soit allé assez loin pour appliquer les meilleures
pratiques de sécurité afin de réduire au minimum les risques que représentent
les armes à feu dans la société.
«D’un
point de vue de santé publique, c’est comme les voitures. Est-ce qu’il y a
toujours des accidents de voiture? Oui. Mais est-ce qu’on réduit le risque au
minimum d’avoir des accidents?», compare-t-il.
Le père
Serge St-Arneault, qui est membre de Poly se souvient, était aux côtés des
médecins lors de la manifestation. Même si chaque présence publique pour
réclamer un meilleur contrôle des armes à feu est très difficile pour lui,
Serge St-Arneault affirme qu’il ne pouvait refuser l’invitation des médecins.
«L’enjeu
est tellement capital. En mémoire de celles qui ont été victimes d’armes à feu,
c’est un devoir de continuer ce combat. C’est comme un appel», affirme en
entrevue le frère d’Annie St-Arneault, une des étudiantes assassinées lors de
la tuerie de la Polytechnique.
Pour le
prêtre originaire de La Tuque, il est «indéniable» que les armes à feu
représentent une crise de santé publique. «Compte tenu du nombre élevé de
personnes qui sont atteintes d’armes à feu, qui sont handicapées pour leur vie,
c’est évident qu’il s’agit d’une question de santé publique», a précisé Serge
St-Arneault lors du point de presse tenu en marge de la manifestation de
Montréal.
«Le
projet de loi C-71 [pour le contrôle des armes à feu] est un pas dans la bonne
direction, mais c’est loin d’être suffisant.»
Le père Serge St-Arneault, le frère
d’Annie St-Arneault, une des victimes de la tuerie de la Polytechnique, a pris
la parole publiquement en marge de la manifestation.
Serge
St-Arneault prône le bannissement pur et simple des armes d’assaut et des armes
de poings. «L’exemple de la Nouvelle-Zélande et de sa première ministre est
extraordinaire et remarquable. On devrait le suivre au Canada.»
Militant
au sein du regroupement Poly se souvient, Jean-François Larrivée a salué
l’appui des médecins dans ce combat pour restreindre l’accès aux armes.
Celui-ci a perdu sa jeune épouse dans la tuerie survenue à Polytechnique
Montréal en 1989.
«Je
milite depuis 30 ans pour le souvenir de Maryse et des autres filles. Les
médecins ont une voix qui porte. Ils sont pragmatiques, ils ont une influence
intellectuelle, ils ont un leadership», se réjouit-il.
«Je
veux aider les autres femmes à ne pas subir le même drame et si on peut sauver
une vie ça aura valu la peine», souligne M. Larrivée.
Le
personnel soignant du CUSM est exaspéré au point où l’équipe de prévention
commence à enseigner au public les techniques de premiers soins en cas de
blessures par balles.
Tara
Grenier, coordonnatrice du programme de prévention des blessures au CUSM,
transmet aux élèves du secondaire, à des employés d’usine et au public en
général des méthodes pour stopper l’hémorragie causée par une balle ou une arme
blanche.
«Ce
sont des techniques de guerre qu’on emploie dans le monde civil. On est rendu
là. Peut-être qu’on pourra sauver des gens au lieu qu’ils meurent au bout de
leur sang», mentionne la thérapeute sportive.
Ottawa
tend l’oreille
Le Dr
Tarek Razek espère sincèrement que sa voix et celles de ses collègues soient
entendues. Selon lui, le fait qu’ils soient en première ligne pour constater
les ravages causés par les armes donne du poids à leurs arguments.
Sur la
colline parlementaire à Ottawa, le ministre de la Sécurité frontalière et de la
Réduction du crime organisé, Bill Blair, a dit tendre l’oreille aux
revendications des médecins.
«J’ai
rencontré plusieurs fois des regroupements de médecins. Leur point de vue est
pertinent, ils sont en première ligne pour traiter des victimes de blessures
par armes à feu. Je crois qu’il y a des choses que l’on doit faire pour
protéger nos communautés et nous sommes prêts à considérer des mesures qui
empêcheraient les gens mal intentionnés de se procurer des armes pour blesser
ou tuer», a-t-il commenté.
Le
ministre n’a cependant pas l’intention d’accélérer le processus comme l’ont
fait les élus de Nouvelle-Zélande à la suite de la tuerie de Christchurch.
«Je
pense que les Canadiens s’attendent à ce qu’on écoute les différentes opinions
de la population afin de trouver le meilleur moyen de rendre nos communautés
plus sécuritaires», a mentionné M. Blair.