Photo Serge St-Arneault : vue du parlement canadien de la fenêtre de l’édifice Wellington.
Par Serge St-Arneault, M.Afr
Encore une fois[i], je me suis retrouvé à l’édifice Wellington à Ottawa pour accompagner Heidi Rathjen, Nathalie Provost et Boufeldja Benabdallah qui étaient invités à faire partie d’un groupe de témoins et à comparaître lors de la 57e séance du Comité permanent de la sécurité publique et de la sécurité nationale (SECU) de la Chambre des Communes pour l’étude sur les effets des amendements retirés (G-4 et G-46) au projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu).

Selon Francis Langlois, membre associé à l’observatoire des États-Unis de la chaire Raoul-Dandurand et professeur d’histoire au Cégep de Trois-Rivières, le gouvernement a fait deux erreurs dans le dépôt de son projet de loi C-21. Il a tout d’abord déposé le retrait des deux amendements visant à interdire les « armes d’assaut de style militaire » en fin de deuxième lecture et surtout, la définition qu’il entendait utiliser était plutôt complexe. Afin d’éclaircir le débat, il faut, une définition ancrée dans la réalité technique des armes à feu (AAF), ce qui évitera les dérapages sémantiques que sont les expressions « armes d’assaut » et « armes de chasse ».
« Si l’objectif du gouvernement est de diminuer le risque de futures tueries de masse en sortant de telles armes du marché canadien, il doit les catégoriser en fonction de leur mécanisme de tir plutôt que par des définitions contestables et contournables. Une telle catégorisation évitera également d’avoir à tenir à jour une longue liste de modèles, l’industrie ayant toujours joué sur le pointillé de la loi pour vendre sa production éventuelle.[ii] »
Désinformation
PolySeSouvient ainsi que le Centre culturel islamique de Québec (CCIQ) avaient d’ailleurs réclamé que les amendements retirés du projet de loi C-21[iii] soient réintroduits, voire clarifiés, et simplifiés, pour mettre fin à la désinformation qui, selon eux, a fait dérailler l’adoption de la pièce législative.
Selon le reportage d’Émilie Bergeron de La Presse canadienne, « À cause de l’absence de définition globale et permanente dans la loi, de nouveaux modèles d’armes d’assaut ont progressivement envahi le marché canadien (depuis des interdictions mises en place). Sans définition dans la loi, les manufacturiers vont continuer à introduire des modèles et un retour en arrière sera beaucoup plus facile sous un gouvernement qui ne partagerait pas les mêmes valeurs de sécurité publique », a déclaré mardi Nathalie Provost, porte-parole de PolySeSouvient et survivante de la fusillade de Polytechnique, en témoignant devant le comité parlementaire de la sécurité publique[iv].
Extraits lors de la séance
Depuis plus de trois décennies, PolySeSouvient et d’autres victimes de tueries de masse commis par des armes de type militaire militent pour leur interdiction. Moi, j’ai honte qu’après 33 ans de lutte, nous n’arrivions pas dans notre pays à nous mettre d’accord. Bien que toutes nos démarches soient appuyées par la majorité des Canadiens, nous devons encore venir devant vous pour faire valoir l’importance d’interdire les armes d’assaut. Pourquoi ces armes n’ont-elles pas été interdites immédiatement après la tragédie de Polytechnique en 1989 ?
Avec une définition, les manufacturiers ne pourront pas mentir. Cette stratégie permettra d’ajuster la liste des armes prohibées selon les critères établis plutôt qu’être constamment à courir après le danger de la mise en marché de nouvelles armes plus puissantes que nous ne voulons pas reconnaître (comme acceptables) au Canada. Notre objectif est une DÉFINITION PERMANENTE. Nous n’en pouvons plus de refaire ce chemin de croix. Il faut décortiquer les amendements retirés (G-4 et G-46) de manière que les Canadiens comprennent bien leur véritable nature et leur impact. C’est sur un fondement scientifique et rationnel, encré sur des faits, que de nouveaux amendements clairs et améliorés pourront être adoptés. Nous y tenons !
Nous espérons aujourd’hui que ces consultations spéciales viseront avant tout à clarifier les véritables impacts des amendements G-4 et G-46 car tout nouvel amendement doit être fondé sur des préoccupations réelles et légitimes. (…) Le manque de clarté des amendements constitue un défi majeur. Nous soutenons pleinement le langage dans les deux amendements afin de le rendre plus simple et plus facile à comprendre pour les profanes. (…) Nous reconnaissons que des questions spécifiques liées aux droits de chasse des peuples autochtones doivent être abordées. Nous continuons d’appuyer la définition évolutive proposée dans le document G-4. Mais, nous suggérons de modifier cette définition évolutive pour éviter que les fabricants ne contournent l’interdiction des armes semi-automatiques de style militaire.
L’intention du projet de loi n’était pas de retirer le droit des nations autochtones de chasser. Nous ne voulons pas non plus avoir une incidence adverse sur les chasseurs. Mais, il ne faut pas perdre de vue le souvenir des victimes. Il est nécessaire de s’assurer qu’il n’y aura plus de massacres semblables comme celui de la Polytechnique de Montréal et de la mosquée de Québec. Taleeb Noormohamed
« Au sujet des nouveaux modèles d’arme à feu (produit par) des manufacturiers qui utilisent des échappatoires pour trouver des façons de contourner la liste existante (d’armes prohibées), PolySeSouvient est souvent obligé d’en informer le gouvernement et la GRC des nouveaux modèles (d’armes à feu). Cela montre qu’il y a quelque chose de mal organisé (au niveau gouvernemental et de la GRC). » Peter Julian
DÉFINITION PERMANENTE
Une DÉFINITION PERMANENTE, comprenant une liste, permettrait de répertorier et d’interdire les nouveaux modèles d’armes d’assaut qui entreraient sur le marché. Cette définition devrait comprendre les éléments suivants :
- Capacité d’armes semi-automatiques de conception militaire pouvant tirer en rafale avec des chargeurs de plus de cinq balles et incompatibles pour la chasse.
- Les armes à feu qui ont une énergie initiale extrêmement puissante qui dépasse tout usage citoyenne normale.
Ma conclusion
« Petit train va loin ! » dit-on. Justement, j’ai voyagé en train ce jour-là au prix de $155, aller-retour Montréal-Ottawa. C’est dispendieux pour un confort plutôt modeste et pour éviter le stress de la conduite automobile.
Bref, pour une rare fois, j’ai eu le sentiment que les échanges ont, de part et d’autre, été constructifs et respectueux, comme l’a souligné la députée Raquel Dancho qui avait pourtant, en novembre dernier, déclaré que la définition proposée était « la plus importante interdiction des fusils de chasse au Canada. »
Lors de l’audience, les affirmations techniques présentées par PolySeSouvient étaient basées sur des faits scientifiques et l’avis des experts. Bien sûr, nous sommes émotifs face à la violence et la souffrance qui en résulte, mais les vrais intervenants émotionnels et irrationnels sont les membres du lobby des armes dont l’identité semble reposer entièrement sur la possession d’armes de poing ou d’assaut et qui déforment la réalité pour appuyer leur propagande qui s’est avérée mensongère[v] [vi].
Le jour de la Saint-Valentin de 2023 ne sera pas pour moi la commémoration du saint patron des amoureux, mais celui d’une énième tentative pour aboutir à une déclaration courageuse, mais nécessaire pour bannir une fois pour toutes la prolifération d’armes d’assaut de type militaire des mains de simples citoyens canadiens. Cela ne doit pas être un enjeu d’idéologie politique partisane, mais le fruit d’un consensus global.
Envers et contre tout, je garde espoir que notre pays adoptera une vision prophétique en clarifiant une définition permanente qui satisfera les chasseurs ainsi que les citoyens des Premières Nations et assurera une plus grande sécurité pour la majorité des canadiens. Nous le devons pour la mémoire des toutes les personnes, surtout enfants et femmes, victimes de meurtre par armes à feu.


À gauche : Serge St-Arneault, Heidi Rathjen,
Nathalie Provost et Boufeldja Benabdallah.
À droite : Nathalie Provost en entrevue
dans les studios de TVA Nouvelles à Ottawa
PRINCIPAUX LIENS :
Mémoire de PolySeSouvient :
En anglais : New amendments aimed at banning assault weapons
En français : sera publiée sous peu sur le site de PolySeSouvient.
Chambre des Communes :
Effets des amendements retirés (G4 et G-46) au projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu)
La Presse :
Cri du cœur de PolySeSouvient et de la mosquée de Québec
L’Actualité :
Armes: PolySeSouvient veut que les amendements retirés de C-21 soient réintroduits
IHeartRADIO :
Polysesouvient veut que les amendements retirés de C-21 soient réintroduits
Radio-Canada :
PolySeSouvient veut que les amendements retirés de C-21 soient réintroduits
TVA Nouvelles :
Projet de loi sur le contrôle des armes à feu: plaidoyer pour le dépôt de nouveaux amendements
National Post :
‘Disinformation’ was behind opposition to withdrawn gun control amendments, groups tell MPs
Bloc Québécois :
Le Bloc déposera un projet de loi pour corriger le tir.
Les peines avec sursis devraient être interdites dans la majorité des cas d’agression sexuelle, selon le député Rhéal Fortin. Il compte déposer un projet de loi au cours des prochaines semaines afin de revenir aux peines minimales pour ces crimes et ceux commis avec des armes à feu.
[i] Freddy Kyombo, Un combat juridique contre la prolifération d’armes à feu, 5 novembre 2022
[ii] Francis Langlois, Catégoriser les armes à feu efficacement, La Presse, 4 février 2023
[iii] Outre la définition des armes d’assaut prohibées qui a été retirée, le C-21 prévoit des mesures qui renforceraient le gel des armes de poing. La législation permettrait également de retirer les permis d’armes à feu des personnes commettant de la violence conjugale ou se livrant à du harcèlement criminel, ainsi que d’augmenter les peines maximales pour la contrebande et le trafic d’armes à feu de 10 à 14 ans.
[iv] Émilie Bergeron, PolySeSouvient veut que les amendements retirés de c-21 soient réintroduits, La Presse canadienne.
[v] Jim Bronskill, The Canadian Press, Gun-control group tells MPs ‘disinformation’ muddied assault-style firearm measures. A prominent voice for stricter gun control is telling MPs the federal government’s efforts to outlaw assault-style firearms have become mired in disinformation.
[vi] New amendments aimed at banning assault weapons. Document sent to Ron McKinnon, Chair, Standing Committee on Public Safety and National Security, House of Common, February 9, 2023.
AUTRE LIEN :