Actualités, Par Stéphane Blais, La Presse Canadienne, 30 novembre 2020
MONTRÉAL — Des survivants et des familles de victimes de tueries qui ont organisé une conférence de presse, lundi matin, demandent au gouvernement fédéral de légiférer pour rendre permanente l’interdiction des armes d’assaut et d’interdire la vente d’armes de poing.
Au mois de mai dernier, le Canada a banni pas moins de 1500 modèles d’armes d’assaut de type militaire, mais pour Heidi Rathjen, coordonnatrice de PolySeSouvient, «ce n’est que le premier pas pour l’interdiction des armes d’assaut».
«Il est nécessaire de compléter l’interdiction (d’armes d’assaut de type militaire) et de la rendre permanente par voie législative, en plus d’instaurer un programme de rachat qui initialement devait commencer cette année. Ce programme devrait aussi être obligatoire, selon la promesse électorale des libéraux.»
Heidi Rathjen demande également que Justin Trudeau envoie un message clair qui confirmera que l’éventuelle législation «confrontera la question des chargeurs modifiables qui peuvent être facilement convertis à leur pleine capacité illégale».
Celle qui a été témoin de la tuerie à l’école Polytechnique en 1989 a souligné que les témoignages au procès de Matthew Raymond, qui a tué quatre personnes à Fredericton le 10 août 2018, ont récemment permis d’apprendre que le tueur avait modifié son fusil semi-automatique, pour tirer plus de balles.
«C’est le quatrième tueur de masse qui l’a fait, à notre connaissance, en plus des auteurs des tueries à Moncton, au Métropolis lors de l’attentat contre Pauline Marois et à la Mosquée de Québec.»
Interdiction des armes de poing
Les victimes et proches de victimes qui ont participé à la conférence de presse réclament également des mesures de contrôle plus sévères concernant les armes de poing. Idéalement, ils souhaiteraient une interdiction à l’échelle nationale de ce type d’arme.
«Mais au minimum, il faudrait au moins fermer le robinet et arrêter l’importation», a fait valoir Heidi Rathjen. Selon PolySeSouvient, il y a 1 million d’armes de poing au pays et pour Heidi Rathjen, «un compromis potentiel serait de restreindre les armes de poing dans les clubs de tirs».
Dans le discours du Trône du 23 septembre dernier, le gouvernement Trudeau avait réaffirmé son intention de donner aux municipalités «la capacité de restreindre ou d’interdire les armes de poing».
«Mais il faut arrêter de mettre ça dans la cour des municipalités», a indiqué Ken Prince lundi matin. Sa fille a été blessée par une balle lors de la fusillade en juillet 2018 sur l’avenue Danforth à Toronto.
«Cela fait plus de deux ans que notre fille a été blessée et il n’y a eu aucun progrès législatif sur les armes de poing et la situation ne cesse de s’aggraver», a indiqué M. Price.
Il voudrait voir le fédéral s’inspirer des lois au Royaume-Uni et en Australie plutôt que de laisser le fardeau aux municipalités, qui, selon lui, n’ont pas les moyens de mettre en place des mesures qui fonctionneraient. «Est-ce que le hobby des amateurs de tirs est plus important que la sécurité du public?» a-t-il demandé.
Boufeldja Benabdallah, cofondateur et porte-parole de la Mosquée de Québec qui a été le théâtre d’un massacre le 27 janvier 2017, prône également le resserrement des lois.
«C’est grâce à l’accès facile aux armes à feu qu’un jeune homme troublé et rempli de haine a pu faire six morts, cinq blessés graves et 25 personnes traumatisées à vie, dont quatre enfants, en moins de deux minutes. Voilà à quoi peut servir un pistolet ‘Glock’ avec cinq chargeurs de 10 balles», a fait valoir Boufeldja Benabdallah.
«Rien n’a changé quant à la disponibilité légale des armes de poing, dont une a été suffisante pour causer ce massacre. Pas de progrès, malgré le fait que sept Canadiens sur 10 appuient leur interdiction», a ajouté le porte-parole de la Mosquée en faisant référence à un sondage de la firme Angus Reid. Selon ce sondage réalisé au printemps 2019, 72 % des Québécois veulent plus de limites pour l’accès aux armes de poing.
(Ottawa) La Ville de Montréal exhorte le gouvernement Trudeau à jeter aux orties son projet de déléguer aux municipalités le pouvoir de restreindre ou d’interdire les armes de poing sur leur territoire. Un tel plan serait inefficace et entraînerait une balkanisation en matière de mesures de contrôle de ce type d’arme au pays.
MÉLANIE MARQUIS et JOËL-DENIS BELLAVANCE, LA PRESSE
En lieu et place, la Ville de Montréal presse le gouvernement libéral de prendre une fois pour toutes le taureau par les cornes en adoptant lui-même un train de mesures pour interdire la possession privée, l’importation et la fabrication d’armes de poing d’un bout à l’autre du pays.
Alors que l’on constate une escalade de violence depuis un an dans le secteur nord-est de Montréal marquée par des coups de feu tirés en plein jour, des jeunes qui sont armés et des résidants qui sont terrorisés, la mairesse Valérie Plante doute de l’efficacité du plan des libéraux de Justin Trudeau concernant les armes de poing.
« Montréal a toujours été un chef de file dans la lutte contre la possession et l’utilisation des armes à feu. Tristement, la métropole a trop souvent été le théâtre de graves tragédies et de féminicides lors desquels des armes d’assaut et de poing ont été utilisées », a affirmé Mme Plante dans un courriel à La Presse.
« En mai dernier, le gouvernement fédéral a légiféré dans le dossier des armes d’assaut. J’invite les élus de la Chambre des communes à poursuivre le travail amorcé et [à] inclure rapidement les armes de poing », a-t-elle ajouté.
En coulisses, on fait aussi valoir que même si la Ville de Montréal avait le pouvoir de légiférer pour bannir les armes de poing, rien n’empêcherait un individu de se procurer ce même type d’arme dans une autre ville qui n’aurait pas de telles restrictions.
Lors de son passage à l’émission Tout le monde en parle, dimanche dernier, la mairesse Plante a exprimé sa vive inquiétude face à une recrudescence des incidents impliquant des armes de poing dans certains quartiers de la métropole, dont Montréal-Nord et le Vieux-Montréal.
« On voit de plus en plus de gens qui ont des armes, qui ont accès à des armes, comme à Toronto, a-t-elle dit. Les armes d’assaut vont être légiférées par le fédéral, mais toutes les armes, les pistolets, ce n’est pas le cas. Moi, je ne trouve pas ça normal qu’on puisse acheter aussi facilement des armes comme celles-là », a-t-elle fait valoir.
Revendications à l’échelle nationale
Et Valérie Plante n’est pas seule parmi les maires à exiger qu’Ottawa prenne davantage les choses en main. À Toronto et à Vancouver, les premiers magistrats John Tory et Kennedy Stewart réclament également une interdiction des armes de poing à l’échelle nationale depuis un bon moment. Il s’agit « d’une mesure parmi plusieurs autres que le gouvernement du Canada devrait mettre en place pour aider à mettre fin à la violence par arme à feu », a déclaré à La Presse le maire John Tory, déterminé à bannir ces armes dans la métropole ontarienne.
Son homologue de la métropole de la Colombie-Britannique est animé de la même ambition. « Si le gouvernement fédéral met en œuvre une législation qui permettrait à la Ville de Vancouver de mettre en place une interdiction des armes de poing, je ferais de mon mieux pour travailler avec le conseil afin de l’implanter », a soutenu M. Stewart dans une déclaration transmise à La Presse.
En dépit des récriminations émanant du camp Plante, le ministre fédéral de la Sécurité publique, Bill Blair, entend maintenir le cap.
« Nous présenterons un projet de loi qui nous donnera de nouveaux pouvoirs pour garder les armes à feu hors de portée des criminels en mettant fin à la contrebande d’armes à feu au Canada, ainsi qu’au trafic d’armes à feu par détournement et par achat par prête-nom », a ajouté la porte-parole du ministre de la Sécurité publique.
Dans le discours du Trône du 23 septembre dernier, où il a énoncé ses grandes priorités des prochains mois, le gouvernement Trudeau a réaffirmé son intention de donner aux municipalités « la capacité de restreindre ou d’interdire les armes de poing » et de « renforcer les mesures de contrôle du flux d’armes illégales qui entrent au Canada », notamment en provenance des États-Unis.
Pour déléguer un tel pouvoir aux municipalités, le gouvernement Trudeau devra amender le Code criminel et obtenir la collaboration des provinces. Or, cette proposition se heurte à un mur en Saskatchewan, où le gouvernement de Scott Moe a adopté une loi en juin interdisant aux municipalités de la province d’avoir recours à un tel pouvoir si Ottawa devait le leur accorder. L’Alberta s’y oppose aussi farouchement, le premier ministre Jason Kenney affirmant que la démarche d’Ottawa est vouée à l’échec.
Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, ne s’est pas montré enthousiaste à l’idée de donner le feu vert à Toronto, où les fusillades sont un véritable fléau depuis plusieurs années. Quant au premier ministre britanno-colombien John Horgan, actuellement en campagne électorale, il s’est dit désireux de travailler avec les autres ordres de gouvernement en vue de bannir les armes de poing.
La pandémie de COVID-19 et l’instabilité sociale ayant suivi la mort de George Floyd inquiètent de nombreux Américains qui ont décidé de s’acheter une arme pour se protéger. Les ventes ont même atteint un niveau record en juin sur fond d’élection présidentielle, générant des problèmes de stocks pour certains commerçants assaillis de clients.
Publié le 21 octobre 2020
MARC THIBODEAU, LA PRESSE
Quelques citations de cet article :
Selon les plus récentes données des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), près de 40 000 Américains ont été tués par balle en 2017.
Selon une étude du Center for American Progress, les jeunes Américains sont frappés de plein fouet par la violence liée aux armes. L’organisation relève que bon an, mal an, plus de la moitié des personnes tuées par balle ont moins de 30 ans.
Les Afro-Américains sont particulièrement touchés. L’organisation Everytown for Gun Safety estime qu’en moyenne, 26 membres de cette communauté sont tués et 104 blessés quotidiennement. Dans les grandes villes, 68 % des victimes de meurtre sont afro-américaines.
Malgré l’impasse qui prévaut souvent sur le plan politique, une majorité d’Américains se disent favorables à un resserrement des règles régissant l’accès aux armes.
(Québec) Devant une recrudescence des crimes liés à l’utilisation des armes à feu, les forces policières québécoises redoubleront d’efforts dans leur lutte contre le crime organisé et les « groupes criminels ». Le gouvernement Legault confirme des sommes de 65 millions pour les appuyer dans leurs actions.
Publié le 21 octobre 2020 à 5h00
FANNY LÉVESQUE, LA PRESSE
Quelques citations de cet article :
La ministre Guilbault a confirmé l’ajout de 65 millions pour lutter contre les réseaux criminels et la violence liée aux armes à feu, ce qui comprend un investissement de 32,5 millions sur cinq ans qui avait été annoncé dans le cadre du budget Girard, en mars 2020. S’ajoutent 27,6 millions qui proviennent du Fonds fédéral d’action contre la violence liée aux armes à feu et aux gangs.
Près de 4,5 millions provenant de la distribution annuelle du produit des biens confisqués à la suite d’activités criminelles seront également partagés entre les divers corps de police qui participent à ce genre de programme.
(Tucson, Arizona) Potrero surgit au milieu de la route sinueuse qui serpente dans le sud de la Californie. Entre deux montagnes, le panneau surgit : Potrero, population : 646. Il se fait tard et j’ai du chemin à faire, mais mon regard est attiré par un petit attroupement devant le « centre communautaire ».
Publié le 22 octobre 2020
YVES BOISVERT, LA PRESSE
Quelques citations de cet article :
À Phoenix, dimanche, je me suis arrêté dans une boutique d’armes à feu. Elle était fermée, mais « John », un ancien de l’armée devenu instructeur, venait y faire un tour. Je suis entré avec lui. Il voulait que je ne le photographie que de dos. Il porte un pistolet Glock bien visible à la ceinture, selon cette règle existant en Arizona et dans plusieurs États qui permet de porter une arme sans permis pourvu qu’on puisse l’apercevoir. C’est pour une arme « cachée » qu’on doit obtenir un permis de port d’arme à feu. Il transporte avec lui un 9 mm d’assaut semi-automatique, « surtout pour dissuader ». « Nos ventes d’armes ont explosé cet été, me dit-il. On a de la difficulté à obtenir certains modèles. Le prix des munitions augmente. »
Pourquoi les gens s’arment-ils ? La peur dans les foyers n’est pas à confondre avec l’armement des milices. Mais difficile de ne pas faire un lien entre le racisme et les « tensions raciales » et les différents motifs d’armement légal.
D’après le Southern Poverty Law Center, le nombre de membres de milices armées de divers ordres s’est multiplié par huit après l’élection de Barack Obama. Il y aurait 100 000 personnes dans l’un ou l’autre des 276 groupes identifiés. Ce n’est pas négligeable, même dans un pays de 330 millions d’habitants. Quand on voit qu’un de ces groupes armés complotait pour kidnapper et assassiner la gouverneure du Michigan, c’est clairement plus qu’un jeu pour grands garçons. Les groupes suprémacistes blancs, qui se recoupent avec ces milices antigouvernement bien souvent, sont considérés par le FBI comme la plus grande menace terroriste intérieure au pays.
PATRICK WHITE PUBLISHED DECEMBER 13, 2020 in the Globe and Mail
La police de Montréal met en place une escouade de lutte au trafic d’armes à feu devant une « hausse atypique des événements » violents dans le nord-est de la ville.
Dans la foulée de la fusillade de Portapique, en Nouvelle-Écosse, où 22 personnes ont été tuées dans l’un des actes de violence les plus meurtriers de l’histoire canadienne, le gouvernement fédéral a interdit, par décret, la vente, l’achat, le transport, l’importation et l’utilisation de plus de 1500 types d’armes d’assaut. Des mesures similaires avaient déjà fait partie des promesses de campagne du Parti libéral, mais l’annonce et la mise en application ont été devancées pour répondre à la tragédie de Portapique.
Serge St-Arneault est prêtre et citoyen engagé. Il est le frère d’Annie St-Arneault, décédée lors de la fusillade de Polytechnique le 6 décembre 1989. Il est impliqué dans le collectif PolySeSouvient, un groupe citoyen en faveur du contrôle resserré des armes à feu établi par des survivantes du drame, depuis sa création. Voici sa perspective sur les mesures annoncées.
Question : Au sein de PolySeSouvient, vous luttez pour un contrôle resserré des armes depuis trois décennies. Pourriez-vous nous donner un peu de perspective historique?
Réponse : Quelques années après la tragédie à Polytechnique [en 1995, NDLR] le gouvernement de l’époque a voté une loi sur le contrôle des armes à feu qui a interdit une vaste gamme d’armes. Nous avions lutté pour cette loi pendant plusieurs années. Cette loi a eu un impact important sur le nombre des personnes tuées et blessées par des armes à feu. Malheureusement, en 2012, le gouvernement Harper a aboli cette loi et détruit toute l’information qui avait été recueillie dans le cadre de son renforcement. Quand ces données ont été détruites, il y a eu trahison de la volonté du peuple canadien.
Q. : Qu’est-ce que ces nouvelles mesures changent?
R. : Ces mesures ont pour but de retirer les armes d’assaut du marché parce que ce sont des armes militaires. L’argument des lobbyistes, c’est que ça ne sert à rien de légiférer sur les armes parce que les bandits et les gangs de rue n’obéiront pas à la loi. Ce que nous disons, c’est que tant et aussi longtemps que ces armes seront en circulation, il y aura plus de risques, plus de victimes de violence et plus de suicides. Ces armes sont faites pour tuer.
Q. : Pourquoi pensez-vous que ç’a pris tant de temps, et un autre massacre, pour mettre en place ces nouvelles restrictions?
R. : C’est un combat de longue haleine. Il faut faire appel non seulement à la raison, mais aussi à une conversion du regard pour rejoindre le cœur des gens. Il s’agit d’une nouvelle perception du réel qui déconstruit un schéma mental. Il y a des parallèles avec les questions environnementales – quel est le déclic qui permet à une société de consentir à payer le prix pour sauver la planète?
Un autre facteur crucial est la force du lobby des armes à feu. Ce lobby puissant entretient la peur viscérale qui fait croire que la seule façon de se protéger est de posséder une arme à feu. En plus, ce lobby contribue substantiellement aux caisses électorales de certains partis politiques.
Q. : Pour vous comme humain et comme proche d’une victime, qu’est-ce que ça fait de voir la prise de position du fédéral?
R. : C’est très émotionnel. Je suis content de la prise de position courageuse du gouvernement. C’est une combinaison de joie et de regrets, parce que ce n’est pas tout ce qu’on espérait.
Q. : Où sont les lacunes dans les mesures annoncées?
R. : Il ne faut pas que le programme de rachat demeure facultatif. Si c’est le cas, des dizaines de milliers d’armes d’assaut resteront entre les mains de leurs propriétaires actuels, pendant des générations. Le prochain projet de loi doit imposer le retour de toutes ces armes. Le Parti libéral avait d’ailleurs promis de le faire lors de la dernière campagne électorale. La deuxième lacune concerne l’absence de mesures appropriées pour régler le contrôle des armes détenues par les gangs de rues.
Q. : Qu’est-ce que vous comptez faire comme veille pour assurer que les mesures sont mises en pratique et ont les effets escomptés?
R. : On doit continuer de faire du lobbying avec le gouvernement pour que le programme de rachat devienne obligatoire. Nous voulons aussi appuyer des villes qui demandent de l’aide fédéral pour interdire les armes à poing. Le gouvernement fédéral parle de laisser cette décision aux villes, mais ils ont aussi leur rôle à jouer. Les armes d’assaut sont des armes de guerre qui n’ont pas leur place dans notre société.
Cette entrevue a été révisée et condensée.
Ruby Irene Pratka est journaliste indépendante et porte un intérêt particulier aux questions d’immigration, d’intégration et de diversité culturelle. Immigrante elle-même et nomade invétérée, elle arrive à Montréal en passant par Baltimore, Ottawa, Saint-Pétersbourg, Ljubljana, Berne, Bujumbura, Bruxelles, Québec et Winnipeg. Elle a passé son été en tant que responsable des communications à bord d’un bateau qui portait secours aux migrant-es en mer. Elle rêve d’un monde sans frontières.
D’une
même voix, des proches des victimes des tueries de Polytechnique, du Collège
Dawson et de la mosquée de Québec, de même que le père d’un policier tué en
service, réclament du gouvernement Trudeau un moratoire immédiat sur la vente
des armes d’assaut, de même qu’une interdiction permanente sur l’importation et
la fabrication des armes de poing.
LOUISE LEDUC, LA PRESSE
Publié le 26 novembre 2019
Rappelant les engagements du
gouvernement Trudeau en campagne électorale, les signataires d’une lettre qui
vient d’être adressée à Bill Blair, ministre de la Sécurité publique, se disent
« très optimistes » que ces promesses seront respectées « au
cours du prochain mandat libéral compte tenu de l’appui explicite de trois
partis d’opposition (NPD, Bloc québécois et Parti vert) ».
Les auteurs de la lettre
rappellent au gouvernement que selon Statistique Canada, le nombre d’homicides
par armes à feu a augmenté pour une quatrième année
consécutive. « Notons que cette recrudescence suit de près le
démantèlement de mesures de contrôle majeures entrepris à partir de 2012 par le
précédent gouvernement Harper », est-il écrit.
Pour ce qui est des armes de poing, les proches de tueries survenues au Québec écrivent qu’« une interdiction de l’importation et de la fabrication d’armes de poing n’équivaut pas à leur prohibition – leur vente, transfert et possession pouvait se poursuivre à l’intérieur du pays –, mais cela freinerait l’augmentation exponentielle de leur nombre en territoire canadien ».
Quant aux armes d’assaut,
les auteurs de la lettre rappellent que le Ruger Mini-14 de Marc Lépine
« demeure une arme à feu sans restriction, et ce, malgré l’engagement du
Parti libéral de l’interdire » en 1999.
« Théoriquement, la
limite pour les chargeurs au Canada est de cinq balles pour les armes non
restreintes et de 10 balles pour les armes restreintes, précisent les proches
de victimes. Cependant, des échappatoires et la disponibilité légale de
chargeurs “modifiés” font de ces limites une risée. En effet, au moins trois auteurs
de récentes tueries avaient modifié illégalement leurs chargeurs pour les
augmenter à leur capacité maximale illégale. »
Entre autres mesures, les
signataires de la lettre à M. Blair réclament entre autres de meilleurs
contrôles des demandeurs de permis et un meilleur accès pour les policiers des
registres de ventes. Ils espèrent aussi que le gouvernement réfléchira à la pertinence
d’interdire la vente en ligne des armes restreintes.
« En tant que victimes
et témoins de violence extrême commise à l’aide d’armes à feu, nous cherchons
ainsi à rendre hommage à nos proches, soit en obtenant des mesures concrètes
pour prévenir d’autres tragédies évitables », concluent les auteurs de la
lettre.
Ont également signé cette lettre plusieurs membres de familles des victimes de l’attentat de Polytechnique, dont Serge Saint-Arneault, frère d’Annie Saint-Arneault, orginaire de La Tuque.
En compagnie de quelques membres de
PolySeSouvient, dont Heidi Rathjen et
Nathalie Provost ainsi que des étudiants de la Polytechnique, j’ai
assisté à la séance du conseil de ville de Montréal où une motion pour un
contrôle efficace des armes à feu était présentée par le parti d’opposition,
mais unanimement approuvé par tous les élus.
Le conseil municipal exige donc que
le gouvernement fédéral interdise la possession des armes d’assaut et armes de
poing au Canada.
Les élus ont également endossé la
proposition de PolySeSouvient de geler les ventes des armes d’assaut et d’interdire
l’importation et la fabrication de nouvelles armes de poing.
Cet événement intervient dans un
contexte particulier où plusieurs événements, partout au pays, souligneront le
30e anniversaire de la tragédie du 6 décembre 1989 à la
Polytechnique de Montréal.
Osons espérer que d’autres
villes canadiennes s’engageront aussi sur cette lancée initiée par la Ville de Montréal.
Motion 65.01 de l’Opposition officielle de
la Ville de Montréal présentée
lors de la séance du conseil municipal du 18 novembre
2019
Attendu que, selon Statistique Canada, le nombre
d’homicides par armes à feu a augmenté pour la quatrième année consécutive (de
2013 à 2017), soit de 103 % en quatre ans, avec le taux actuel représentant
le taux « le plus élevé observé au Canada depuis 1992 »;
Attendu que lenombre d’armes de poing
au Canada a plus que doublé depuis 2012 (passant de 465 000 à
935 000) et que ces armes, selon Statistique Canada, sont à l’origine
d’environ 24 % de tous les homicides au pays;
Attendu que le nombre d’armes à feu achetées
légalement au Canada et revendues à des personnes qui les utilisent à des fins
criminelles a « considérablement augmenté » selon plusieurs autorités
à travers le pays, dont la police de Toronto;
Attendu que depuis 2008, selon la Sûreté du Québec, 66 000 armes ont été saisies au Québec;
Attenduque la Ville de
Montréal enregistre annuellement le tiers des infractions relatives aux armes à
feu dans la province;
Attendu qu’en moyenne 18 personnes par an meurent
assassinées à l’aide d’une arme à feu à Montréal et que cela représente plus de
50 % des homicides annuels;
Attendu que le 6 décembre 1989, il y a trente
ans, a eu lieu le féminicide à l’École Polytechnique, qui a enlevé la vie à 14
jeunes femmes par le moyen d’une arme acquise légalement;
Attendu que les armes utilisées dans les tueries de
masse de Concordia (1992) et de la Mosquée de Québec (2017) étaient des armes
de poing légales, et que celle utilisée à Toronto (2018) avait été volée d’un
propriétaire légal;
Attendu que le Service de police de la Ville
de Montréal (SPVM) collige des données sur le nombre de crimes et de meurtres
commis à l’aide d’une arme à feu sur son territoire, ni le nombre d’armes à feu
volées, mais que la diffusion n’est pas complète ou systématique;
Attendu que la Ville de Montréal a adopté en
2018 à l’unanimité une motion demandant au gouvernement fédéral de bannir les
armes d’assaut et les armes de poing;
Attendu que le Parti libéral du Canada s’est engagé
à interdire les armes d’assaut, mais a choisi de laisser aux municipalités le
fardeau d’interdire les armes de poing;
Attendu que l’approche la plus efficace pour
encadrer ou interdire les armes de poing est d’instaurer une mesure au niveau
de l’ensemble du territoire canadien décrétée par le gouvernement fédéral, qui
seul a compétence sur le criminel;
Attendu que la ville de Toronto a mis en place
un programme de rachat des armes à feu en 2019 et que ce dernier a permis de
récupérer 3100 armes pour un coût de 750 000$;
Attendu que moins d’armes à feu en circulation
signifie moins de chances qu’elles soient utilisées à de mauvaises fins et que
plusieurs études démontrent que le simple fait d’avoir ce genre de programme
provoque des discussions utiles sur les risques associés aux armes à feu et sur
les bonnes pratiques (comme le respect des normes sur l’entreposage
sécuritaire), ce qui contribue à réduire les accidents, les vols et l’usage
impulsif des armes en général;
Il est proposé par Lionel Perez, chef de l’Opposition
officielle et conseiller de la Ville du district de Darlington;
et appuyé par Karine Boivin Roy, conseillère de la
Ville du district de Louis-Riel;
Que la Ville de Montréal réitère au nouveau
gouvernement fédéral l’urgence d’interdire la possession privée des armes
d’assaut et d’armes de poing au Canada et qu’elle souligne l’importance
de maintenir cette compétence au niveau fédéral;
Que la Ville de Montréal réclame la cessation immédiate de l’importation et de la fabrication des armes de poing et d’armes d’assaut au Canada;
Que la Ville de Montréal demande à ce que le SPVM diffuse des données précises sur le nombre de meurtres et de crimes dus aux armes à feu, et compile et diffuse des données sur leur statut (légal ou illégal), tout en envisageant de compiler et diffuser des données sur le nombre de suicides dus aux armes à feu.
Que la Ville de Montréal demande au
gouvernement fédéral de mettre en place et de financer un programme national de
rachat volontaire d’armes à feu;
Que la Ville de Montréal partage cette résolution avec la Fédération canadienne des municipalités, l’Union des municipalités du Québec, et la Fédération québécoise des municipalités.
Le parti
d’opposition Ensemble Montréal propose de mettre en place un programme de
rachat volontaire d’armes à feu par le Service de police de la Ville de
Montréal (SPVM).
Conférence de presse. PDF.
«De
façon tout à fait anonyme, nous inviterions les citoyens à remettre les armes
qu’ils ont en leur possession au SPVM en échange d’un montant d’argent», a
proposé le chef du parti, Lionel Perez.
«La
police ne pose aucune question, ne fait aucun contrôle d’identité, remet
l’argent sur-le-champ et détruit lesdites armes», a-t-il décrit, mercredi, un
mois avant le 30e anniversaire de la tuerie de Polytechnique, survenue le 6
décembre 1989.
Au printemps dernier, la police de Toronto a mis en place un tel
programme qui a permis le rachat de 3100 armes à feu via un programme de rachat
financé à hauteur de 750 000 $.
Selon l’administration
Plante, il est toutefois préférable d’attendre l’instauration d’un programme de
rachat à l’échelle nationale, puisque la responsabilité ne devrait pas incomber
à la Ville de Montréal à elle seule. Le SPVM n’a pas voulu commenter la sortie
d’Ensemble Montréal.
Les deux types d’armes
Les deux partis pressent le
gouvernement fédéral d’interdire les armes d’assaut et les armes de poing.
En campagne électorale, le premier ministre Justin Trudeau avait promis
de bannir les armes d’assaut, mais a mentionné qu’il laisserait les
municipalités la tâche de restreindre l’utilisation des armes à poing. C’est un
non-sens aux yeux des élus municipaux montréalais.
«Il nous faut une
interdiction de la possession privée des armes de poing et des armes d’assaut à
l’échelle canadienne. Une mosaïque de règlements municipaux serait tout à fait
inefficace», a résumé Alex Norris, président de la Commission de la sécurité
publique et élu de Projet Montréal.
Polytechnique
C’est aussi l’avis de Heidi
Rathjen, témoin de la tuerie et coordonnatrice de PolySeSouvient, qui
accompagnait Lionel Perez lors de sa sortie mercredi.
Demander aux municipalités
d’interdire les armes de poing serait «inefficace, mais aussi irréaliste compte
tenu des luttes politiques longues et acrimonieuses contre le lobby des armes
auxquelles ferait face tout maire», estime-t-elle.
Serge St-Arneault, le frère d’Annie St-Arneault, l’une des victimes de la tuerie de Polytechnique, abonde dans le même sens. «Les armes à feu, c’est fait pour tuer. Qu’on laisse des armes militaires aux mains des militaires ou des gens responsables de la protection civile», a-t-il plaidé, ajoutant que la même logique vaut pour les armes de poing.
Pour
celui qui vient de La Tuque, une «région de chasseurs», il est normal que les
carabines ne soient pas concernées par ces discussions. «Les chasseurs sont des
gens responsables. On ne va pas à la chasse au caribou ou à l’orignal avec des
armes militaires.»
Il faut mieux surveiller la frontière, selon Maria
Mourani
Pour
réduire le nombre d’armes en circulation dans les milieux criminels, il faut
s’attaquer plus vigoureusement à l’entrée illégale de ces produits de
contrebande via la frontière américaine, fait valoir la criminologue Maria
Mourani.
Celle-ci
croit qu’il faut lutter contre l’entrée des armes des États-Unis en y
consacrant du financement et en haussant la surveillance. «Malheureusement,
pour l’instant, c’est des vraies passoires nos frontières, a-t-elle déploré.
Juste au Québec, on a plus d’une centaine de routes non surveillées.»
Dans les
milieux criminels, la majorité des armes sont acquises illégalement, a expliqué
Mme Mourani, ajoutant que «80 % des armes illégales viennent des États-Unis et
vont dans le marché noir».
Plus d’armes
Cela dit, «il y a une
proportion croissante de crimes violents qui sont commis à l’aide d’armes
légalement acquises, a indiqué Alex Norris, président de la Commission de la
sécurité publique. Nous avons besoin de mesures plus costaudes à l’échelle
nationale.»
Le nombre d’armes de poing
en circulation est passé de 465 000 en 2012 à 935 000 actuellement, selon
Statistique Canada, et elles ont été utilisées dans près d’un quart des
homicides au pays.
Ces données peuvent
signifier que plus d’armes sont détectées, a nuancé Mme Mourani. «Le nombre
d’armes en circulation dans le marché noir au Canada est beaucoup plus élevé.»
Le bannissement par Ottawa
des armes de poing et d’assaut, excepté pour les policiers et les militaires,
s’impose, selon Mme Mourani. Un programme de rachat d’armes par les policiers
doit s’accompagner de mesures rendant la possession de ces armes illégales,
selon elle.
«Au Québec, on a toujours
été les champions dans le contrôle des armes; Polytechnique, ç’a choqué»,
a-t-elle noté.
Les Canadiens attendent depuis de nombreuses années une
action réelle et concrète dans ce domaine.
Ce texte est l’allocution présentée par l’auteur, M.Afr, membre de PolySeSouvient, lors de la conférence de presse organisée le 3 avril 2019, à l’hôpital général de Montréal, par un regroupement de médecins, de partout au Canada, favorable à un contrôle plus strict des armes à feu.
Par Serge St-Arneault, M.Afr
J’ai vécu en zone de guerre en
République Démocratique du Congo (à l’époque le Zaïre) dans les années 1990. Le
chaos s’était progressivement propagé dans tout le pays avec son lot de
pillages et de conflits tribaux.
Dans la brousse où j’étais, on
avait déjà eu la visite de militaires pour intervenir dans un conflit entre
chefs coutumiers. Ce jour-là, revenant à la maison, j’ai été directement menacé
par un militaire. Il m’a simplement dit: «Lors du prochain conflit, c’est moi
qui vais te tuer.» («Siku y vita ingine, miye nitawa weye»).
J’ai immédiatement senti comme un boulet me tomber dans l’estomac. Je m’en rappelle très bien. De fait, les rivalités tribales se sont accélérées. Les paramilitaires sont revenus, soi-disant pour rétablir la paix, en brûlant les villages. La plupart des expatriés avaient déjà quitté le pays. Quant à moi, je suis resté avec mes confrères pratiquement jusqu’au moment de la chute du régime dictatorial du président Mobutu.
En 2010, Marc Rochette, un
journaliste pour le Nouvelliste de
Trois-Rivières, m’a demandé dans une interview s’il y avait des risques à vivre
dans la brousse africaine. Ce à quoi j’ai répondu: «Qu’est-ce qui est le plus
dangereux: être missionnaire en Afrique dans un pays en guerre ou être
étudiante à l’École Polytechnique de Montréal?»
Le rapport d’investigation du coroner indique que le
décès est attribué à de multiples lésions graves au niveau du crâne, du
cerveau, en plus de l’aorte sectionnée, des hiles pulmonaires et l’éclatement
du foie; le tout secondaire au passage dans la tête et dans le thorax de trois
projectiles d’arme à feu.
Vous êtes médecins et
professionnels de la santé. Vous comprenez mieux que moi de quoi il s’agit.
Nous sommes réunis ici pour une cause commune. Nous voulons, de fait nous
exigeons des lois plus sévères sur les armes à feu au Canada.
Une journée nationale d’action
a eu lieu le 3 avril dans 13 villes du pays. Tous s’entendent pour dire que les
armes à feu représentent une menace croissante pour la santé publique. Selon Statistique
Canada,
le nombre de crimes violents commis avec une arme à feu a augmenté de 43%
depuis 2013, soit depuis l’abolition du registre national des armes à feu par
le gouvernement de Steven Harper en 2012, suivi par l’affaiblissement d’une
série d’autres mesures en 2015.
À peine une semaine après la
tragédie de Christchurch en Nouvelle-Zélande, la première ministre Jacinda
Ardern a annoncé l’interdiction imminente de «toutes les armes
semi-automatiques de style militaire», de «tous les fusils d’assaut», de «tous
les chargeurs à grande capacité» et de «tous les accessoires ayant la capacité
de convertir une arme à feu en arme semi-automatique de type militaire». Elle a
également émis une ordonnance de reclassification
pour les armes semi-automatiques afin de dorénavant empêcher leur
vente à la plupart des détenteurs de permis actuels.
Voilà une preuve de leadership politique.
Soulignons aussi l’action du
Gouvernement du Québec qui a instauré son propre registre des armes en réaction
à l’abolition du registre fédéral. Le Québec est maintenant l’une
des trois seules juridictions en Amérique du Nord (avec Hawaï et le
District de Columbia, aux États-Unis) qui enregistrent les armes sur son
territoire — bien que ce soit la norme en Europe et la plupart des pays
industrialisés.
Mais qu’en est-il du gouvernement Trudeau?
Les Canadiens attendent depuis
de nombreuses années une action réelle et concrète dans ce domaine.
Tout ce que ce gouvernement
offre aux Canadiens pour corriger la quasi-destruction de l’ensemble des gains
législatifs par le gouvernement antérieur, c’est le projet de loi C-71.
D’ailleurs, celui-ci ne rétablit que quelques faibles mesures comparativement à
ce qu’elles étaient avant leur élimination. Ceci dit, ce projet de loi C-71 est
un pas dans la bonne direction et nous l’appuyons. Malheureusement, son
adoption avance à pas de tortue au Sénat.
Combien de fois encore faudra-t-il rappeler que le
même type d’armes légalement accessible, c’est-à-dire des armes
semi-automatiques de type militaire, a été utilisé lors de la tragédie à la
Mosquée de Québec et récemment à Christchurch où 50 Néo-Zélandais innocents ont
été assassinés?
Je réitère les paroles que
j’ai prononcées à Ottawa au début du mois de décembre 2018 que j’adressais au
premier ministre Justin Trudeau: «Ne faites pas de compromis. Montrer aux
Canadiens comment on se tient debout quand on n’a pas peur du lobby
des armes».
AP PHOTO/MARK BAKER. Les émotions sont fortes lors d’un service commémoratif national à Hagley Park en l’honneur des victimes de l’attaque terroriste perpétrée contre la mosquée à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, le vendredi 29 mars 2019.
UGO GIGUÈRE, La Presse Canadienne – GABRIEL DELISLE, Le Nouvelliste
MONTRÉAL —
Chaque semaine, l’équipe de traumatologie du Centre universitaire de santé
McGill (CUSM) doit traiter au moins un patient victime d’une blessure par arme
à feu. Mercredi, les médecins et autres professionnels de la santé sont sortis
dans la rue pour joindre leur voix à celles de leurs collègues de 13 hôpitaux à
travers le Canada afin de dire haut et fort qu’ils en ont assez. À leurs côtés,
on retrouvait le père Serge St-Arneault, le frère d’Annie St-Arneault de La
Tuque, une des victimes de la tuerie de la Polytechnique.
D’après la coalition «Doctors for
protection from guns», les armes à feu représentent un grave problème de santé
publique au pays.
Des
chirurgiens traumatologues, chefs de départements, infirmières et
préventionnistes du CUSM ont tenu une conférence de presse pour réclamer
l’interdiction complète des armes de poing et des fusils d’assaut au Canada. Un
message relayé d’un océan à l’autre.
«On
voit depuis 2013 une augmentation de 42 pour cent de la mortalité liée à des
blessures par armes à feu au Canada. À Montréal, on voit une augmentation du
nombre de patients blessés ou morts par des armes à feu. Il est temps qu’on
change notre façon de parler des armes à feu. C’est un enjeu de santé publique
et il faut qu’on le dise», a déclaré le chirurgien traumatologue Jeremy
Grushka.
«Quand
on regarde la manière dont on gère cette problématique d’un point de vue de
santé publique, je pense qu’on pourrait faire mieux», poursuit le chef du
département de traumatologie Tarek Razek.
Celui-ci
ne croit pas que le Canada soit allé assez loin pour appliquer les meilleures
pratiques de sécurité afin de réduire au minimum les risques que représentent
les armes à feu dans la société.
«D’un
point de vue de santé publique, c’est comme les voitures. Est-ce qu’il y a
toujours des accidents de voiture? Oui. Mais est-ce qu’on réduit le risque au
minimum d’avoir des accidents?», compare-t-il.
Le père
Serge St-Arneault, qui est membre de Poly se souvient, était aux côtés des
médecins lors de la manifestation. Même si chaque présence publique pour
réclamer un meilleur contrôle des armes à feu est très difficile pour lui,
Serge St-Arneault affirme qu’il ne pouvait refuser l’invitation des médecins.
«L’enjeu
est tellement capital. En mémoire de celles qui ont été victimes d’armes à feu,
c’est un devoir de continuer ce combat. C’est comme un appel», affirme en
entrevue le frère d’Annie St-Arneault, une des étudiantes assassinées lors de
la tuerie de la Polytechnique.
Pour le
prêtre originaire de La Tuque, il est «indéniable» que les armes à feu
représentent une crise de santé publique. «Compte tenu du nombre élevé de
personnes qui sont atteintes d’armes à feu, qui sont handicapées pour leur vie,
c’est évident qu’il s’agit d’une question de santé publique», a précisé Serge
St-Arneault lors du point de presse tenu en marge de la manifestation de
Montréal.
«Le
projet de loi C-71 [pour le contrôle des armes à feu] est un pas dans la bonne
direction, mais c’est loin d’être suffisant.»
Le père Serge St-Arneault, le frère
d’Annie St-Arneault, une des victimes de la tuerie de la Polytechnique, a pris
la parole publiquement en marge de la manifestation.
Serge
St-Arneault prône le bannissement pur et simple des armes d’assaut et des armes
de poings. «L’exemple de la Nouvelle-Zélande et de sa première ministre est
extraordinaire et remarquable. On devrait le suivre au Canada.»
Militant
au sein du regroupement Poly se souvient, Jean-François Larrivée a salué
l’appui des médecins dans ce combat pour restreindre l’accès aux armes.
Celui-ci a perdu sa jeune épouse dans la tuerie survenue à Polytechnique
Montréal en 1989.
«Je
milite depuis 30 ans pour le souvenir de Maryse et des autres filles. Les
médecins ont une voix qui porte. Ils sont pragmatiques, ils ont une influence
intellectuelle, ils ont un leadership», se réjouit-il.
«Je
veux aider les autres femmes à ne pas subir le même drame et si on peut sauver
une vie ça aura valu la peine», souligne M. Larrivée.
Le
personnel soignant du CUSM est exaspéré au point où l’équipe de prévention
commence à enseigner au public les techniques de premiers soins en cas de
blessures par balles.
Tara
Grenier, coordonnatrice du programme de prévention des blessures au CUSM,
transmet aux élèves du secondaire, à des employés d’usine et au public en
général des méthodes pour stopper l’hémorragie causée par une balle ou une arme
blanche.
«Ce
sont des techniques de guerre qu’on emploie dans le monde civil. On est rendu
là. Peut-être qu’on pourra sauver des gens au lieu qu’ils meurent au bout de
leur sang», mentionne la thérapeute sportive.
Ottawa
tend l’oreille
Le Dr
Tarek Razek espère sincèrement que sa voix et celles de ses collègues soient
entendues. Selon lui, le fait qu’ils soient en première ligne pour constater
les ravages causés par les armes donne du poids à leurs arguments.
Sur la
colline parlementaire à Ottawa, le ministre de la Sécurité frontalière et de la
Réduction du crime organisé, Bill Blair, a dit tendre l’oreille aux
revendications des médecins.
«J’ai
rencontré plusieurs fois des regroupements de médecins. Leur point de vue est
pertinent, ils sont en première ligne pour traiter des victimes de blessures
par armes à feu. Je crois qu’il y a des choses que l’on doit faire pour
protéger nos communautés et nous sommes prêts à considérer des mesures qui
empêcheraient les gens mal intentionnés de se procurer des armes pour blesser
ou tuer», a-t-il commenté.
Le
ministre n’a cependant pas l’intention d’accélérer le processus comme l’ont
fait les élus de Nouvelle-Zélande à la suite de la tuerie de Christchurch.
«Je
pense que les Canadiens s’attendent à ce qu’on écoute les différentes opinions
de la population afin de trouver le meilleur moyen de rendre nos communautés
plus sécuritaires», a mentionné M. Blair.
Allocution présenté par Serge St-Arneault, M.Afr, Directeur du Centre Afrika, Montréal, lors de la conférence de presse organisée par les médecins et autres professionnels de la santé à l’Hôpital Général de Montréal aujourd’hui à 12h00. Les médecins réclament une interdiction complète des armes de poing et armes d’assaut ainsi que l’adoption du projet de loi C-71 qui renforce l’encadrement des armes à feu.
J’ai vécu en zone de guerre en République
Démocratique du Congo (à l’époque le Zaïre) dans les années 1990. Le chaos
s’était progressivement propagé dans tout le pays avec son lot de pillages et
de conflits tribaux.
Dans la brousse où j’étais, on avait déjà
eu la visite de militaires pour intervenir dans un conflit entre chefs
coutumiers. Ce jour-là, revenant à la maison, j’ai été directement menacé par
un militaire. Il m’a simplement dit :
« Siku y vita ingine, miye nitawa weye ».
Traduction littérale :
« Lors du prochain conflit, c’est moi qui vais te
tuer. »
J’ai immédiatement senti comme un boulet
me tomber dans l’estomac. Je m’en rappelle très bien. De fait, les rivalités
tribales se sont accélérées. Les paracommandos sont revenus, soi-disant pour
rétablir la paix, en brulant les villages. La plupart des expatriés avaient
déjà quitté le pays. Quant à moi, je suis resté avec mes confrères pratiquement
jusqu’au moment de la chute du régime dictatorial du Président Mobutu.
En 2010, Marc Rochette, un journaliste du
journal Le Nouvelliste de Trois-Rivières, m’a demandé dans une interview s’il y
avait des risques de vivre dans la brousse africaine. Ce à quoi j’ai
répondu :
« Qu’est-ce qui est le plus dangereux? Être
missionnaire en Afrique ou étudiante à l’École Polytechnique de Montréal ».
Ma sœur Annie a été l’une des premières
victimes du drame de la Poly du 6 décembre 1989. Le rapport d’investigation du
coroner indique que le décès est attribué à des lésions multiples graves au
niveau du crâne, du cerveau, section de l’aorte et des hiles pulmonaires et
éclatement du foie, le tout secondaire au passage dans la tête et dans le thorax
de trois projectiles d’arme à feu.
Vous êtes médecins et professionnels de la santé. Vous
comprenez mieux que moi de quoi il s’agit. Nous sommes réunis ici pour une
cause commune. Nous voulons, de fait nous exigeons des lois plus sévères sur
les armes à feu au Canada. Une journée nationale d’action a lieu aujourd’hui
dans 13 villes du pays. Tous s’entendent pour dire que les armes à feu
représentent une menace croissante pour la santé publique. Selon Statistique
Canada, le nombre de crimes violents commis avec une arme à feu a augmenté de
43% depuis 2013, soit depuis l’abolition du registre national des armes à feu
par le gouvernement de Steven Harper en 2012, suivi par l’affaiblissement d’une
série d’autres mesures en 2015.
À peine une semaine après la tragédie de Christchurchen Nouvelle-Zélande, la première ministre Jacinda Arderna annoncé l’interdiction imminente de « toutes les armes semi-automatiques de style militaire », de « tous les fusils d’assaut », de « tous les chargeurs à grande capacité » et de « tous les accessoires ayant la capacité de convertir une arme à feu en arme semi-automatique de type militaire ». Elle a également émis une ordonnance de reclassification pour les armes semi-automatiques afin de dorénavant empêcher leur vente à la plupart des détenteurs de permis actuels.
Voilà une preuve de leadership politique.
Soulignons aussi l’action
du Gouvernement du Québec qui a instauré son propre registre des armes en
réaction à l’abolition du registre fédéral. Le Québec est maintenant l’une des
trois seules juridictions en Amérique du Nord (avec Hawaï et le District de
Columbia) qui enregistrent les armes sur son territoire –
bien que c’est la norme en Europe et la plupart des pays industrialisés.
Mais qu’en est-il du
gouvernement Trudeau?
Les Canadiens attendent
depuis de nombreuses années une action réelle et concrète dans ce domaine.
Tout ce que ce
gouvernement offre aux Canadiens pour corriger la quasi-destruction de
l’ensemble des gains législatifs par le gouvernement antérieur, c’est le projet
de loi C-17. D’ailleurs, celui-ci ne rétablit que quelques faibles mesures
comparativement à ce qu’elles étaient avant leur élimination. Ceci dit, ce
projet de loi C-71 est un pas dans la bonne direction et nous l’appuyons.
Malheureusement, son adoption avance à pas de tortue au Sénat.
De plus, ce projet de loi
ne modifie en rien l’accès légal aux armes de poing et aux armes d’assaut. Nous
le savons, celles-ci sont conçues pour tuer efficacement et rapidement.
Combien de fois encore faudra-t-il
rappeler que le même type d’armes légalement accessible, c’est-à-dire des armes
semi-automatiques de type militaire, a
été utilisé lors de la tragédie à la Mosquée de Québec et tout récemment à
Christchurch où 50 Néo-Zélandais innocents ont été assassinés?
Je réitère les paroles que j’ai prononcées
à Ottawa au début du mois de décembre 2018 que j’adressais au premier ministre
Justin Trudeau;
« Ne
faites pas de compromis. Montrer aux Canadiens comment on se tient debout quand
on n’a pas peur du lobby des armes ».
Membres de PolySeSouvient présent lors de la marche pour soutenir les médecins dans leur manifestation contre les armes à feu.
De nombreux journalistes ont interviewé les membres de PolySeSouvient ainsi que des représentants étudiants de l’École Polytechnique de Montréal dans le cadre de la consultation du gouvernement fédéral sur l’interdiction des armes de poing et d’assaut au Canada.
Voici une série d’articles et d’extraits vidéo illustrant ces entrevues. Le Devoir, par exemple, a publié un excellent éditorial sur la question de la consultation, qui résume bien la position de PolySeSouvient : «Rien ne justifie que des particuliers possèdent des armes ne servant qu’à tuer.» À vous de choisir la suite de vos lectures en cliquant sur les images ci-jointes, tout particulièrement l’article publier dans le journal Métro que voici.