Actualités, par Lina Dib et Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne, 19 février 2021
OTTAWA — Déléguer à Québec le pouvoir d’interdire les armes de poing? Justin Trudeau y semble ouvert, mais ceux qui militent pour un plus grand contrôle des armes à feu croient que c’est une fausse bonne idée.
L’Assemblée nationale a adopté unanimement cette semaine une motion d’un député solidaire qui réclame cela. La motion prenait acte du refus des municipalités de se voir coller ce pouvoir dont elles ne veulent pas.
«Québec est prêt à prendre cette responsabilité», a-t-on indiqué, vendredi après-midi, au bureau de la ministre québécoise de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault.
La ministre parlera à son homologue fédéral Bill Blair la semaine prochaine, lui répétera que Québec voit d’un mauvais œil la délégation de ce pouvoir aux municipalités, et veut bien s’en charger. À son point de presse du vendredi, le premier ministre Trudeau semblait applaudir pareille initiative.
«Je félicite le Québec pour ses intentions et nous avons bien hâte de travailler avec eux et toute autre juridiction qui veut continuer de resserrer le contrôle des armes à feu», a-t-il dit.
«Avec un peu de recul on se rend compte que ça joue le jeu des libéraux qui cherchent désespérément à défendre leur projet de loi et à ressusciter leur crédibilité en lien avec le contrôle des armes», lance Heidi Rathjen de Polysesouvient. Déjà, son groupe dénonce à hauts cris les autres mesures du projet de loi C-21 déposé mardi, texte législatif que ces militants ont accueilli comme «une trahison».
«C’est un piège. C’est encore un acte de déresponsabilisation par le gouvernement fédéral sur un enjeu de juridiction fédérale, et cela permettrait aux libéraux de se dénicher un rare allié crédible en faveur d’au moins un élément dans cette coquille vide», ajoutait-elle vendredi.
Mme Rathjen se souvient des six ans de lutte intense pour obtenir un registre québécois des armes d’épaule. Elle ne veut pas remettre l’épaule à la roue, encore.
«Alors à moins que le gouvernement caquiste ne soit prêt à s’engager à interdire les armes de poing demain matin…», laisse-t-elle tomber. «Les familles sont épuisées. Ceci est notre dernière bataille», confie-t-elle.
Vendredi, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, répétait, elle aussi, que l’interdiction des armes de poing, c’est une responsabilité du gouvernement fédéral.
«Il faut qu’il y ait une responsabilisation, une prise en charge du fédéral à tout le moins pour qu’on se sente en sécurité partout à travers le pays. Je suis en désaccord avec l’idée de créer différentes classes de citoyens», a dit Mme Plante alors qu’elle tenait un point de presse avec les maires de Québec et de Gatineau qui, tous deux, ont opiné dans le même sens.
Le projet de loi C-21 donne la possibilité aux municipalités d’interdire l’entreposage des armes de poing sur leurs territoires. Le gouvernement fédéral s’engage à retirer le permis de possession d’armes à quiconque n’obéirait pas à pareil règlement municipal.
Il y aurait alors, de l’avis de Mme Plante, «des villes qui auraient la capacité de légiférer et où on se sentirait en sécurité, d’autres villes qui n’auraient pas cette possibilité parce qu’elles sont plus petites, elles n’ont pas nécessairement de corps de police».
«Imaginez à Québec, si nous légiférions sur les armes à feu et que Stoneham, Lac-Beauport, Lévis, ne légifèrent pas. Voyez-vous le ridicule de la situation?», a renchéri le maire Régis Labeaume.
«Pour réglementer ça, pour gérer ça, ça prend ce qu’on appelle des frontières. À Québec, on ne donne pas de visa pour entrer en ville nous autres. On n’a pas de poste frontière. Alors c’est ridicule de penser de même. Je comprends qu’on veut apaiser l’Ouest avec cette suggestion-là, mais on sait que c’est totalement inapplicable», a tonné le maire de Québec.
Une réflexion sur « Ottawa semble ouvert à déléguer à Québec le droit d’interdire les armes de poing »