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Polytechnique, un 6 décembre

Par Jacques Gauthier, écrivain

Quand arrive le 6 décembre, c’est inévitable, je me rappelle la tuerie de l’École polytechnique de Montréal. C’était en 1989, j’avais rencontré à la maison, quelques mois avant la tragédie, Annie St-Arneault, âgée de dix-huit ans, sœur de mon ami Serge, missionnaire d’Afrique. Elle sera tuée avec treize jeunes femmes par Marc Lépine, blessant quatorze autres personnes, avant de se suicider. Vingt-neuf ans plus tard, je me souviens. Chaque année, nous commémorons ce triste événement, pour ne pas oublier l’inoubliable? La blessure ne se referme pas aisément au cœur des amis et des familles qui sont proches des victimes. Ce devoir de mémoire est vital; il permet de ne pas oublier et il suscite désengagements comme celui d’un meilleur contrôle des armes à feu. Je dédie ce poème à mes quatorze sœurs à peine éteintes.

L’étudiante du 6 décembre

fixe l’horizon qui s’assombrit

larmes de sang sur la neige

le tireur marque le pas

fauchant dans l’ombre

des fleurs à peine écloses

Le soir frisquet tombe

retour à la demeure du cœur

l’aumône d’un requiem

ferveur des respirations

chant fraternel et silencieux

des fruits à peine ouverts

Tant de peurs et de cris

transmis de mères en filles

les armes s’entrechoquent

on entend l’écho des pleurs

ces secrets qui s’échappent

des vies à peine mûries

L’Avent presse le jour

brûle avec l’encens

le cortège s’arrête

cierges à la main

la cire fondue au feu

des âmes à peine éteintes 

Pour aller plus loin: voir le site Polysesouvient et celui de Serge St-Arneault.
Lire aussi sur le blogue de Jacques Gauthier : La tuerie de Newtown.

La sagesse émergera de la voix citoyenne

Lettre de Zambie no 10, 15 décembre 2012

Coalition pour le contrôle des armes à feu

Cette année, je trouve particulièrement difficile le 23e anniversaire de la tragédie de la Polytechnique du 6 décembre 1989. J’ai le sentiment d’être encore traumatisé par cette tragédie. Il y a quelques jours, Sylvie Haviernick m’a fait parvenir le lien de Polysesouvient dont j’ignorais l’existence. Sylvie et moi étions membres de la Coalition pour le contrôle des armes pendant quelques années. Malgré l’abolition de la législation fédérale sur l’enregistrement des armes d’épaule, la voix citoyenne n’a pas pour autant cessé de s’exprimer, aux dires de Sylvie. Heidi Rathjen, de Polysesouvient, ajoute que plusieurs affaiblissements majeurs (supplémentaires) au contrôle des armes ont été bloqués, du moins pour l’instant, suite à une « tempête parfaite » d’actions et d’incidents qui a mené à une importante victoire pour la sécurité publique.

D’un autre côté, la soirée de poésie au Centre culturel de La Tuque a été une soirée magnifique selon Christiane Giguère.

Avec l’autorisation de ma petite maman, je vous partage son témoignage qui nous enseigne la grande philosophie de l’abandon dans l’action.

Trois-Rivières, décembre 2012

Chers amis,

Je viens partager cette soirée avec vous et profiter de cette activité spéciale qui se vit à La Tuque à l’occasion du 23e anniversaire du drame de la Polytechnique pour vous livrer avec tout mon cœur ma réflexion.

À toi Annie, ma grande fille, mon amour, mon amie, tu aimais la vie, ta famille, ton amoureux, les enfants, tu étais rieuse, simple et spontanée. C’est pourquoi ton souvenir est si important pour moi d’où l’importance de me rappeler tous ces bons moments, ces instants précieux qui ont tissé nos liens, qui ont fait la personne que je suis devenue aujourd’hui. Ta personnalité porteuse de riches valeurs continue de vivre dans mon quotidien.

Aucun de nous ne peut choisir les épreuves que le destin déposera sur notre route, c’est à nous de les accepter ou de les refuser. En pensant à toi, j’ai aussi le droit d’avoir des moments de tristesse, mais c’est aussi important d’apprendre à vivre sans se désoler d’un passé qui n’est plus. Je peux maintenant profiter du bonheur présent que m’apporte ma famille, mes petits-enfants, mes amis en acceptant les joies et les douceurs de la vie, de petits miracles qui s’alignent et donnent raison de croire que des hommes et des femmes de cœur ouvrent des chemins de justice et de paix.

Un petit texte trouvé sur internet m’a fait du bien. C’est comme si c’était toi Annie qui m’envoyait un message : en mourant, le bonheur n’est pas parti avec moi… il continue.

Une réflexion qui a rempli mon cœur de lumière et d’espoir, merci Annie dont la mémoire sera toujours celle de l’amour qui continue dans mon cœur de maman, je t’aime.

Puisse l’année 2013 nous apporter à tous amour, paix et sérénité. Je vous souhaite une bonne soirée, je suis avec vous par la pensée et par le cœur, je vous aime aussi.     

Laurette Perron St-Arneault, Maman d’Annie.

Quant à moi, manquant littéralement d’inspiration jusqu’au moment où Justin Trudeau a osé se prononcer maladroitement sur le registre des armes à feu, j’ai griffonné ces quelques mots :

Bonsoir à chacune et chacun d’entre vous.

Cette année encore, je me joins à votre soirée de poésie en souvenir des victimes de la tragédie de la Polytechnique du 6 décembre 1989. L’année dernière, je vous avais invité à espérer sans cesse en dépit de toute réalité contraire. Une année vient de s’écouler et le défi demeure inchangé. En effet, le gouvernement canadien s’était engagé à détruire le registre des armes à feu. Il y est pratiquement parvenu. Cette année, le candidat à la chefferie du parti Libéral canadien, Justin Trudeau, par simple calcul politique, se défend bien de vouloir ressusciter le registre des armes à feu.

Allez demander aux victimes innocentes ce qu’elles en pensent. Cela est non seulement un affront, mais aussi une trahison de nos politiciens.

Ce soir, élevons le son de notre voix à l’exemple des étendards portés en tête de peloton.

Nos poèmes sont nos armes.

Elles sont la puissance de nos désirs.

Elles portent la signature de notre foi.

Oui! Sachons sans cesse espérer et croire en dépit de toute réalité contraire.

Bonne soirée,

Père Serge St-Arneault, Missionnaire d’Afrique

Lusaka, Zambie