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Commémoration de l’attentat à la Grande Mosquée de Québec, 29 janvier 2024

Par Serge St-Arneault, M.Afr

À vrai dire, Québec n’est pas si loin de Trois-Rivières. L’autoroute est dégagée comme en été et le trafic est modéré. Je suis en route vers la Grande Mosquée de Québec pour souligner la tuerie qui a eu lieu au même endroit en 2017. Mes pensées voguent entre ces nombreuses tragédies qui ont marqué pour toujours nos vies. Il m’apparaît très clairement que ma présence sur cette autoroute, ce déplacement, est la conséquence d’un triste événement imposé. Je regardais de nouveau la belle photo de ma soeur Annie en essayant d’imaginer ce que nous aurions vécu ensemble, en famille, si le féminicide à la Polytechnique de Montréal n’avait pas eu lieu en 1989.

Me voilà donc dans la mosquée. Je reconnais les lieux. Déjà, les journalistes pointent leurs micros vers le ministre fédéral Jean-Yves Duclos.

Puis, ma nièce Roxanne arrive avec Philippe, son amoureux, que j’ai la joie de présenter à Heidi Rathjen, coordonnatrice de PolySeSouvient. Sans trop tarder, la cérémonie commence. Nous sommes tous assis sur l’immense tapis moelleux qui couvre toute la pièce.

Un homme est assis à notre droite. Il reconnaît Heidi qui est à ma gauche. De toute évidence, ils se connaissent depuis longtemps. Étant au milieu, que faire de mieux que de m’introduire.

  • Bonsoir, je m’appelle Serge. Je suis venu ici en compagnie de Heidi au nom de PolySeSouvient. Je vous présente ma nièce Roxanne et son copain Philippe. C’est la première fois qu’ils viennent ici.
  • Enchanté. Je suis Bruno Marchand, maire de la ville de Québec.

Mariam et Sophie Marois, animatrices de la soirée, présentent le sens du rassemblement : La commémoration citoyenne de l’attentat à la Grande Mosquée de Québec de ce soir est un exercice de mémoire pour faire le point des sept dernières années et pour avancer ensemble.

Les animatrices invitent ensuite Édith Picard, aînée de la nation huronne-wendat de Wendake, à prendre la parole. Dans son mot de bienvenue, elle souhaite que la cérémonie soit pleine de quiétude. Ce ne sera pas tout à fait ce qui arrivera.

L’imam Mohamed Fouad récite ensuite quelques versets du Coran. Il chante en arabe. Sans être excessif, le son est amplifié dans une résonance semblable à un écho lointain, comme s’il s’agissait d’atteindre une immense foule. Pourtant, nous ne sommes qu’une centaine de personnes.

Puis, une minute de silence est respectée en mémoire de ceux qui ont perdu leur vie dans la même salle où a lieu le rassemblement : Ibrahima Barry, Mamadou Tanou Barry, Khaled Belkacemi, Aboubaker Thabti, Abdelkrim Hassane et Azzedine Soufiane.

Suite de la présentation de Mariam et Sophie Marois

Chaque vie humaine est sacrée, représentant une parcelle de l’humanité tout entière. Le deuil de chaque vie perdue est incommensurable. Mais, nous savons aussi qu’il y a des solidarités dans le deuil. Nous voulons les mettre de l’avant ce soir.

Cette solidarité qui nous accompagne depuis sept ans est une immense richesse ; avec les familles et les proches des victimes, entre les différentes confessions religieuses de la ville de Québec, avec la Nation huronne-wendat et les autres peuples autochtones des territoires voisins, avec l’École Polytechnique de Montréal, la communauté de London en Ontario, la synagogue de Pittsburgh aux États-Unis, la mosquée de Christchurch en Nouvelle-Zélande et d’autres. Nous soulignons la présence solidaire de Heidi Rathjen et Serge St-Arneault de PolySeSouvient. Merci d’être avec nous ce soir.

Boufeldja Benabdallah

Je commence à bien connaître Boufledja. Nous nous retrouvons régulièrement pour la cause du contrôle des armes à feu. Aussi, avec le Centre Canadien d’Œcuménisme dont nous sommes membres. Il a le verbe facile et il est bon communicateur. Il transmet ses convictions avec émotions comme dans un livre ouvert.

Il y a beaucoup de bienfaits dans ce monde et nous en remercions Dieu, dit-il. Mais les armes de guerre sont source de violence comme cela s’est produit dans cette mosquée. C’est important de se rappeler tout ça. Nous ne pleurons pas juste vainement. Nous pleurons pour nous rappeler ces moments importants. À travers cette tristesse qui nous a tous frappés, Dieu nous a conduits vers la joie. En effet, le lendemain de la tragédie du 29 janvier 2017, quinze mille personnes ont bravé le froid à moins de 40 degrés pour venir nous dire « nous sommes des vôtres, nous sommes avec vous, nous vous tenons ». Et la joie est née, la joie de ne pas se sentir tout seul, d’être accepté comme des citoyens à part entière.

Nous commémorons cette solidarité laïque et interconfessionnelle. Nous vivons au sein d’un peuple qui a la main sur le cœur et qui est compatissant. Nous ne l’avons jamais oublié. Nous avons, de notre côté, le devoir de mieux connaître l’histoire du Québec et de la comprendre pour devenir un partenaire à part entière. De même avec les peuples des Premières Nations. Nous avons la chance de vivre dans un magnifique pays. Nous n’oublierons jamais les appuis des autorités fédérales, provinciales et municipales. Nous n’oublions pas non plus la lutte de Heidi et de ses sœurs de PolySeSouvient qui ont lutté pendant plus de 32 ans pour faire reconnaître le féminicide de Polytechnique. Elles ont poussé jusqu’à l’adoption de la loi C-21 contre les armes de poings et les armes d’assaut. Bravo pour le travail de PolySeSouvient. Pour notre bien, elles ont donné de leur temps, gratuitement. C’est parce que nous aimons notre pays.

Je souligne la présence de Mona Abuamara, la représentante de la Palestine au Canada. On ne fait pas d’amalgame. Nous sommes solidaires de toutes les tristesses de ce monde. Nous disons qu’après ces tristesses, il nous faut des éclaircies et même des soleils pour transporter nos désirs vers des firmaments extraordinaires. Le peuple palestinien le mérite. De même que tout le Moyen-Orient. Les musulmans ne sont pas contre les Juifs. Ceux-ci forment un peuple tout comme nous. Pourquoi se déchirer entre peuples alors que notre seul désir est de bien vivre ensemble ?

Bruno Marchand, le seul politicien à avoir fait une allocution ce soir-là, à l’invitation des animatrices, doit enjamber mes deux jambes étalées sur le tapis. Je n’y peux rien, je suis incapable de m’assoir en petit bonhomme !

Existe-t-il une parole pour apaiser les cœurs, demande-t-il ? Nous ne cesserons jamais de la chercher !

Je suis convaincu qu’au-delà du mal qui ne cesse de progresser, il y a des hommes et des femmes qui s’activent. Boufeldja a eu raison de nommer Heidi qui se bat depuis des décennies pour s’assurer que ce qui se passe au sud de notre frontière ne se répète pas ici. Un combat de David contre Goliath. Ça, c’est l’action d’une femme de bien, avec Serge et avec les autres.

Un passage de l’écrivain St-Exupéry qui résume l’essentiel que nous devrions porter : « si tu diffères de moi, mon frère, ma sœur, loin de me léser, tu m’enrichis ». La Ville de Québec est riche de ses différences, de ses couleurs, riche de cette capacité à concevoir la vie différemment et continuer de vouloir développer ensemble quelque chose d’unique. Merci à chacun d’entre vous de nous enrichir.

Amira Elghawaby est alors invitée à prendre la parole. En tant que représentante spéciale pour la lutte contre l’islamophobie au Canada, elle se doit tout naturellement de faire son discours en anglais et en français. Son français d’ailleurs est très bon. Il me semble qu’une partie importante de son message prononcé en anglais n’aura aucun impact. D’ailleurs, les médias, du moins ceux que j’ai retracés, ne lui accordent aucune attention. Dommage ! Au sujet du lieu de culte de la mosquée, elle évoque ceci :

Places of worship are meant to represent sacred refuge from the stresses and harshness of the world beyond its walls, and yet, on January 29, 2017, the tranquility that was saw of this room was destroyed by hate, by Islamophobia. And now, we mark the passage of time, seven years since fear, ignorance, demonization, and violent extremism destroy the lives of so many families and shock our country to its very core. (…)

Our collective action has the power to make positive change and ensure that our rights, our freedoms are fully respected, and that we are safe everywhere and anywhere. Notre action collective a le pouvoir de véritablement changer la donne. Merci.

Traduction : Les lieux de culte sont censés représenter un refuge sacré contre le stress et la dureté du monde au-delà de ses murs, et pourtant, le 29 janvier 2017, la tranquillité qu’on y voyait a été détruite par la haine, par l’islamophobie. Et maintenant, nous marquons le passage du temps, sept ans depuis que la peur, l’ignorance, la diabolisation et l’extrémisme violent détruisent la vie de tant de familles et choquent notre pays jusqu’au cœur. (…)

Notre action collective a le pouvoir d’apporter des changements positifs et de garantir que nos droits et nos libertés soient pleinement respectés et que nous soyons en sécurité partout et en tout lieu. Notre action collective a le pouvoir de véritablement changer la donne. Merci.

Zineb Filali et Marjorie Sheyn, deux jeunes Québécoises, ont également pris la parole avec ferveur en insistant sur le respect des différences dans un monde pluraliste. Finalement, la poétesse Houmou Giro a terminé la soirée avec un poème engagé.

Qu’est-ce que les médias ont retenu de la soirée ?

Les médias, me semble-t-il, n’ont pas accordé beaucoup d’intérêt aux différents messages exprimés. Les cris d’un jeune homme proférés à l’endroit du ministre Jean-Yves Duclos ont été disproportionnellement étalés dans les médias. Cet incident a provoqué un grand malaise chez les organisateurs de la soirée. Au moins, ce n’était que des cris, pas des projectiles d’arme à feu !

Le message que je retiens

Je suis déçu que les beaux messages exprimés par les porte-paroles soient passés presque sous silence. Les tragédies bouleversent profondément nos vies. Nous nous retrouvons soudainement, malgré nous, à nous lancer sur de nouveaux et douloureux chemins. Mais, nous ne pleurons pas juste vainement. À travers cette tristesse qui nous a tous frappés, Dieu nous a conduits vers la joie. Ces paroles de Boufeldja sont prophétiques et réconfortantes. Et la joie est née, la joie de ne pas se sentir tout seul, d’être accepté comme des citoyens à part entière, ajoute-t-il.

À mes yeux, le traumatisme de l’ignoble assassinat de Jésus par les Romains reste vif dans la mémoire spirituelle des chrétiens. Une tragédie sans nom, incompréhensible. Pourtant, Jésus avait lui-même prédit que la joie emplirait les cœurs droits.

Nous sommes solidaires de toutes les tristesses de ce monde. Nous disons qu’après ces tristesses, il nous faut des éclaircies et même des soleils pour transporter nos désirs vers des firmaments extraordinaires. (Boufeldja)

Pour les chrétiens, la promesse de la résurrection est ce chemin menant vers ces éclaircies, vers ces soleils transformateurs de firmaments extraordinaires. Merci, Boufeldja, pour ton espérance radieuse, qu’Allah, ton Dieu, t’inspire au-delà du tragique. Notre combat est commun : vivre intensément le respect mutuel dans un vivre ensemble constructif. Notre vocation est commune : rendre grâce à Dieu pour tous ses bienfaits, source de joie profonde, au-delà des épreuves.

LIENS

Sept ans plus tard, Québec se souvient de la tuerie à la grande mosquée

Commémorations sur fond de tensions à Québec

Cérémonie tendue sept ans après la tuerie de la grande mosquée de Québec

Attentat à la grande mosquée de Québec : 7 ans plus tard, « c’est important de se rappeler »

Pour cette seconde commémoration à l’intérieur du lieu de culte où s’est produit l’attentat, les noms des victimes ont retenti sobrement.

Le Soleil : Coup d’éclat à la commémoration de la Grande Mosquée

Invitation – Commémoration du 29 janvier 2024 à Québec

À quelques reprises depuis 2018, j’ai participé aux commémorations de la tragédie du 29 janvier 2017. J’y retournerai cette année en solidarité avec la communauté musulmane de Québec et mon ami Boufeldja Benabdallah. Je vous invite tout particulièrement à suivre la cérémonie qui sera diffusée par internet sur leur page Facebook et leur chaine YouTube

Serge

Texte du Comité citoyen 29 janvier, je me souviens

Le 29 janvier prochain, nous commémorerons le septième anniversaire de l’attentat perpétré contre la Grande mosquée de Québec. Nous nous recueillerons au souvenir de Ibrahima Barry, Mamadou Tanou Barry, Khaled Belkacemi, Abdelkrim Hassane, Azzeddine Soufiane et Aboubaker Thabti, nos six concitoyens de confession musulmane dont la vie a été arrachée le soir du 29 janvier 2017. 

Le Comité citoyen 29 janvier, je me souviens et le Centre culturel islamique de Québec vous invitent à un moment de recueillement le 29 janvier 2024, dans la salle de prière de la Grande Mosquée, située au 2877 chemin Ste-Foy. Ce rassemblement commémoratif nous permettra d’honorer la mémoire des victimes, d’exprimer notre soutien aux survivants, aux familles et aux proches endeuillés, et de continuer à renforcer les solidarités qui nous unissent dans la lutte contre l’islamophobie, le racisme et la haine sous toutes ses formes. 

La cérémonie commencera à 18h et se terminera à 19h. Toute la cérémonie de commémoration sera retransmise en ligne, en direct, de manière à partager ce moment de paix, de recueillement et de solidarité. 

Tous les détails relatifs aux événements entourant la commémoration, incluant les journées de portes ouvertes du CCIQ, seront disponibles sur les réseaux sociaux de la Commémoration citoyenne de l’attentat de la Grande Mosquée de Québec et du et du Centre Culturel Islamique de Québec, ainsi que sur le site internet 29janvierjemesouviens.org.  

Nous vous rappelons que depuis 2021, le 29 janvier est la Journée nationale de commémoration de l’attentat à la mosquée de Québec et d’action contre l’islamophobie. 

Pour soutenir l’organisation de cet événement, nous vous encourageons vivement à : 

  • Diffuser les informations relatives à la commémoration dans vos réseaux; 
  • Inviter vos membres à se joindre à la commémoration sur place ou virtuellement;
  • Poursuivre votre engagement contre l’exclusion, le racisme et l’islamophobie.

Nous vous remercions de poursuivre ce devoir de mémoire et de continuer à vous mobiliser à nos côtés afin que cessent la haine et la violence.

Solidairement,

Le Comité citoyen 29 janvier, je me souviens et le Centre culturel islamique de Québec

LIENS :

TUERIE À LA MOSQUÉE DE QUÉBEC: UNE COMMÉMORATION SOUS LE SIGNE DE L’UNITÉ ET DE LA RÉFLEXION

CHAQUE PERSONNE EST UNE HISTOIRE SACRÉE.

RECUEILLEMENT SPIRITUEL EN MÉMOIRE DES VICTIMES DE L’ATTENTAT DE LA GRANDE MOSQUÉE DE QUÉBEC.

ANNIVERSAIRE DE L’ATTENTAT DE LA GRANDE MOSQUÉE: « J’AI ÉTÉ TRÈS IMPRESSIONNÉ »

« LE PLUS IMPORTANT, C’EST LA SOLIDARITÉ ». ENTREVUE AVEC AUDREY TREMBLAY.

Il y a urgence d’interdire les armes de poing au Canada

Boufeldja Benabdallah, Cofondateur et porte-parole du Centre culturel islamique de Québec,

Le Devoir, 29 janvier 2021

Le 29 janvier 2021, quatre années se seront écoulées depuis qu’un jeune homme a utilisé une arme de poing et cinq chargeurs de dix balles qu’il possédait légalement pour tuer six de nos frères, en blesser sévèrement cinq autres, dont un qui est devenu paraplégique, et traumatiser à vie 35 autres rescapés, dont trois enfants en plus des centaines de fidèles fréquentant la Grande Mosquée de Québec — le tout en moins de deux minutes.

Les libéraux ont depuis promis d’interdire les armes d’assaut et ont concrétisé cet engagement par une série de décrets annoncés en mai 2020. Nous reconnaissons ces efforts et en sommes très reconnaissants, bien que nous continuions d’exhorter le gouvernement à compléter l’interdiction et à l’enchâsser dans la loi, ainsi qu’à déployer un programme de rachat obligatoire qui retirera l’ensemble de ces armes de notre société.

Aujourd’hui cependant, le même pistolet et les mêmes chargeurs de dix balles utilisés à la mosquée demeurent tout aussi disponibles qu’en janvier 2017.

Pourtant, en 2015, le Parti libéral a été élu sur la base de la promesse de « débarrasser nos rues des armes de poing et des armes d’assaut ». Et en 2019, il a promis de « donner aux municipalités la capacité de restreindre ou d’interdire les armes de poing ». Bien que nous considérions des interdictions municipales comme étant extrêmement malavisées et préférions une interdiction pancanadienne (comme le souhaitent par ailleurs aussi 69 % des Canadiens), nous ne pouvons que déplorer l’absence totale de progrès législatif en lien avec les armes de poing.

Ventes en hausse

Faute d’une action de la part du gouvernement, le nombre d’armes de poing continue d’augmenter à des niveaux records. Selon les données gouvernementales, il y avait plus d’un million (1 054 164) d’armes de poing enregistrées au Canada en 2019. C’est environ 630 000 armes de plus qu’en 2012 (il y en avait alors 467 146).

En ce qui concerne l’année 2020, le manufacturier Glock a tout récemment déclaré que ses ventes de pistolets ont connu une augmentation sans précédent au Canada, et ce, grâce à la demande élevée pour le même modèle qui a été utilisé dans le cadre du massacre à notre mosquée, soit le pistolet G17 Gen 5, outre le plus petit modèle G19 Gen 4 fait spécialement pour s’adapter aux lois canadiennes.

En somme, le nombre d’armes de poing au Canada a plus que doublé dans les dix dernières années seulement.

Pourtant, les sondages montrent invariablement qu’environ 7 Canadiens sur 10 appuient l’interdiction des armes de poing. Nos concitoyens et concitoyennes reconnaissent, comme nous, les risques associés à la prolifération des armes de poing. Outre la catastrophe flagrante au sud de la frontière causée par l’accès facile à ce type d’armes, il est évident qu’il s’agit d’objets particulièrement dangereux, vu la facilité avec laquelle ils peuvent être dissimulés ainsi que la puissance de tir et les caractères militaires de certains modèles.

Les armes de poing sont le type d’armes à feu le plus souvent utilisé au Canada pour commettre des homicides, soit 57 % des 249 homicides par balles en 2018.

De nombreuses armes de poing utilisées dans des crimes arrivent illégalement des États-Unis, comme le pistolet Glock faisant partie de l’arsenal utilisé par le tireur en Nouvelle-Écosse en avril 2020. En même temps, de nombreuses armes sont volées à leurs propriétaires légaux, comme le Smith & Wesson M&P40 utilisé à Danforth en juillet 2018. En effet, entre 2001 et 2017, quelque 9000 armes de poing ont été volées à leurs propriétaires légaux, dont environ 1000 seulement ont été récupérées. Près de 8000 d’entre elles demeurent donc, par définition, entre les mains de criminels.

Il arrive aussi que ces armes soient achetées légalement par des intermédiaires puis vendues illégalement, ou qu’elles soient, comme dans notre cas, utilisées par leurs propriétaires légaux… D’où l’importance de combattre simultanément l’accès légal et l’accès illégal.

De plus, rien n’a été fait pour éliminer la disponibilité des chargeurs qui sont facilement modifiables pour contenir plus de balles que la limite légale. En plus des auteurs des tragédies à notre mosquée, à Moncton et au Métropolis à Montréal, l’homme qui a fait quatre morts, dont deux policiers, à Fredericton en 2018 avait aussi modifié son chargeur pour qu’il tire plus de balles que la limite légale.

Les chargeurs de dix balles ne servent pas à la chasse ni au tir sportif légitime, mais ils facilitent les tueries de masse. Pire, la loi encadrant les chargeurs est depuis longtemps devenue inadéquate, étant donné les échappatoires et les mauvaises interprétations qui ont vu le jour à travers les années. Il est temps de corriger ces failles et de limiter le nombre maximal de balles à cinq, sans exception, comme le veulent 71 % des Canadiens.

Nous applaudissons sans réserve les importantes avancées en matière de contrôle des armes mises en avant par le gouvernement libéral actuel. Cela dit, il ne nous est pas possible de passer sous silence la question criante des armes de poing : six ans après la première promesse des libéraux, quatre ans après la tuerie à notre mosquée, deux ans et demi après la tuerie à Danforth, rien n’a encore changé en ce qui concerne la disponibilité et la possession des armes de poing au Canada, pendant que leur nombre ne cesse de croître.

TUERIE À LA MOSQUÉE DE QUÉBEC: UNE COMMÉMORATION SOUS LE SIGNE DE L’UNITÉ ET DE LA RÉFLEXION

Tuerie à la mosquée de Québec: une commémoration sous le signe de l’unité et de la réflexion

Caroline Plante – La Presse canadienne à Québec, 30 janvier 2021

Plus de 600 personnes ont assisté en ligne vendredi à la commémoration du quatrième anniversaire de l’attentat à la grande mosquée de Québec qui a fait 6 morts et 19 blessés le 29 janvier 2017.

Ce soir-là, Mamadou Tanou Barry, Ibrahima Barry, Khaled Belkacemi, Abdelkrim Hassane, Azzedine Soufiane et Aboubaker Thabti sont tombés sous les balles. Ils ont laissé derrière eux 17 orphelins.

Vendredi, plusieurs personnalités ont pris la parole, dont la championne nationale de slam poésie Véronica Rioux, qui, en plus de se dire outrée du massacre à Québec, a rappelé la mort odieuse en 2020 de George Floyd aux États-Unis, et celle de Joyce Echaquan à l’hôpital de Joliette.

« C’est assez », a-t-elle lancé, découvrant ainsi le véritable thème de la soirée. « Hurlons à l’unisson que nous honnissons le racisme », s’est permis le maire de Québec, Régis Labeaume. « Décidons ensemble que toute forme d’intolérance, de racisme nous est collectivement interdite. »

« Notre population […] continuera à se métisser. Le racisme à Québec, c’est non, pas question. Le racisme, c’est assez », a tonné le maire. « C’est une journée pour se rappeler de ne jamais baisser la garde face à la haine », a ajouté le premier ministre François Legault dans un message préenregistré.

Entre deux discours, des versets du Coran et une minute de silence, des hommes blessés dans la tuerie à la grande mosquée sont venus rappeler toutes les séquelles physiques et psychologiques de la tragédie et dire que, comme la COVID-19, le racisme et l’islamophobie existent bel et bien.

« Je ne suis pas capable d’effacer les images, a témoigné Mohamed Khabar, qui a été atteint de deux balles le soir du 29 janvier 2017 et qui dit vivre avec la crainte que cela se reproduise. J’ai vu mes frères tomber […] et j’ai entendu les cris incroyables de frayeur des enfants qui étaient présents. »

Selon le président du Centre culturel islamique de Québec (CCIQ), Abderrahim Loukili, tant qu’on ne peut pas répondre avec assurance que oui, la communauté musulmane est à l’abri d’un autre drame, c’est qu’« il reste encore du travail à faire ».

Plus tôt en conférence de presse, une des organisatrices de la commémoration, Maryam Bessiri, a déclaré que l’événement se voulait un « appel à la réflexion […] de cette société inclusive qu’on veut mettre en place ». « C’est beaucoup plus qu’un devoir de mémoire », a-t-elle insisté.

À ses côtés, Sébastien Bouchard a déploré que le gouvernement du Québec n’ait toujours pas reconnu l’existence du racisme systémique et de l’islamophobie. Le cofondateur du CCIQ, Boufeldja Benabdallah, a prié M. Legault de sortir du « déni ».

LETTRE DE BOUFELDJA BENABDALLAH ADRESSÉE AU PREMIER MINISTRE DU CANADA

M. Bouchard a néanmoins souligné les mesures annoncées par Québec l’automne dernier afin de lutter contre le racisme. Il a dit espérer « que ces mesures se transformeront en actions concrètes ».

Une minute de silence à Ottawa

À Ottawa, le gouvernement fédéral de Justin Trudeau a officiellement décrété le 29 janvier comme Journée nationale de commémoration de l’attentat à la mosquée de Québec et d’action contre l’islamophobie.

« L’élimination de l’islamophobie est un pilier important de la stratégie canadienne de lutte contre le racisme », a déclaré M. Trudeau dans un communiqué diffusé vendredi pour marquer l’anniversaire de la tragédie.

En conférence de presse, il a eu ce message pour les familles des victimes, et pour tous les membres de la communauté musulmane : « Je sais que ça fait encore mal. Au nom de tous les Canadiens, on est solidaires avec vous. »

« Les commentaires racistes, les propos haineux, les insultes des trolls, la désinformation, que ce soit en ligne ou ailleurs, ont des conséquences réelles. Il faut en être conscient, et il faut continuer d’agir. »

La Chambre des communes a également tenu une minute de silence en hommage aux victimes.