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Discours du père Serge St-Arneault lors de l’inauguration de la bibliothèque « Annie St-Arneault »

Bibliothèque « Annie St-Arneault »

La Tuque, 19 septembre 2015

Monsieur Normand Beaudoin, Maire de Ville de La Tuque

Monsieur Luc Martel, Conseiller municipal

Conseillère et conseillers municipaux de Ville de La Tuque

Monsieur Alain Michaud, Bibliothécaire

Parents, amis, membres de ma communauté des Missionnaires d’Afrique

ainsi que de l’Association de famille Paul Bertrand dit St-Arnaud.

Distingués invités et visiteurs

Latuquoises et Latuquois

C’est une grande joie pour nous tous d’être ici aujourd’hui. Cela est particulièrement vrai pour mes parents Laurette et Bastien, ma sœur Lucie et mon frère Sylvain, ainsi que leurs conjoins Daniel et Guylaine et leurs enfants Roxanne, Vincent, Isabelle et Mathieu.

Nous nous préparons pour ce grand jour depuis le mois de mai alors que Monsieur Beaudoin adressait une lettre à mes parents leur demandant s’ils seraient d’accord à ce que Ville de La Tuque rende hommage à titre posthume à leur fille en nommant la bibliothèque municipale à son nom. Annie St-Arneault resterait ainsi gravée dans l’histoire de La Tuque et l’événement insensé qui lui a coûté la vie, jamais oublié. Mes parents n’ont pas tardé à donner leur accord avec le consentement unanime des enfants.

Ce grand hommage apporte un baume sur une douleur que nous ressentons encore 25 ans après la tragédie de la Polytechnique. Votre présence nombreuse, j’en suis persuadé, montre bien que vous partagez le même sentiment.

Dans l’un de ses témoignages en 2009, Laurette disait qu’Annie avait une personnalité unique. Elle était belle, vaillante et déterminée avec une soif d’apprendre en semant autour d’elle la joie et l’amour. Étudiante en sciences au CEGEP de Trois-Rivières, elle mettait beaucoup d’effort pour comprendre les formules mathématiques au lieu de simplement les apprendre par cœur. La bibliothèque municipale rebaptisée à son nom est donc un choix judicieux puisqu’il est un lieu de savoir, comme le soulignait Monsieur Luc Martel.

Annie avait de grands rêves qui resteront à jamais inachevés, dont celui de devenir ingénieure. À la surprise d’une de ses grandes amies, elle avait même envisagé de venir me rejoindre en Afrique. C’était là une autre manière pour elle de repousser les frontières de l’inconnu.

La bibliothèque qui portera désormais le nom de ma sœur est non seulement un geste public, mais également l’occasion d’affirmer l’égalité fondamentale entre nous tous : hommes et femmes engagés pour la promotion des droits universels de la personne.

La tuerie de 14 femmes à l’École Polytechnique de Montréal en 1989 est devenue une référence historique incontournable, certes tragique, mais également mobilisatrice dans nos luttes contre toute forme de discrimination et de violence. Heureux hasard, dans deux jours, soit le 21 septembre, l’Organisation des Nations Unies soulignera la Journée internationale de la paix où nous sommes conviés à exprimer notre solidarité avec les millions de personnes de par le monde qui sont touchées par les persécutions dévastatrices de la violence et des conflits.

Ici, dans notre société, les gains acquis pour un plus grand respect mutuel sont nombreux. Nous pouvons être fiers de qui nous sommes. Cette fierté a des racines profondes qui remontent à nos ancêtres qui ont prôné les valeurs de charité, d’égalité, de compassion et de solidarité dans un effort réel de lutter contre la pauvreté. Ce sont ces valeurs, au dire du sociologue Gérard Bouchard, prêchées par la religion catholique de nos aïeux, qui nous ont permis de devenir l’une des sociétés les plus égalitaires d’Amérique.

Annie s’exprimait par l’écriture. D’ailleurs, son recueil de poésie, intitulé Une parole pour traverser le temps, est ici à la bibliothèque. Dans un extrait du prologue de ce recueil, j’écrivais ceci :

« La rage abusive et meurtrière ne s’explique pas. L’intolérance s’acharne sur des cibles pour la simple raison d’être ce qu’elles sont : des femmes ou des enfants, des gens d’autres races ou de différentes idéologies et religions. Une fausse image de l’autre, exacerbée par une peur aveugle, semble être à l’origine de comportements aussi absurdes que tragiques, comme ce fut le cas le 6 décembre 1989. »

« Avec le passage du temps, à la lumière de l’Esprit de Jésus, nous cessons de nous ronger de l’intérieur et de faire souffrir nos proches avec notre douleur personnelle. Le cycle de la violence prend fin et nos cœurs brûlent de la présence invisible de ceux et celles qui nous ont quittés, comme il nous arrive de saisir un morceau de vie céleste en accueillant spirituellement la présence de Jésus au moment de la fraction du pain eucharistique. »

Annie est née à La Tuque, y a grandi, reçu son éducation, exprimé ses talents de comédienne, de musicienne et de scientifique. La bibliothèque municipale est à l’image de sa soif de connaissance. Il m’arrive parfois de faire un parallèle avec une autre jeune femme que vous connaissez bien; Malala Yousafzai, cette jeune Pakistanaise que des islamistes alliés à Al-Qaïda ont tenté d’assassiner en 2012. Le souhait de Malala est que toutes les filles, où qu’elles soient dans le monde, puissent avoir accès à l’éducation.

Aujourd’hui nous célébrons la courte vie d’une jeune et talentueuse femme  dont le nom est désormais associé à un édifice public dédié au savoir. Annie est devenue une source d’inspiration pour les jeunes femmes ainsi que les hommes qui rêvent d’un monde meilleur.

De retour d’Afrique pour mes vacances, je remercie de tout cœur les organisateurs de cet événement pour avoir patienté afin de me permettre d’être avec vous en ce moment.

Un merci spécial aussi à ma petite maman Laurette qui a été notre porte-parole dans les nombreux courriels échangés pour préparer l’inauguration de la bibliothèque « Annie St-Arneault ». Cela lui a fait revivre beaucoup d’émotion et a aussi accru sa fierté d’être la maman d’Annie.

Votre nombreuse présence est le gage de votre amitié, de votre amour et de votre fraternité. Certains d’entre vous venez d’aussi loin que Québec et Montréal. Nous vous remercions infiniment.

Plus spécialement, la population de La Tuque a toujours manifesté sa sympathie et son affection auprès de notre famille St-Arneault. Nous sommes et resterons toujours fiers d’être Latuquois.

Je termine avec ces quelques mots de maman qui ont été publiés dans le journal Le Nouvelliste au mois de décembre dernier : « Annie, tes rêves ne se réaliseront pas, tes poèmes resteront inachevés, mais notre amour pour toi durera toujours. Tu es notre étoile qui éclaire nos nuits, puisse ta joie de vivre nous inspirer toujours. »

 Père Serge St-Arneault, M.Afr, Missionnaire en Zambie

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La bibliothèque municipale rebaptisée « Annie St-Arneault »

Echo La Tuque Logo

Écho de La Tuque Haut-St-Maurice, mercredi 9 septembre 2015. Volume 78 No 35.

Michel Scarpino

Hommage. TC Media a appris que Ville de La Tuque s’apprête à rebaptiser sa bibliothèque municipale à la mémoire d’Annie St-Arneault, victime latuquoise de la tuerie de la Polytechnique du 6 décembre 1989.

La municipalité organisera une grande cérémonie, le 19 septembre prochain, au cours de laquelle la  bibliothèque municipale affichera son nouveau nom.

C’est le conseiller municipal Luc Martel qui a amené l’idée au conseil municipal, puisqu’Annie St-Arneault aspirait à un grand rêve : celui de devenir ingénieure.

« La bibliothèque est un lieu du savoir et de la connaissance, ça entre beaucoup dans ce qu’Annie St-Arneault souhaitait devenir » a expliqué M. Martel. Également, Annie St-Arneault appréciait beaucoup l’écriture.

Aussitôt apporté à la table du conseil, la proposition a été adaptée de façon unanime par les élus. Également et plus que tout, soulignait M. Martel, « il y a le fait que la violence faite aux femmes ne sera jamais acceptable et il faut s’en rappeler. »

La bibliothèque municipale de La Tuque rebaptisée

© Photo TC Média-Michel Scarpino, Bibliothèque municipale

Par Michel Scarpino       Publié le 01 septembre 2015

TC Média a appris que Ville de La Tuque s’apprête à rebaptiser sa bibliothèque municipale.

Le bâtiment sera renommé à la mémoire d’Annie St-Arneault, victime Latuquoise de la tuerie de la polytechnique du 6 décembre 1989. La municipalité organisera une grande cérémonie, le 19 septembre prochain, au cours de laquelle la bibliothèque municipale arborera son nouveau nom.

C’est le conseiller municipal Luc Martel qui a amené l’idée au conseil municipal, puisqu’Annie St-Arneault aspirait à un grand rêve : celui de devenir ingénieure.

«La bibliothèque est un lieu du savoir et de la connaissance, ça entre beaucoup dans ce qu’Annie St-Arneault voulait devenir», a expliqué M. Martel. Également, Annie St-Arneault appréciait beaucoup l’écriture.

Aussitôt apportée à la table du conseil, la proposition a été acceptée de façon unanime par les élus. Également et plus que tout, soulignait M. Martel, «il y a le fait que la violence faite aux femmes ne sera jamais acceptable et il faut s’en rappeler».

La famille d’Annie St-Arneault s’est dite enchantée de la proposition de Ville de La Tuque. Toute la population pourra d’ailleurs assister à cette inauguration.

Annie et Lucie, 25 ans plus tard

ISABELLE LÉGARÉ
Le Nouvelliste

(Trois-Rivières) Le soir du 6 décembre 1989, Lucie St-Arneault a appelé sa soeur Annie comme elle avait l’habitude de le faire chaque semaine. Lucie, 21 ans, venait de terminer ses études au Cégep de Trois-Rivières alors qu’Annie, 23 ans, poursuivait les siennes à l’École polytechnique, à Montréal.

«Qu’est-ce qui se passe dans ta vie?» Leurs conversations démarraient toujours avec cette question en apparence anodine. Les deux complices pouvaient y répondre en dix minutes ou, lorsqu’elles se laissaient aller à la confidence, raccrocher au bout d’une heure.

Vingt-cinq ans après la tuerie de l'École polytechnique, Lucie St-Arneault parle avec tendresse de sa soeur Annie. Elle accepte de plonger dans ses souvenirs avec l'espoir qu'on n'oublie jamais les quatorze jeunes femmes qui y ont laissé leur vie. PHOTO: STÉPHANE LESSARD
Vingt-cinq ans après la tuerie de l’École polytechnique, Lucie St-Arneault parle avec tendresse de sa soeur Annie. Elle accepte de plonger dans ses souvenirs avec l’espoir qu’on n’oublie jamais les quatorze jeunes femmes qui y ont laissé leur vie.
PHOTO: STÉPHANE LESSARD

Lucie n’a pas réussi à joindre Annie ce soir-là. Ni après. Plus jamais en fait. Depuis 25 ans, elle est condamnée au silence à perpétuité de sa soeur aînée dont la voix, le rire, les conseils et la poésie lui manquent toujours aussi cruellement.

C’est la première fois que Lucie St-Arneault accepte de parler publiquement du drame qui a frappé sa famille. Le 6 décembre 1989, sa soeur Annie était dans la classe où Marc Lépine est entré, a séparé les femmes des hommes, a déversé sa haine envers les féministes et a fait feu sur des étudiantes qui avaient l’avenir devant elles.

Originaire de La Tuque, Annie St-Arneault est au nombre des 14 victimes, toutes des femmes, de ce qui est devenu dans notre mémoire collective la tuerie de Polytechnique. Elle en était à sa quatrième et dernière année d’études en génie mécanique.

Annie est la troisième des quatre enfants de Bastien St-Arneault et de Laurette Perron, maintenant établis à Trois-Rivières. Le 6 décembre 1989, ils savaient leur fille en classe à l’heure fatidique. Pendant des heures, ses parents ont attendu désespérément son appel.

Lucie aussi. Frappée d’un sentiment d’impuissance et d’incrédulité, la plus jeune des St-Arneault était blottie dans son appartement de Trois-Rivières, les yeux rivés sur son téléviseur qui retransmettait les images d’un véritable cauchemar.

Pendant que son grand frère Sylvain faisait la tournée des hôpitaux de Montréal, à la recherche d’Annie dont tout le monde était sans nouvelle, Lucie s’accrochait à l’espoir que son aînée avait eu le temps de se mettre à l’abri. Annie allait rappliquer auprès des siens aussitôt que possible.

L’annonce de sa mort est venue durant la nuit. Le choc a été aussi violent que le geste de folie d’un homme envers 14 femmes. Vingt-cinq ans se sont écoulés, mais force est d’admettre que la douleur d’une telle déchirure ne peut jamais disparaître.

«Plus jeunes, on se ressemblait beaucoup toutes les deux. On nous confondait souvent. À l’école surtout. Je me faisais appeler Annie…», se remémore Lucie St-Arneault en retenant difficilement les larmes qui coulent à la seule évocation du prénom de sa grande soeur adorée.

Dans sa maison du secteur Pointe-du-Lac, Mme St-Arneault revient sur ce deuil avec lequel il faut apprendre à vivre malgré les cérémonies commémoratives et les reportages. D’année en année, on revient sur cette tragédie qui soulèvera toujours des pourquoi.

«C’est sûr que ça fait mal. Parfois, je voudrais qu’on arrête de m’en parler, mais en même temps, il ne faut pas oublier. Il faut continuer d’en parler. La violence faite aux femmes est encore très d’actualité», souligne-t-elle avant d’exprimer sa reconnaissance envers les gens qui ont une pensée pour les femmes qui ont laissé leur vie à Polytechnique.

Au lendemain du drame, Lucie St-Arneault admet avoir traversé une période de révolte et de repli. On ne pouvait pas comprendre sa souffrance à moins de l’avoir vécue. Cette réaction s’est adoucie avec le temps et la force tranquille de son conjoint des 25 dernières années, Daniel Viviers.

«Il a eu le temps de connaître Annie», se réjouit-elle en ajoutant que les membres de la famille St-Arneault ont toujours été très unis dans les épreuves comme dans les moments de joie.

Il arrive que durant la période des Fêtes, Lucie lève son verre à sa grande soeur. Chaque fois, l’émotion la gagne et elle devine, dans le regard embué de sa mère vieillissante, qu’il en sera probablement toujours ainsi.

«On se comprend sans se parler», dit-elle simplement.

«J’aurais aimé que ma soeur et ma fille se connaissent»

Publié le 05 décembre 2014 dans le journal Le Nouvelliste.

ISABELLE LÉGARÉ
Le Nouvelliste

(Trois-Rivières) Lucie St-Arneault s’accroche aux beautés de la vie qui se révèlent même après un drame comme celui de Polytechnique. Parmi elles, l’attachement qui réunit ses parents et ceux d’Anne-Marie Edward.

Leur amitié a pris naissance au lendemain des funérailles communes qui ont été célébrées à la basilique Notre-Dame de Montréal pour neuf des quatorze femmes assassinées.

Les St-Arneault ont été invités au chalet des Edward qui, à leur tour, ont visité leurs amis latuquois. Ensemble, ils pouvaient se consoler de la mort d’Annie et d’Anne-Marie. Ensemble, ils pouvaient essayer d’apprendre à vivre sans leur fille.

Contrairement à son père qui a exprimé le besoin de voir le film Polytechnique, Lucie s’est refusée de plonger au coeur d’une histoire fondée sur les faits réels de la tuerie.

«Je me dis souvent qu’un jour, je serai prête. Si des gens ont pris la peine de faire un film sur Polytechnique, c’est parce qu’ils ont probablement été touchés», ose croire la mère de Vincent, 17 ans, et de Roxanne, 14 ans.

L’an dernier, son fils a eu la délicatesse de l’informer qu’on allait lui présenter ce film en classe. Le garçon a demandé et obtenu la permission de sa mère qui ajoute, comme pour s’excuser d’essuyer de nouveau ses larmes: «Avec mes enfants, je suis capable de parler d’Annie sans pleurer.»

À travers le récit de leur mère, les deux adolescents ont découvert une femme dont la grandeur d’âme était impressionnante, témoigne Lucie St-Arneault avec admiration.

Inspirée par son frère Serge, missionnaire d’Afrique, la future ingénieure envisageait d’aller le rejoindre pour vivre l’expérience de l’aide humanitaire.

Au dire de sa soeur, Annie prenait naturellement la défense des laissés-pour-compte de la société. Artiste et poète, la jeune femme avait tous les talents, dont celui d’aimer et de se faire aimer.

«La petite aussi est comme ça», fait remarquer Lucie dont le visage s’illumine en parlant de sa fille Roxanne. Il lui semble qu’à travers elle se dévoile la bonté d’Annie. «Peut-être que je force ça aussi…», sourit tristement la dame avant de laisser tomber: «J’aurais tellement aimé que ma fille et ma soeur se connaissent.»

Bien avant d’être elle-même une maman, Lucie St-Arneault a ressenti un mélange de tristesse et d’empathie pour Monique Lépine, la mère du tueur.

«Il n’y a pas beaucoup de monde qui ressent de la compassion pour cette femme. Son fils s’est suicidé et a amené des gens avec lui. Ça doit être terriblement difficile pour une mère de vivre ça», se permet-elle de rappeler sans juger, comme l’aurait sans doute fait Annie.

Accepter. Pardonner… Lorsque notre grande soeur nous a été arrachée alors qu’on avait tant à lui raconter, ce sont des mots qu’on ne prononce pas sans mourir un peu aussi.

À l’instar de ses parents, Lucie St-Arneault est croyante. Ses pas la guident parfois jusqu’à l’église où, inévitablement, la prière du Notre Père est récitée. «(…) Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés…»

Vingt-cinq ans après le drame de Polytechnique, elle ne peut plus répéter cette parole comme avant, machinalement. Il lui arrive d’interrompre son appel. «J’ai beaucoup de difficulté à dire cette phrase. Souvent, je la saute… Je ne peux pas la dire si je n’y crois pas. Mais en même temps, ce n’est pas correct. Il faut que je pardonne. Il faut…», murmure celle qui a grandi, comme Annie, à poursuivre sa route en aimant son prochain.

Bouleversée et bouleversante, Lucie St-Arneault est une victime collatérale de la tragédie de Polytechnique. Le 6 décembre 1989, elle a perdu sa soeur, sa belle et grande amie. Vingt-cinq ans plus tard, il n’y a pas une journée où elle n’y pense pas.

Conservation du registre des armes armes à feu

Question de Gabriel Deliste du journal Le Nouvelliste, Trois-Rivières :

Au sujet de la décision de la Cour supérieure du Québec qui donne raison au Québec qui demande la conservation du registre des armes à feu malgré qu’Ottawa ait manifesté son intention de le détruire, crois-tu que la raison l’emporte sur des considérations idéologiques?

Réponse :

Bonjour Gabriel,
Oui, je suis content. Seulement, comment puis-je répondre à ta question? Ce n’est pas facile. Je me rappelle simplement que Harper a récemment invité Brian Mulroney pour lui demander conseil à la veille des élections provinciales qui laissaient déjà présagé un nouveau gouvernement péquiste. Stephen Harper n’est pas sans réaliser qu’il a perdu la confiance des Québécois. Il forme un gouvernement majoritaire sans l’appui du Québec.

La destruction des données du registre des armes à feu est perçue par une majorité de Québécois comme un affront, un manque de considération et de respect. Pourquoi s’acharner à détruire des registres qui ont été financés par tous les Canadiens alors que ces mêmes données peuvent être utilisées par les provinces canadiennes qui désirent les conserver? Cette destruction est un abus de pouvoir. Le projet de commission canadienne des valeurs mobilières en est un autre exemple.

Est-ce que la raison l’emporte sur les considérations idéologiques? Du côté du juge Blanchard, la raison semble en effet l’emporter. Par contre, cela n’est pas le cas du côté du gouvernement fédéral qui s’attriste de la décision de la Cour. Contrairement à leur affirmation, je ne crois pas que les Conservateurs ont été élus à cause de cette promesse électorale, du moins au Québec. Leur faible nombre de député en est la preuve.

Notre Premier Ministre Canadien fait face à un choix. Il peut décider de s’acharner avec sa vision idéologique. J’ose espérer qu’il fera preuve de sagesse en reconnaissant qu’un tel acharnement politique est contraire au bien commun. L’exercice du pouvoir est avant tout, ou devrait être, l’expression d’un leadership de service. Le défi est d’équilibrer en justice ce leadership en tenant compte de la diversité des provinces canadiennes.

La culture de l’arme à feu dénoncée

Publié le 23 juillet 2012 à 09h36

Photo: La Presse

Gabriel Delisle, Le Nouvelliste

(Trois-Rivières) Les nouvelles vont vite en 2012. Particulièrement de tragédies qui se propagent à la vitesse de l’éclair sur Internet et les réseaux sociaux. Serge St-Arneault, le frère d’Annie St-Arneault, une des victimes de la tragédie de la Polytechnique, a été très touché par cet autre drame lorsqu’il a appris de l’Afrique qu’un autre tireur fou avait sévi. Aujourd’hui prêtre missionnaire d’Afrique, il dénonce de la Zambie, d’où il œuvre depuis plusieurs années, la culture et le culte de l’arme à feu encore et toujours très présent aux États-Unis.

Serge St-Arneault avait déjà exprimé des réflexions au sujet du droit constitutionnel américain de posséder une arme à feu dans son livre Rivière de diamants.

Après ce qui vient de se passer au Colorado, il dénonce encore une fois le droit fondamental de porter une arme qui est, selon lui, basé sur des considérations historiques qui ne tiennent plus en 2012, plus de 200 ans après la ratification de la constitution américaine.

« Je conteste l’interprétation courante que ce droit soit inscrit comme un droit absolu, injustement interprété par la Nationale Rifle Association (NRA) américaine. Ce droit n’était valable qu’au moment de la création de milices pour assurer la sécurité d’État au moment de la guerre d’indépendance américaine », exprime-t-il deux jours après la fusillade d’Aurora.

« Or, cette urgence historique n’est plus une réalité puisque les États-Unis possèdent la plus forte armée au monde. Il s’agit d’une déformation abusive de l’histoire pour le compte d’un groupe, la NRA, qui impose son idéologie de terreur. La logique est simple: plus il y a d’armes à feu légalement accessible sur le marché, plus il y a de victimes innocentes», estime le prêtre missionnaire qui précise que «toutes les armes à feu utilisées par le «fou» au cinéma du Colorado étaient des armes achetées légalement ».

Serge St-Arneault a longtemps réfléchi sur les évènements de 1989 qui ont coûté la vie à sa sœur Annie ainsi qu’à ses treize compagnes de l’école Polytechnique.

Il a cherché longtemps à comprendre les motivations profondes du geste de Marc Lépine. Le prêtre estime que le tueur d’Aurora vivait lui aussi dans un délire.

« Le fou du cinéma du Colorado vivait dans un délire associé au pouvoir héroïque de Batman. Il a cherché à détruire une image qui l’effrayait, celle de sa propre haine contre ceux et celles qui ne le comprenaient pas. À son insu, il a défiguré le visage de l’humanité où chaque personne est une histoire sacrée. »

Tuerie dans un cinéma au Colorado

Le printemps chrétien

Je suis arrivé à Lusaka il y a déjà un mois. Je commence à m’habituer à la conduite automobile dans cette grande et moderne ville. Comme nouveau secrétaire provincial, je contribue modestement à développer un sens d’appartenance et d’unité entre les confrères vivants dans quatre pays : l’Afrique du Sud, le Mozambique, le Malawi et la Zambie.

Aujourd’hui, je vous partage un texte que j’ai composé il y a quelques mois à la demande de Jasmine Johnson pour le journal de l’Église de Trois-Rivières. Ça sent déjà le printemps! 

Le printemps chrétien

L’année 2011 a été marquée par le printemps arabe qui a bouleversé l’échiquier politique et social de nombreux pays musulmans situés en Afrique du Nord et au Proche-Orient. La surprise a été totale. Les dictatures corrompues sont tombées pour laisser émerger à la fois une grande espérance, mais aussi beaucoup de violence meurtrière. C’est le prix à payer. Il s’agit d’un sacrifice douloureux que le peuple a accepté de relever, sans vraiment en connaître les conséquences réelles.

Trop longtemps mâté par l’oppression, le cri de la révolte s’est projeté dans toutes les directions laissant émerger l’héroïsme d’un peuple aux mains nues, affrontant un pouvoir répressif sanguinaire. Là se cache la puissance du désir de liberté. Cette aspiration profonde est un don de Dieu accordé à ses enfants que nous sommes. Jésus lui-même nous propose sans cesse de rechercher la véritable libération; celle de l’oppression causée par le manque d’amour et de justice, par le péché et le mal, par la souffrance et la peur.

Le printemps arabe est avant tout une revendication citoyenne. À cet égard, nos frères et sœurs chrétiens de ces pays se rallient à la cause sociale du mouvement arabe. Au cœur de ce conflit, ces chrétiens deviennent des témoins du sacrifice radical de Jésus-Christ qui offre sa vie par amour pour tous les humains. Pour eux comme pour nous, le défi est d’espérer et de croire en dépit de toute réalité contraire.

Le printemps arabe ne se confine pas au monde arabe. Ce printemps nous appartient à nous aussi dans la mesure où il représente le combat que nous devons rejoindre nous-mêmes pour affronter les injustices sociales. À cet égard, à la suite de la crise du système financier international affectant des millions de citoyens, le mouvement de contestation amorcé à New York et dans d’autres villes américaines ou ailleurs, ainsi que tout l’effort déployé depuis de nombreuses années dans les associations de revendications sociales, auquel s’associe étroitement l’organisation catholique Justice & Paix, tout cela nous permet d’espérer et de croire en dépit de toute réalité contraire.

Celui qui nous donne l’exemple est celui-là même qui a su espérer et croire au-delà de la souffrance et de la mort. Jésus est le prototype de tous les printemps de contestation au nom de la véritable liberté qui est avant tout d’ordre spirituel. La crucifixion fut le prix que Jésus a dû payer pour que le printemps de l’humanité se mette en marche vers la Vie éternelle. Jésus n’a pas oublié les réalités terrestres. Il a guéri les malades. Il a dénoncé les marchands du temple de Jérusalem ainsi que la corruption des pharisiens.

Mais ultimement, Jésus pointe sans cesse vers le chemin de son Royaume qui n’est pas de ce monde. Malgré deux mille ans d’existence, le printemps chrétien ne fait que commencer et se poursuit en dépit de toute réalité contraire.

La mémoire d’Annie St-Arneault toujours vivante à La Tuque

Serge St-Arneault a publié en septembre dernier un recueil de poèmes de sa soeur Annie. Des textes qu’elle a écrits à l’adolescence et lors de ses études à Montréal. Une jeune Latuquoise de 11 ans, Annabelle Harvey, a lu hier Les fleurs un poème qu’Annie a écrit à l’âge de 11 ans.

La mémoire d’Annie St-Arneault
toujours vivante à La Tuque

GABRIEL DELISLE, Le Nouvelliste, 7 décembre 2011

Annie St-Arneault était bien vivante hier soir à La Tuque, 22 ans après son assassinat avec ses treize compagnes à l’École Polytechnique de Montréal. Un vibrant et touchant hommage lui a été rendu par les membres de sa famille au Complexe culturel Félix-Leclerc de La Tuque, dans cette ville qui l’a vu naître.

Justine Perron, la tante d’Annie St-Arneault, a lu un texte que sa sœur, Laurette Perron-St-Arneault, a écrit en souvenir de sa fille assassinée il y a 22 ans à quelques jours seulement de la fin de ses études. Annie s’apprêtait à amorcer sa carrière d’ingénieur. Mais ses rêves, ses aspirations et sa vie ont été anéantis par un tueur nourri par la haine des femmes.

«Le 6 décembre me laisse le souvenir d’un drame qui a bouleversé nos vies. L’épreuve est si grande que lui donner un sens exige une grande foi. Le danger est de refuser cette épreuve dans un repli de colère ou de révolte», a écrit Laurette Perron-St-Arneault, la mère d’Annie St-Arneault, qui n’a pu, pour des raisons de santé, faire le trajet qui sépare Trois-Rivières de La Tuque. Digne et émue, sa sœur Justine a lu pour elle le texte qu’elle a écrit en l’honneur de sa fille.

«La tragédie de la Polytechnique a suscité chez moi des réactions de peur et de vide. L’absence de ma fille a été très difficile à surmonter et demeure encore une profonde blessure nourrie par des périodes de solitude, de silences et de réflexions», ajoute une mère toujours dans le deuil d’une fille qui a connu une vie trop courte.

«Malgré mes doutes, j’ai toujours eu la certitude d’une présence qui m’accompagnait et qui me permettait de voir les beautés de la vie et la bonté des personnes. Je me suis laissée aimer pour mieux apprivoiser ma peine et mon deuil.»

La mémoire d’Annie St-Arneault est toujours bien présente pour ses parents. «Je l’imagine parfois venir me visiter avec un mari aimant, avec trois ou quatre merveilleux enfants qui nous embrassent tendrement», avoue sa mère.

«Gardons espoir que le sacrifice d’Annie et de ses treize compagnes permettra de changer les cœurs. Ces femmes ont su relever les défis de leur époque avec courage, suivons leur exemple et souvenons-nous toujours d’elles.»

Le frère d’Annie, Serge St-Arneault, est retourné cet automne remplir sa mission de prête au Malawi. Il a toutefois envoyé un témoignage audio dans lequel il rappelait que la tragédie qui a emporté sa soeur est toujours d’actualité.

«Il faut commémorer ce qui est arrivé en 1986. Le drame est toujours d’actualité et soulève encore les passions comme c’est le cas avec le projet de loi du gouvernement conservateur d’abolir le registre des armes à feu», souligne le prêtre qui célébrait ironiquement hier, le 6 décembre, le 25e anniversaire de son ordination diaconale.

Serge St-Arneault a publié en septembre dernier un recueil de poèmes de sa soeur Annie. Des textes qu’elle a écrits à l’adolescence et lors de ses études à Montréal. Une jeune Latuquoise de 11 ans, Annabelle Harvey, a lu hier Les fleurs un poème qu’Annie a écrit à l’âge de 11 ans.

«Annie, tes rêves ne se réaliseront pas ici bas et tes poèmes resteront inachevés, mais mon amour pour toi durera toujours», a précisé la mère de l’étudiante assassinée le 6 décembre 1989.

Une soixantaine de personnes ont assisté à la cérémonie d’hier soir où quatorze chandelles ont été allumées à la mémoire des jeunes femmes victimes du drame de la Polytechnique.

Elles ont été portées et déposées sur les tables par des femmes participant à la soirée littéraire. Soirée qui a eu lieu le 6 décembre comme l’avait suggéré en septembre Serge St-Arneault qui souhaitait que cela devienne un rendez-vous littéraire annuel.

Quelques adolescents de l’école secondaire Champagnat ont aussi participé à la soirée d’hier. Les étudiants ont lu des textes sur l’amour, la peine, la culture autochtone et l’intimidation.

Justine Lavoie était parmi ceux-ci. Victime d’intimidation à l’école, l’adolescente de 13 ans a choisi les mots comme armes de dénonciation avec son texte Ça fait mal.«

Comme un joueur qui encaisse, l’intimidation fait de même. Comme un boxeur qui encaisse et encaisse sans arrêt, mais un jour, il est mis K.O. La seule chose sur laquelle il doit compter, c’est le courage et la dignité. Il doit se battre jusqu’à risquer sa propre vie. Son âme est déchaînée. Il ne peut plus se concentrer. Il faut qu’il agisse au plus vite! Faites attention à ce que vous dites. Ça pourrait être blessant pour autrui! L’intimidation, ça fait mal», a témoigné devant l’assemblée Justine Lavoie.

Sachez espérer et croire en dépit de toute réalité contraire.

Texte envoyé du Malawi par Serge St-Arneault pour la soirée de poésie en l’honneur d’Annie St-Arneault.

Bonsoir à vous tous qui êtes réunis pour cette soirée de récital de poésie.

En effet, ce soir, vous et moi, nous sommes unis dans un même élan du cœur malgré la distance qui nous sépare. Du Malawi, j’ai la chance de vous adresser ces quelques mots grâce à la magie d’Internet.

Je suis très heureux de savoir que cette soirée suscite un grand intérêt et que vous y répondez en grand nombre.

Certes, ce soir, nous commémorons la tragédie de la Polytechnique du 6 décembre 1989. Ce drame est toujours d’actualité et occasionne encore beaucoup de passion, comme c’est maintenant le cas avec le projet de loi du gouvernement fédéral pour l’abolition du registre des armes à feu. À cela, je dis qu’il faut espérer et croire en dépit de toute réalité contraire.

Des drames, il y en a partout, ici en Afrique comme à La Tuque. Mais le drame le plus destructeur est la perte d’espérance. Au-delà des blessures physiques et morales, il y a cette certitude que nous ne sommes pas seuls à surmonter la haine et la violence.

Avec le temps et en portant mon regard sur la croix du Jésus, je comprends que seul le pardon en profondeur peut nous guérir. Oui, nous sommes tous invités à espérer et à croire en dépit de toute réalité contraire.

Le 6 décembre, surtout celui-ci, est aussi pour moi une occasion de réjouissance. En effet, c’est le 6 décembre 1986 que j’ai reçu l’ordination diaconale à Londres des mains du cardinal Basil Hume.

Cela fait donc 25 ans. Aujourd’hui, je partage avec vous ce jubilé en vous disant combien je vous aime et suis reconnaissant auprès de toute la population de La Tuque, parents et amis, pour le soutien que vous m’avez accordé tout au long de ces années. Que le Seigneur vous bénisse!

Au-delà de tous les drames,

Au-delà de toutes les misères du monde,

Au-delà des violences et de la haine,

Sachez espérer et croire en dépit de toute réalité contraire.

Serge St-Arneault, M.Afr