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Chaque personne est une histoire sacrée.

Par Serge St-Arneault, M.Afr

J’ai grandi à La Tuque qui était et demeure très majoritairement francophone. Tout ce que je connaissais des Anglais, à l’époque, était le nom de la rue Beckler, située près de l’usine de papier. Une fois adulte, j’ai poursuivi mes études en anthropologie à Londres, en Angleterre, pendant plus de deux ans. J’ai tout aimé de ce pays. Je m’y sentais bien. J’en suis presque tombé amoureux. Les perceptions changent avec le temps, c’est documenté!

Que dire de l’Afrique? Dans mon cœur d’enfant, ce vaste continent se résumait au célèbre acteur Tarzan. J’aurais voulu être fort comme Tarzan. Comble de mon malheur, en me regardant dans le miroir, je réalisais que je ressemblais davantage à Cheetah, la guenon de Tarzan, qu’à Tarzan lui-même. Mais, ça, c’est un autre problème.

Pendant une dizaine d’années, je me suis laissé humanisé en vivant chez les Indru du Congo de la région de l’Ituri. J’ai découvert chez cette population un esprit combatif et fier qui a fait naître en moi un autre homme. J’ai appris leur langue, quelques-unes de leurs coutumes. Avec mes confrères missionnaires, je suis demeuré avec eux pendant la guerre qui a sévi au début des années 90. J’ai définitivement quitté ce beau pays en 1996 en y laissant une part de mon cœur.

Le plus beau compliment que j’ai reçu le jour de mon départ est celui d’une grand-maman qui m’a dit publiquement que la seule chose qui me manquait était la couleur de la peau. Nos regards s’étaient transformés. Nos différences raciales et culturelles n’avaient plus aucune importance. Il y avait entre nous une forme de communion.

Douloureux souvenir de la tragédie de Poly

Ce n’est pas ce qui s’est passé dans le cœur de Marc Lépine il y a 30 ans. L’image qu’il avait de lui-même et des femmes s’est figée dans un bloc d’étanchéité. La fausse perception de son monde imaginaire s’est comme givrée dans la haine ou le ressentiment. Dans son délire, il a voulu détruire une idole qui l’effrayait. À son insu, il a plutôt défiguré le visage de l’humanité où chaque personne est une histoire sacrée.

Indéniablement, chaque être humain est une histoire sacrée à respecter, peu importe son origine raciale, culturelle ou ses croyances. Nous ne formons qu’une seule famille humaine, la famille de Dieu. En effet, nous sommes tous et toutes les enfants d’un même créateur. L’amour de ce Dieu est le même pour tout le monde. Ça aussi, c’est documenté!

Soirée commémorative à Québec le 29 janvier 2020

À l’invitation du comité citoyen composé de plus de 50 bénévoles, je représentais avec Heidi Rathjen le regroupement PolySeSouvient. Nous nous sommes adressés brièvement aux 300 convives qui s’étaient rassemblés dans l’église Saint-Mathieu de Québec transformée pour l’occasion en une grande salle de convives pour souligner la 3e commémoration du drame de la mosquée de Québec.

Plusieurs représentants de marques figuraient sur la liste des orateurs : le grand chef de la nation huronne-wendat Konrad Sioui, François Legault, Régis Labeaume, l’imam de la Mosquée de la Capitale Abderrahim Qaq et l’actuel président du Centre culturel islamique de Québec Boufeldja Benabdallah.   

Plusieurs autres personnalités étaient également présentes dont Manon Massé et le chef du Nouveau Parti démocratique Jagmeet Singh avec lequel je me suis entretenu brièvement au côté du rappeur Webster.

Il y avait aussi des représentants des autres confessions religieuses : l’évêque catholique auxiliaire Marc Pelchat, l’évêque anglican Bruce Myers, le recteur de la cathédrale de la Sainte-Trinité, Christian Schreiner ainsi que le président de la communauté juive de Québec et cofondateur d’Unité Québec, David Weiser.

Le curé de la paroisse Notre-Dame-de-Foy, Bernard Duquette, a accueilli la foule en soulignant le caractère très symbolique et significatif de cette commémoration; une tragédie survenue dans une mosquée, mais commémorée dans une église. Dans la soirée, le chant de l’imam a retenti en arabe. Qui aurait prédit qu’un clerc musulman chante une prière inspirée du coran dans une église catholique? Je me réjouissais d’admirer cette scène qui se déroulait dessous la statue du Christ glorieux aux bras ouverts. Très symbolique!

Il y a eu aussi à manger pour tout le monde; repas d’inspiration africaine, arabe et québécoise. Malgré le tragique de la commémoration, un esprit de fête transcendait l’événement. Pour un instant, gens de confessions et de diverses provenances puisaient un réconfort dans des discours inspirants et à saveur politiques tout en partageant un réel repas. Plus qu’un symbole, ce soir-là, l’Église a rassemblé tous les enfants de Dieu sous un même toit. C’est maintenant documenté!