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« Le plus important, c’est la solidarité ». Entrevue avec Audrey Tremblay.

AUDREY TREMBLAY, Le Nouvelliste

La Tuque — Lundi, ce sera le triste anniversaire de la tuerie au Centre culturel islamique de Québec. Serge St-Arneault, qui a perdu sa sœur Annie lors de la tragédie de l’école Polytechnique, se rendra à Québec avec des membres de Poly se souvient en soutien aux victimes et aux survivants. Le Latuquois se rappelle les moments difficiles qui suivent un tel drame.

«Les gens de la mosquée de Québec étaient présents avec nous lors de notre dernière conférence de presse (sur le contrôle des armes à feu). On va maintenant à Québec en solidarité avec eux», a confirmé M. St-Arneault.

Ce dernier indique toutefois que leur intention première n’est pas d’aller militer pour le contrôle des armes à feu. «Ça devient un peu secondaire. Le plus important, c’est la solidarité, les marques de soutien aux familles éprouvées, c’est ça l’enjeu important», a-t-il indiqué.

Serge St-Arneault se souvient, malgré le temps qui a passé, des premières années qui ont suivi le drame de la Polytechnique. «Chez nous, dans notre famille, je crois qu’il a fallu huit ans avant de commencer à en parler entre nous à la maison. Se souvenir d’Annie, de prononcer son nom… C’est comme si on avait été paralysés un petit peu à l’intérieur de la famille tellement le traumatisme a été profond. Pour les autres, je ne sais pas. La difficulté c’est que c’est à la fois un drame privé et un drame collectif. Ce n’est plus la tragédie d’une famille, ça devient beaucoup plus large. Et ça, ça nous dépasse», a-t-il confié.

Dans une lettre d’opinion publiée dans nos pages, Serge St-Arneault exprime certains souhaits, notamment, que les gens se sortent du danger d’association et qu’on se serve des tragédies personnelles et collectives pour «nous élever vers quelque chose de mieux».

«Tolérance et respect mutuel, c’est dans ce sens qu’on doit aller et viser plus haut dans cette direction-là […] On a tous déjà vécu une tragédie, petite, moyenne ou grande. On a tous les mêmes sentiments, les mêmes impressions, les mêmes peines. Les tragédies comme celle de la polytechnique ou de la mosquée font resurgir nos drames personnels. Ça fait mal. Est-ce qu’on peut ensemble se solidariser autour de ces événements et grandir dans une prise de conscience de notre humanité profonde? Nous sommes tous humains, on porte tous la même humanité.»

Serge St-Arneault souhaite beaucoup de courage aux survivants et aux familles des victimes pour traverser cette épreuve.

«Courage, courage, courage. Ils en font déjà preuve. […] Ils méritent aussi le respect. Il y a des gens qui veulent vivre leur deuil de façon plus personnelle, moins publique. C’est un droit et on doit le respecter», a-t-il conclu.

Sournoise culpabilisation par association

Par Serge St-Arneault, prêtre missionnaire catholique.

Je suis le frère d’Annie St-Arneault, l’une des victimes de la tragédie de la Polytechnique de Montréal du 6 décembre 1989. Cet évènement a non seulement changé ma vie, mais il s’est aussi inscrit dans l’imaginaire collectif des québécois d’une manière indélébile, un peu comme un traumatisme collectif.

Ruger Mini-14

Triste souvenir, Publié le 6 décembre 2015 par Joan Boudreau

Le débat autour du contrôle des armes à feu a pris son envol à la suite de cette tragédie. Le jeune meurtrier a utilisé une arme semi-automatique, un Ruger Mini-14, pour assassiner ma sœur Annie et treize autres femmes sous le seul prétexte d’être des femmes qui aspiraient à pratiquer des professions historiquement attribuées aux hommes. Il rageait contre ces féministes qui bafouaient son identité masculine.

À juste titre, toutes les femmes se sont senties menacées et les hommes sont devenus, par ricochet, des victimes en développant une forme de culpabilisation par association. C’est comme s’ils partageaient inconsciemment une aura de violence consécutive aux actes de brutalité commis par l’un d’entre eux.

Tout comme Marc Lépine blâmait les féministes, Alexandre Bissonnette, présumé tireur de la Grande Mosquée de Québec en janvier 2017, a laissé des messages haineux contre les musulmans. Pourquoi les Québécois auraient-ils à se sentir coupables par association pour le geste qu’un des leurs a posé en assassinant injustement des musulmans honnêtes et socialement intégrés dans la société québécoise ? Pas plus, les musulmans n’ont à se culpabiliser par association à cause de la haine propagée par des extrémistes musulmans qui ne vivent même pas au Québec. Dangereuse association également que celle d’identifier tous les prêtres catholiques à des pédophiles.

À bien y penser, homme ou femme, nous sommes tous victimes par association de la violence insensée perpétrée par des individus qui abusent de leur pouvoir, quel qu’il soit; arme à feu pour les plus sanglants ou par intimidation, fureur, rage, agressivité verbale, brutalité, maltraitance, molestation, viols et abus de confiance.

Pourtant, nos tragédies personnelles et collectives peuvent malgré tout devenir des tremplins pour nous élever vers quelque chose de mieux dans la mesure où nous nous engageons à dénoncer toutes les formes de violence et d’abus, quel que soit le milieu ou l’endroit. Souvent, la victime porte le fardeau de la culpabilité. La dénonciation, c’est-à-dire la prise de parole, libère d’un poids trop longtemps enfermé dans les cœurs. N’est-ce pas ce que nous observons avec le mouvement de témoignage sur le harcèlement sexuel #MoiAussi – #MeToo ou encore avec l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées ?

C’est ma prière que les hommes apprennent à exprimer ouvertement leur peine et leurs sentiments lors des commémorations contre la violence faite aux femmes. C’est aussi ma prière que les croyants chrétiens, musulmans, ou de toute autre religion, ne portent plus le fardeau d’actes violents commis par quelques-uns et qu’ensemble on se mobilise contre le fanatisme. Et enfin, plus près de moi, c’est ma prière que les prêtres cessent de subir par association une condamnation justifiée qui s’adresse uniquement aux pédophiles cléricaux.

Nous sommes tous et toutes des êtres fragilisés par nos blessures corporelles, émotionnelles et psychologiques. Ma dernière prière est que nous puissions trouver des lieux d’échange pour soulager cette sournoise culpabilisation par association qui empoisonne nos mémoires personnelles et collectives. Alors que la violence trouve sa racine dans les peurs et les non-dits, le chemin de la paix repose sur la confiance mutuelle.

La tuerie du 6 décembre 1989, tout comme celle du 29 janvier à Québec, a été commise par l’utilisation d’une arme à feu.  Il semble donc pertinent de dénoncer tous les visages sous lesquels se profile l’intolérance, incluant l’islamophobie.

Autre lien; journal Le Soleil de Québec.

Autre lien : Huffington Post