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Jeudi Saint 2021, de ma chambre à Montréal

Par Serge St-Arneault

LETTRE DU MALAWI, VENDREDI SAINT, Mua, 10 avril 2009

— Être prêtre, c‘est mystérieux!

C’est avec ces simples mots que Yolande, mon arrière petite-cousine, m’a souhaité le bonjour ce matin. Hier, nous étions allés ensemble avec ma mère au village de Msamala à environ 20 km de Mua. La fête du Jeudi Saint est toujours empreinte d’un cachet particulier et cela s’est manifesté brillamment à Msamala.

Lavement des pieds, chapelle de Msamala, Malawi, 2009

Les jeunes adolescents avaient installé trois ampoules alimentées par une batterie de voiture. Les douze disciples bien alignés en face de l’autel s’harmonisaient bien avec les jeunes filles et les mamans qui dirigeaient les chants et danses selon la progression de la liturgie. L’Évangile fut acté en utilisant une cuvette d’eau et la gourde traditionnelle au moment du lavement des pieds.

La pénombre du soir enveloppait doucement les gestes et paroles créant une douce attention. Rien de dramatique, aucun soubresaut, seulement la retenue du silence pour goûter l’essentiel des mots de Jésus : Voici mon corps! Voici mon sang! Paroles réactualisées en ce soir de pleine lune.

Yolande et Laurette, ma petite maman, n’ont rien compris de la langue Chichéwa mais ont su vibrer au rythme de ce chœur collectif.

— J‘ai vécu une soirée extraordinaire, de dire ma petite maman. Je n’ai jamais rien vu de tel de toute ma vie.

Yolande et Laurette, 2009

Yolande et mamans ont arrivées au Malawi le 26 mars 2009 pour vivre ensemble un mois de découverte au Malawi. C’est la plus belle saison de l’année. Les pluies ont cessé. La nature demeure encore verte. Les récoltes sont bonnes. Que demander de mieux ?

Récemment, neuf jeunes Africains venant de la Zambie, du Mozambique et du Malawi ont suivi un cours s’échelonnant pendant trois jours, offerts par mon confrère Claude Boucher, directeur du centre culturel Kungoni, sur la culture des Achéwa. Ces jeunes ont entrepris leur première année de formation à Balaka en vue de devenir eux aussi des Missionnaires d’Afrique. Yolande a suivi ce cours avec eux. Elle en est revenue toute changée, à la limite de la panique.

— C‘est extraordinaire! Si je regarde l‘évolution de notre société occidentale, je me rends compte que nous avons évolué de la même manière que les Chéwa.

— Évidemment! Tout commence par l‘observation des phénomènes physiologiques, biologiques et de la nature. Puisque nous sommes tous des êtres humains, l‘observation est très semblable même si les interprétations diffèrent. Tout compte fait, tout se rejoint!

Yolande, professeure de mathématique à la retraite, est bien à l’aise dans le monde rationnel. La réalité africaine, tel que nous la connaissons dans notre brousse de Mua, nous force en quelque sorte à sortir de nos sécurités intellectuelles. Le monde n’est pas seulement ce qui est observable.

La réalité est fluctuante selon l’angle d’approche. Elle est énigmatique par le constant questionnement qu’elle impose. La réalité des ‘choses’ est souvent aussi ‘réelle’ que le monde des ‘esprits’, c’est-à-dire inexplicable. Aucun scientifique n’a encore réussi à déterminer la composition de la lumière si ce n’est de dire que c’est à la fois une particule et une onde. Sans savoir quoi, nous savons pourtant qu’elle ‘existe’. Ne la voyons-nous pas? Ne la sentons-nous pas?

Et Dieu! Existe-t-il? Et la vie après la mort? Et les esprits, bons ou mauvais? Et l’amour humain ou divin ? Tout est vrai et tout est faux. Il y a tout et il n’y a rien. La réalité est-elle quelque ‘chose’? Le spirituel est-il autre ‘chose’?

Moi, je crois que Jésus a transformé, nous disons aussi recréé, le monde. Cela n’est possible que par l’Amour, qui est lui aussi indéfinissable. Ce que je sais ‘irrationnellement’, mais ‘réellement’, grâce à mon expérience humaine de l’Amour, est que je suis libéré de toute peur en ce monde et dans l’autre, quel qu’il puisse être, par Celui qui a sacrifié sa vie librement pour que nous soyons éternellement vivants. Jésus a vaincu la mort. Il est ressuscité.

Jeudi Saint, 1er avril 2021

Vous avez compris que le texte que vous avez lu plus haut remonte à 2009. Cela fait exactement 12 ans. Il a été publié en 2011 dans mon livre intitulé; « Rivière de diamants ».

Serge, Jacques et Yolande, 2009

Je ne sais pas trop pourquoi, mais, ce soir, je suis triste. Emmuré par les mesures préventives contre la Covid-19, je suis nostalgique en me remémorant cet épisode vécu avec ma mère, Laurette Perron, et Yolande St-Arneault. Maman et moi, nous nous ennuyons de l’absence de Yolande depuis son décès survenu le 27 mars 2014, à l’âge de 72 ans. J’étais présent avec Jacques, son mari, à Sainte-Thérèse, au nord de Montréal, lorsque Yolande, atteinte d’un cancer, nous a quittés.

« Être prêtre, c‘est mystérieux! » m’avait-elle dit. Je le pense encore sans pour cela m’empêcher de me questionner sur le sens du sacerdoce ministériel, ici au Québec. Tout comme la majorité de mes confrères, je n’exerce pas ou peu de ministères sacramentels. En effet, les églises sont pratiquement fermées depuis un an. Oui, je suis nostalgique de ces moments exceptionnels vécus dans la brousse africaine, celle du Congo comme celle du Malawi.

Le serviteur, par Sakanako, Mua.

Je nous invite à saisir l’opportunité qui nous est offerte en ces temps de pandémie pour exercer le ministère sacerdotal commun offert à tous les baptisés. Le vrai sens de ce ministère est celui du SERVICE. Tous les gestes serviables que nous donnons, prêtres ou laïcs, sont d’ordre ministériel lorsque nous le vivons à la manière de Jésus, bien loin du pouvoir directif ou oppressif.

Gardons les yeux fixés sur Jésus; « Celui qui a sacrifié sa vie librement pour que nous soyons éternellement vivants ».

Christ – The African Victor, by James Samikwa

J’aime mon journal Le Nouvelliste

OPINIONS / Enfant, je me rappelle que mes parents étaient abonnés au Soleil de Québec. Nous habitions alors à Saint-Adelphe. Jeune adulte, Le Nouvelliste a ensuite pris le relais dans notre village. Dès cette époque, je me passionnais d’une page de roman publié quotidiennement. J’ai pris soin de découper ces extraits de romans pour les lire à un moment plus opportun.

Par Laurette Perron, Trois-Rivières

Depuis notre déménagement à La Tuque en 1956, je n’ai jamais manqué un numéro du Nouvelliste. En fait, je lis le journal d’un bout à l’autre soit le matin en buvant mon café ou en fin de soirée. J’apprécie avant tout les nouvelles locales, même les nouvelles sportives.

J’aime aussi chercher les huit erreurs entre les deux dessins en apparence identiques dans la section divertissement, lire les bandes dessinées, jeter un coup d’œil à la nécrologie et surtout lire attentivement l’éditorial du jour. C’est devenu une façon de vivre à laquelle je suis attachée.

Je suis donc fidèle au journal depuis très longtemps, au-delà de 70 ans. Je tiens avant tout à l’édition papier. Je ne me sens pas à l’aise avec l’idée de lire Le Nouvelliste sur une tablette numérique. J’espère donc que le journal me restera autant fidèle que moi pour lui. Tiens! On dirait presque une relation amoureuse!

Un grand merci au journal Le Nouvelliste pour son professionnalisme et j’oserais dire aussi sa courtoisie. J’en ai personnellement fait l’expérience lorsque des articles ont été publiés lors de mes voyages en Afrique. Je souligne aussi la délicatesse entourant les nombreux reportages et témoignages liés à la tragédie de la Polytechnique du 6 décembre 1989. Ma grande fille Annie St-Arneault a été l’une des quatorze victimes de ce drame. Cela fera trente ans au mois de décembre prochain.

Je porte une admiration particulière à l’éditorialiste Martin Francoeur. Je souligne aussi les beaux articles signés par Brigitte Trahan qui était notre voisine sur la rue Corbeil à La Tuque lorsqu’elle était enfant. Que dire aussi de Marc Rochette qui a exprimé tant de tendresse à toute ma famille, particulièrement à mon fils Serge, missionnaire en Afrique. Depuis les deux dernières années, Audrey Tremblay a publié plusieurs entrevues au sujet de nos efforts pour un meilleur contrôle des armes à feu au Canada.

Je m’ennuie par contre des articles de David Goudreault qui n’apparaissent, généralement, qu’une fois par mois. Mais ça, je le sais, ça ne dépend pas du journal. Oh! J’allais oublier. J’ai finalement lu mes pages de romans que j’avais minutieusement conservés dans ma jeunesse. Il n’est jamais trop tard. Je les ai laissés au Malawi, en Afrique, lors d’un voyage en 2009.

Nul doute que vous devinerez que je souhaite lire Le Nouvelliste encore longtemps.

Laurette, une femme et une petite maman extraordinaire.

Toute notre attention s’est tournée vers mon papa depuis un mois. Le médecin avait déclaré que ses jours étaient comptés. Son état était très critique. Et puis, comme vous le savez maintenant, il a retrouvé suffisamment de force pour être admis dans une résidence adaptée à ses besoins de santé. Tout compte fait, cela s’est déroulé rondement.

Mon papa Bastien est encore à s’adapter à son nouveau milieu. Il le fait avec toute la détermination qu’on lui connaît.  Évidemment, les repas n’ont pas aussi bon goût que ceux préparés par maman. Pour Laurette aussi c’est une nouvelle organisation de vie qui s’annonce. « Il n’y a pas beaucoup de couples qui se séparent après 62 ans de mariage », blaguait papa.

Maman, je le constate encore une fois, est d’une générosité sans borne. Nous, les enfants, avons invité tant d’amis et copines à la maison à La Tuque. Elle a accueilli chacun avec plaisir et elle a préparé de nombreux mets pour plaire à tout le monde. Cuisiner, elle connaît ça! Cinq minutes de repos et elle était prête à recommencer.

Mais ces jours-ci, c’est un peu différent. « Je me sens fatiguée. J’ai besoin de me reposer » nous dit-elle souvent. Il est évident que tous ces événements, les jours qui ont précédés l’hospitalisation de papa, les pronostics alarmants, les changements de propriété de la voiture et autres paperasses, la recherche d’une résidence, les va et viens et le stress ont exigés beaucoup de ses forces. Elle a dû puiser dans ses réserves mais « je vais bientôt  aller mieux», nous dit-elle. « Et puis, je ne serai pas la seule à vivre seule en appartement » ajoute-t-elle. La confiance, avant tout! Confiance pour Bastien, confiance pour elle-même. Bravo petite maman! Tu es un modèle pour nous tous.

Ce n’est pas sans un pincement au cœur que je retourne en Zambie. Je m’envolerai samedi soir le 7 mai. Il est difficile de quitter. Je rends grâce au Seigneur pour tout l’amour, les marques d’attention et les prières, par centaines, qui ont fusé de partout sur Facebook et par courriels. Nous, la famille de Bastien et Laurette, nous sommes tous très touchés par cette amitié sans frontières. Je tiens à dire un merci particulier à mon ami Gervais Dumais qui, toujours disponible et souriant, nous a aidés pour le déménagement des meubles de chambre de papa. Merci aussi à mon amie Danielle Paradis pour sa présence attentive et sa tendresse indéfectible. Ensemble, nous faisons partie d’une seule et même famille, celle de Dieu. Nous sommes ses enfants.

Merci Laurette, merci Bastien pour votre courage. J’ai été choyé de pouvoir partager avec vous ces moments si intenses pendant un mois entier. Voilà. Maintenant je suis prêt pour ce départ, on m’attend à Lusaka!

Père Serge St-Arneault, Missionnaire d’Afrique en Zambie