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LE QUÉBEC A-T-IL ENCORE BESOIN DE LEADERS SPIRITUELS ?

Alexandrina Diac

Alexandrina Diac, Directrice générale – Fondation du Grand Séminaire de Montréal.

Dans une société où les repères collectifs se recomposent et où la sécularisation s’est durablement installée, la question semble légitime, mais elle en soulève une autre, plus fondamentale : qui accompagne encore l’humain dans ses moments de fracture, d’angoisse, de recherche de sens ?

Chaque jour, loin du tumulte médiatique, des hommes et des femmes se tiennent aux côtés de ceux que nos systèmes échappent : malades, détenus, jeunes en difficultés, familles à bout de souffle, personnes seules, en errance, immigrantes, en fin de vie. Ils n’apportent pas de solutions miracle, mais une présence attentive, une parole apaisante, une écoute vraie. Ils tissent des liens là où il n’y a presque plus rien. Cela est un acte social. Cela aussi est du leadership.

La sociologue Hartmut Rosa, dans sa théorie de la résonance[1], affirme que ce qui sauve l’être humain du désespoir n’est ni la maîtrise technique, ni l’accumulation de biens, mais la capacité à entrer en relation vivante avec le monde, avec d’autres êtres, des expériences, des voix qui répondent. Les leaders spirituels, dans leur diversité, sont porteurs de cette capacité relationnelle : ils créent des espaces de résonance dans un monde souvent muet.

Le philosophe canadien Charles Taylor, dans son ouvrage majeur L’Âge séculier[2], explique que malgré la sécularisation, la quête de sens reste une dimension fondamentale de l’existence humaine. Cette quête, loin de s’effacer, se transforme et appelle à des formes nouvelles d’accompagnement, d’écoute et de présence. C’est précisément ce rôle que jouent les leaders spirituels, en offrant des espaces où les individus peuvent retrouver un horizon d’espérance et de solidarité.

Le Québec n’est pas étranger à cette réalité. Depuis les débuts de la Nouvelle-France, notre société s’est façonnée autour de leaders spirituels, femmes et hommes qui ont mis leur vie au service du bien commun. Pensons à Jeanne Mance, fondatrice de l’Hôtel-Dieu, à Monseigneur François de Laval, défenseur des peuples autochtones, à Marie de l’Incarnation et Marguerite Bourgeoys, éducatrices infatigables, à Marguerite d’Youville, pionnière des soins aux exclus, et à Émilie Gamelin, qui consacra sa vie à l’aide aux plus démunis. Plus près de nous, le frère André, humble portier devenu symbole de compassion, Monseigneur Ignace Bourget, bâtisseur d’institutions sociales.

Ils n’étaient pas parfaits et leurs actions n’étaient pas que religieuses : elles étaient profondément humaines et sociales. Ce qu’ils ont transmis, ce sont des gestes de soin, de courage, d’attention, des gestes qui ont donné forme à un Québec où l’accueil, l’inclusion et l’entraide sont encore perçus comme des repères fondamentaux.

Aujourd’hui, ce tissu se fragilise. La solitude grandit, la santé mentale vacille, le dialogue se fragmente. Et pourtant, près d’un adulte sur trois affirme être en quête de sens, selon un récent sondage publié par Le Verbe[3]. Le besoin d’accompagnement, de communauté, de repères n’a pas disparu : il s’est déplacé, rendu plus urgent par le vide laissé par les anciennes structures.

Les œuvres de bienfaisance et organismes communautaires, souvent portés par ces mêmes valeurs, contribuent puissamment à notre équilibre collectif. Au Québec, ce secteur a un impact concret sur la santé, l’éducation, l’environnement, la justice sociale et même les enjeux liés à l’utilisation éthique des technologies. Leur dynamisme repose sur des personnes formées à dépasser les intérêts individuels pour penser et servir le bien commun, avec discernement et lucidité face aux défis complexes de notre époque.

Voilà pourquoi les lieux de formation portés par des valeurs d’écoute, de justice, de compassion et de paix sont essentiels. Non pour préserver des systèmes dépassés, mais pour nourrir les consciences, accompagner les vocations humaines et offrir à la société des leaders capables de répondre avec profondeur à la détresse contemporaine.

Le Grand Séminaire de Montréal est l’un de ces lieux rares où se prépare, dans la discrétion mais avec une portée profonde, l’avenir spirituel et humain de notre société. Par sa mission de former des leaders enracinés dans la foi et ouverts aux réalités actuelles, il façonne des hommes et des femmes capables d’écouter, de discerner et d’agir avec justesse dans un monde en pleine transformation. Il ne s’agit pas de recréer un passé révolu, mais de faire vivre, avec lucidité et courage, les repères moraux et sociaux qui soutiennent notre vivre-ensemble.

Le Québec change, c’est un fait, mais si nous voulons qu’il demeure un lieu d’accueil, de paix, de justice et de solidarité, nous devons continuer de soutenir celles et ceux qui, dans le silence et la constance, aident les autres à tenir debout.

[1] Hartmut Rosa, Résonance : Une sociologie de la relation au monde, Édition La Découverte E, 2018

[2] Charles Taylor, L’Âge séculierÉdition Boréal, 2011

[3] La quête de sens au sein de la population québécoise, Le Verbe, Leger, 2024

LIEN :

L’héritage chrétien au Québec : un trésor à préserver pour les générations futures

Alexandrina Diac

Alexandrina Diac, MBA, Directrice générale, Fondation du Grand Séminaire de Montréal

Cet été, j’ai eu l’occasion de parcourir notre magnifique province, découvrant ainsi l’ampleur et la richesse de son patrimoine historique et culturel. Ce qui m’a particulièrement touchée, au-delà des paysages époustouflants, c’est la beauté des édifices religieux qu’on retrouve autant dans les petits villages que dans les grandes métropoles.

Je me souviens particulièrement d’une visite à la basilique Sainte-Anne-de-Beaupré, où, en contemplant les vitraux scintillants, je ne pouvais m’empêcher de penser aux générations de visiteurs qui ont trouvé réconfort et inspiration dans ce lieu. Des trésors inestimables comme la Basilique-Cathédrale Notre-Dame de Québec, l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal, la Cathédrale Saint-Michel de Sherbrooke, le musée des Ursulines et tant d’autres, incarnent un héritage précieux. Chacun de ces lieux offre un patrimoine spirituel et culturel qui continue de nous fasciner même aujourd’hui.

À l’heure où le Québec se redéfinit dans un monde en constante évolution, il est essentiel de se pencher sur les racines profondes qui ont façonné notre identité collective. Face à une perte progressive de repères culturels, il devient crucial de réfléchir à l’importance de préserver notre héritage chrétien. Dans ce contexte, cette préservation me paraît non seulement comme un devoir, mais comme une nécessité pour garantir un avenir harmonieux et éclairé pour notre société.

Force est d’admettre que la société québécoise moderne est profondément enracinée dans la tradition catholique qui a nourri un écosystème riche et diversifié au fil des siècles. Ces racines ont produit des fruits significatifs dans des domaines essentiels tels que l’éducation, la santé, la culture, la politique, l’économie et la bienfaisance. Depuis ses débuts, l’Église catholique a fourni des leaders inspirants qui ont marqué tous les aspects de notre société, contribuant ainsi à son développement et à son identité.

Des figures visionnaires telles que François de Laval, Marguerite Bourgeoys et Marie de l’Incarnation ont joué un rôle central dans la fondation de nombreuses écoles, collèges et universités, influençant durablement notre système éducatif et les valeurs morales des Québécois.es. Ces établissements ont formé et inspiré des personnalités publiques marquantes comme Jean Chrétien, George-Étienne Cartier, Henri Bourassa, René Lévesque, Pierre Elliott Trudeau et Jean Charest, pour n’en citer que quelques-unes.

En outre, les ordres religieux ont apporté une contribution significative non seulement au système de santé du Québec, mais aussi aux services sociaux. Ils ont établi, géré et financé de nombreux hôpitaux, cliniques et institutions de soins, tout en soutenant divers services sociaux tels que les œuvres de charité, les programmes de soutien familial et les initiatives communautaires visant à aider les plus vulnérables.

Nos magnifiques églises et cathédrales, en plus de représenter un patrimoine culturel inestimable, constituent aujourd’hui des pôles d’attraction pour les pèlerins et les touristes, jouant ainsi un rôle crucial dans l’économie locale.

Bien que le nombre de pratiquants ait diminué, environ 6,2 millions de Québécois.es, soit 70 % de la population, se déclarent catholiques. Aujourd’hui encore, l’Église catholique du Québec, à travers ses 18 diocèses et plus de 900 paroisses, continue de jouer un rôle essentiel dans divers secteurs, notamment l’éducation, la santé et ses diverses œuvres caritatives. Ces institutions comblent les lacunes des services publics, créent des emplois et contribuent de manière significative au bien-être de notre société.

En ce qui me concerne, j’estime que l’éducation demeure un élément central de cet héritage à préserver.  Depuis 1840, le Grand Séminaire de l’Archidiocèse de Montréal (GSAM) est le pilier de la formation des leaders catholiques, que ce soit les nombreux prêtres qui y ont fait leurs études ou plus récemment les différent.e.s intervenant.e.s communautaires intéressé.e.s par les cours universitaires qui y sont offerts. En restant attentive aux évolutions de notre société, cette institution continue de se moderniser et de former des personnes inspirantes qui incarnent des valeurs fondamentales comme l’amour, la paix, l’équité et l’accueil. En préparant ces futurs leaders à s’engager activement pour le bien commun, le GSAM joue un rôle crucial dans la construction d’une société québécoise juste, harmonieuse et responsable.

Il est de notre responsabilité de préserver et de promouvoir les institutions qui œuvrent pour sauvegarder cet héritage précieux tout en étant attentifs aux défis contemporains, afin que les valeurs et les contributions des leaders catholiques continuent d’enrichir notre société pour l’épanouissement des générations à venir.

40e anniversaire de la Fondation du Grand Séminaire de Montréal

Des experts se penchent sur les défis de l’Église lors d’un panel offert dans le cadre du 40e anniversaire de la Fondation du Grand Séminaire de Montréal

La Fondation du Grand Séminaire de Montréal a célébré un moment historique le samedi 4 mai 2024 en commémorant son 40e anniversaire avec un panel d’experts éminents. Sous le thème « En Église, à la rencontre des défis contemporains », cet événement a été une opportunité unique de réflexion et de dialogue. Le panel a captivé un public diversifié d’environ 50 personnes, témoignant ainsi de l’intérêt croissant pour ces questions cruciales.

Yves Guérette, Ellen Roderick, Guy Guindon et Édouard Shatov

Montréal, le 9 mai 2024

La Fondation du Grand Séminaire de Montréal a commémoré son 40e anniversaire avec un panel d’experts réunis le samedi 4 mai 2024. Sous le thème « En Église, à la rencontre des défis contemporains », Ellen Roderick, Yves Guérette, Guy Guindon et Édouard Shatov ont abordé différentes pistes de réflexion, le tout animé par Francis Denis.

L’événement a réuni un public diversifié d’environ 50 personnes, témoignant d’un intérêt certain pour l’exploration des enjeux pressants auxquels fait face l’Église et la société. Le panel, qui s’est tenu au Grand Séminaire de l’Archidiocèse de Montréal, a fourni une tribune pour un dialogue engageant et des réflexions éclairantes sur la manière de naviguer dans les complexités des défis contemporains en Église.

« Ce panel incarne très bien l’esprit de la mission de notre fondation au cours des quatre dernières décennies, celle de composer avec les défis de chaque époque afin d’assurer une formation actualisée et de qualité à tous nos leaders catholiques d’aujourd’hui et de demain, explique Alexandrina Diac, directrice générale de la Fondation du Grand Séminaire de Montréal. Ce moment de partage et de discussion nous a donné l’opportunité de remercier nos donateurs et donatrices pour leur fidèle appui au fil des ans, lequel nous permet d’assurer la pérennité d’une institution plus que nécessaire pour notre Église et notre société. »

Ellen Roderick[1], directrice du Centre diocésain pour le mariage, la vie et la famille, à l’archidiocèse de Montréal, a débuté en faisant un retour sur les fondements théologiques et anthropologiques sur la quête de sens et la vie chrétienne, mettant de l’avant la centralité de la famille et l’importance de considérer les parents comme premiers missionnaires.

De son côté, Yves Guérette[2], professeur à la Faculté de sciences religieuses à l’Université Laval, a pris la parole de façon convaincante afin d’aborder le sujet de la conversion missionnaire de l’Église dans le cadre de ce changement d’époque, permettant également à l’auditoire de mieux faire la distinction entre prosélytisme et mission.

Guy Guindon[3], recteur du Grand Séminaire de l’Archidiocèse de Montréal a poursuivi en parlant de la formation des leaders catholiques dans une dynamique missionnaire et de l’importance de voir les défis actuels comme des opportunités.

Édouard Shatov[4], directeur du Centre Culture et Foi au Montmartre à Québec, a terminé en invitant les participants à être des témoins crédibles de l’Évangile, en misant toujours sur la vérité, la cohérence, la beauté, l’amour, la confiance afin de passer de l’état de domination à l’état de service et de retrouver la fraicheur de l’Esprit.

Après cette enrichissante discussion et une période de questions avec le public, Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal, a présidé une messe, offrant aux participants une occasion de réflexion spirituelle et de communion. Une réception festive s’en est suivie, avec plusieurs prix de présence pour ceux et celles qui se sont déplacés en personne.

À propos de la Fondation du Grand Séminaire de Montréal

Fondée en 1984 par l’Association des Anciens du Grand Séminaire et un groupe de laïcs, la Fondation soutient concrètement le Grand Séminaire de l’Archidiocèse de Montréal afin d’offrir une formation de qualité et adaptée à la réalité de ce monde pour toute personne désirant œuvrer en Église ou pour enrichir leur soif de connaissance et de formation personnelle et chrétienne. La Fondation célèbre en 2024 son 40e anniversaire d’existence. Pour en savoir plus ou pour faire un don, visitez le fgsm.org.

Pour toute question ou demande d’information supplémentaire :

Aline Bedros, Torchia Communications – 514-250-2332 – aline@torchiacom.com


[1] Mme Ellen Roderick, Professeure, Grand Séminaire de l’Archidiocèse de Montréal

[2] Yves Guérette, Directeur de programmes en théologie pratique, Professeur agrégé, Université Laval

[3] M. Guy Guindon, PSS – Recteur, Grand Séminaire de l’Archidiocèse de Montréal

[4] Édouard Shatov, directeur du Centre Culture et Foi au Montmartre à Québec. Un pèlerin russe au XXIe siècle : Entretiens avec Édouard Shatov