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Lettre adressée à Félix Tshisekedi, Président de la République Démocratique du Congo.

Freddy Kyombo Senga

Par Freddy Kyombo Senga

Monsieur le Président,

Les Latins disaient : « Roma locuta, causa finita », pour dire qu’une fois que Rome a tranché une affaire, il n’y a plus de discussion sur le sujet. La cour constitutionnelle de mon pays vous a institué président en cette journée du 20 janvier 2024, il n’y a plus de discussion sur cette matière pour ceux qui respectent la loi de notre pays. À travers la dernière déclaration de la Cenco[i], vous avez certainement entendu la promesse de l’Église qui s’engage à vous accompagner pour la réussite de votre deuxième mandat auquel vous avez droit.

Monsieur le président, comme citoyen de mon pays, n’étant pas en recherche d’emploi ni d’une quelconque reconnaissance, j’aimerais m’adresser à vous pour vous souhaiter sincèrement une bonne réussite durant votre nouveau mandat, car il en va du bien de tous mes amis et du peuple congolais tout entier. Si le président de la République ne réussit pas, la conséquence directe, c’est la souffrance de la population… nous en avons déjà l’expérience.

Étant observateur de nature, je voudrais vous partager, avec une posture constructive, quelques recommandations que j’exprimerais à tout citoyen qui aurait été élu au poste que vous occupez en cette période de l’histoire de notre pays.

J’aurais demandé à mon président, chef de l’État Congolais, une fois élu, de prendre une distance « d’objectivité » par rapport aux militants de son parti politique qui chercheraient à faire de lui une « propriété » privée de leur famille politique. Je comprends très bien le sentiment de reconnaissance envers ceux qui ont soutenu sa candidature, parce que de la même famille politique. Mais seulement, une fois élu, il est le président de toute la république et donc redevable à toute la nation. Il est responsable de son bilan devant le peuple tout entier. Il devrait donc se méfier de ceux qui s’agglutinent autour de lui et qui lui chuchotent : « c’est notre pouvoir ! » (Faisons-en ce que nous voulons) … Ceux-là ne seront jamais inquiétés par la loi ou jugés par l’histoire en cas d’échec lors de son mandat. En plus de ça, c’est ce genre de comportement qui enracine et exacerbe les clivages tribaux et les actes tribalistes dans notre pays.

J’aurais conseillé à mon président de ne pas permettre à son entourage de traiter avec mépris et arrogance ses adversaires politiques. Si ces derniers étaient capables de compétitionner contre lui, s’ils ont montré la capacité de faire adhérer une partie des citoyens à leur cause, ce sont logiquement des personnes à respecter et avec qui dialoguer.

Je ne parle pas du « dialogue malhonnête pour se répartir le gâteau » … je parle d’un dialogue civilisé où les braves compétiteurs se reconnaissent mutuellement, se demandent pardon pour les « débordements verbaux ou l’excès de zèle de leurs militants » pour se concentrer sur le bien à faire au peuple de toutes tendances confondues. Il est le président et il a le pouvoir d’approcher humblement tout citoyen susceptible de lui prodiguer un conseil sur la manière de mieux servir la population pour laquelle il a postulé pour la présidence.

J’ai sciemment utilisé le mot « humblement » pour signifier que l’orgueil et surtout l’arrogance démontrent plus la « petitesse » d’une personne que sa « grandeur ». Un président a le devoir de sauvegarder la grandeur de son peuple en affichant des valeurs qui promeuvent et fédèrent son peuple. Ainsi, il peut approcher les citoyens qu’on qualifie ou qui se qualifient d’opposants, pour parler avec eux du bien du pays. Puisqu’ils avaient de bonnes idées en postulant comme lui, ils pourraient aussi partager avec lui les méthodes qu’ils ont conçues pour soulager rapidement la souffrance de leur peuple. S’ils sont abordés avec tout le respect, ils ne vont pas refuser d’aider les peuples qu’ils voulaient servir ; à moins d’être foncièrement vicieux. Tout ceci devrait pouvoir se faire sans nécessairement rabaisser ses adversaires politiques en leur proposant « des postes » ou « de l’argent ».

Monsieur le président, un grand homme d’État ratisse large pour trouver les « perles » rares qui peuvent apporter leurs reflets « diversifiés » pour le bien et la beauté d’une nation. Ne laissez surtout pas votre entourage et vos conseillers donner de vous l’image d’un chef qui, curieusement, ne choisit souvent ses collaborateurs que parmi des personnes ressortissantes de son « espace géographique d’origine ».

L’expérience nous a montré que fréquemment les personnes choisies de cette manière, prennent leurs aises et, par leurs actions, ternissent l’image du chef de qui ils se réclament. Quoi de plus naturel que les gens arrivent à conclure que le chef est certainement au courant de ce genre de comportement et qu’il est probablement complice de cette méconduite. Il est parfaitement possible de se mettre à l’abri en mettant sur pied une manière équitable de recruter des collaborateurs qui rassurent la nation entière.

On n’est pas obligé de copier les bêtises des autres. Ainsi, justifier ce comportement avec les arguments tels « c’est la seule personne qui est compétente en ce domaine, c’est un expert mondialement connu » sonne comme un vulgaire mensonge, surtout quand ladite personne n’arrive pas à produire les résultats escomptés. Si les offres d’emploi ou les appels d’offres étaient transparents et réellement publics, je suis sûr que les services seraient nettement meilleurs. Les citoyens auraient déjà leurs permis de conduire ou leurs cartes d’identité et beaucoup d’autres services qui nous classent parmi les pays les plus risibles de la planète Terre. Les compétences, il y en a beaucoup si on les cherche de la bonne manière.

Mon président, le peuple tout entier regarde vers vous pour sentir que votre gouvernance améliore effectivement leur vécu quotidien. Ils n’ont plus besoin de plus de promesses ; tout a été déjà dit. Je demanderai à mon président, s’il veut réussir son deuxième et dernier mandat, d’être extrêmement regardant sur la productivité de chaque ministère et sur l’équité de tous ceux qui façonnent notre nation à la base. Parlant de ces derniers, et ne prenant que l’exemple des enseignants, des agriculteurs, des policiers et des militaires… je n’hésiterais pas à vous dire, qu’en termes de salaire, ils devraient être mieux traités que les parlementaires.

Les enseignants façonnent notre nation en « édifiant » jour après jour tous les citoyens qui seront appelés à bâtir une nation forte au cœur de l’Afrique. En les « paupérisant » tel qu’ils le sont aujourd’hui, nous coupons nous-mêmes les « racines » qui devaient faire de notre pays ce « grand arbre » sous lequel toutes les nations d’Afrique et d’ailleurs pourraient venir s’abriter et vivre. Les enseignants pauvres ne peuvent produire que des cadres médiocres, sans ambition et sans esprit de grandeur.

Quant aux agriculteurs dont la vocation est de nourrir toute la nation, s’ils n’ont pas l’appui des crédits bancaires, ils ne compteraient que sur de maigres récoltes qui feraient du Congolais un peuple mal nourri et dont les ambitions ne resteraient qu’au niveau du « ventre », des besoins de base. Ce n’est pas une recette qui contribue à la construction et au développement d’une nation forte.

Quant aux policiers et militaires, paupérisés à outrance tels qu’ils sont, les armes qu’ils portent deviennent une tentation irrésistible pour la délinquance et la prédation ; ils deviennent un danger pour la population et pour la nation, car leur violence et leur délinquance révoltent la population contre les gouvernants.

Cher président, il y a moyen, sans grands discours et sans trop de promesses, de réparer cette partie de la gestion de la cité. Donnez-leur des salaires décents, même l’équivalent de 500 $ que nos parlementaires « claquent » en une soirée, juste pour s’amuser… cela nourrirait et donnerait un peu de dignité à ceux qui ont la charge d’éduquer, de nourrir et de protéger votre peuple.

J’aurais pu dire tout ceci avec une grande colère, mais j’ai choisi la patience, comme celle de notre Dieu qui nous donne toujours une seconde chance malgré nos errements.

Si vous m’écoutez, c’est très bien ! Si vous vous offusquez, je vous comprendrai très bien. Je suis un citoyen Congolais et je ne fais que mon devoir de m’adresser à celui qui a la responsabilité du peuple auquel j’appartiens. Une parole de Dieu peut nous aider tous : « Sagesse 6, 1-9 ».

Que Dieu le miséricordieux vous bénisse et vous guide dans l’accomplissement de sa volonté pour le peuple congolais

Une voix qui crie dans le désert !


[i] La Conférence épiscopale nationale du Congo (abrégé Cenco) est une conférence épiscopale de l’Église catholique qui rassemble les ordinaires de la hiérarchie catholique en République démocratique du Congo.