J’ai rencontré André-Man Mbombo pour la première fois en 2018 au Centre Afrika de Montréal[1]. L’année précédente, j’avais été nommé directeur du Centre Afrika de Montréal après une dizaine d’années vécues au Zaïre, l’actuelle République Démocratique du Congo, une autre dizaine d’années au Malawi et cinq ans en Zambie, plus précisément à Lusaka, la capitale.
Je venais de finir de lire son roman « L’albinos avatar et la Première Dame[2]» et je me suis rappelé la réaction de très jeunes enfants qui pleuraient ou qui étaient effrayés en voyant ma peau blanche de « Muzungu[3] ». André-Man m’a alors répondu calmement : « On est tous albinos de quelqu’un d’autre. Tout ce qui est différent ne laisse personne indifférent. » L’albinos avatar était à cette époque une trilogie de trois tomes qui attendaient dans le tiroir de l’éditeur.
En tant qu’avocat et profondément attristé du sort misérable que connaissent tant d’albinos à travers le monde et plus particulièrement en Afrique, André-Man Mbombo se devait de lutter pour la promotion des droits des personnes vivants sans mélanine. Il s’est donné pour mission de rédiger un projet aux Nations Unies avec pour objectif de faire voter une Déclaration universelle des droits humains des personnes vivant avec albinisme.
Au même moment se tenait la 44e session de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie (APF) qui s’est venue à Québec en juillet 2018. Il a alors réussi à soumettre un projet de déclaration et a obtenu l’adoption de la Résolution sur l’importance de l’éducation sur les droits des personnes vivant sans mélanine[4]. Cette importante résolution d’un parlement planétaire reconnaissait que les personnes vivant sans mélanine, que nous appelons amélaniques[5], sont des êtres humains au sens de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.
Me Mbombo est un homme de loi qui a le sens du devoir et de la mission. Il ne reste pas indifférent devant l’injustice et les inégalités.
J’ai aussi lu son essai sur la nationalité congolaise, L’Apartheid Légal qui piège le Congo : une diaspora ostracisée à vie[6]. Il s’agit d’un véritable plaidoyer contre le principe constitutionnel de l’unicité et de l’exclusivité de la nationalité congolaise. Il s’est même proposé de déposer une requête devant la Cour constitutionnelle de la République Démocratique du Congo en annulation de ce principe qu’il estime inique, car il prive le Congo d’une partie de sa population du fait du constituant.
Dans le présent essai, Me Mbombo s’attaque à la disposition constitutionnelle qui nie les droits de propriété de l’État congolais sur le sol et le sous-sol congolais ainsi que leurs produits naturels. Il s’agit, il faut le reconnaître, d’un exercice difficile dont l’auteur s’acquitte en comparant les Constitutions et lois d’avant 2006 avec la Constitution en vigueur. Ce fait du constituant a accentué le paradoxe congolais : un pays immensément riche dont les populations sont parmi les plus pauvres au monde.
Optimiste de nature, André-Man Mbombo ne qualifie pas les ressources naturelles du Congo de malédictions et démontre comment les minerais du sang extraits des terres congolaises peuvent servir de vecteur de la paix et éloigner les bruits des bottes et les crépitements des balles du Congo.
Pour lui, la puissance et l’opulence de la République Démocratique du Congo passent absolument par la croissance de sa démographie avec l’abolition du principe de l’unicité et de l’exclusivité de la nationalité congolaise, et par la récupération par l’État congolais de ses droits de propriété sur ses ressources naturelles.
Il prône en outre le paradigme en matière minière pour passer de l’exploitation minière industrielle à l’industrie minière au Congo. Le Congo doit cesser d’être pourvoyeur des matières premières brutes pour une industrialisation des mines et des carrières de l’extraction à la transformation des minerais bruts en produits semi-finis et en produits finis.
Tout compte fait, je trouve cet essai révolutionnaire surtout lorsqu’il met l’être humain au centre des activités minières avec l’introduction de l’acceptabilité sociale dans le développement des projets miniers. En outre, il suggère la création d’un institut national des générations et d’un fonds de développement local pour aider les populations riveraines.
Sur ce, j’ai eu beaucoup de plaisir à lire cet essai que j’ai trouvé intéressant et instructif à tous égards. Je le conseille à tout le monde surtout à ceux et celles qui n’ont jamais mis pied au Congo.
Serge St-Arneault, M.Afr
André-Man Mbombo, Le Congo , un collosse aux pieds d’argile ? Une constitution qui a détruit l’État congolais, Essai, Édition Solstice Austral, Montréal, 2023, 263 pages. Prix : $30.00
[1] Les Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs) ont créé le Centre Afrika en 1988 afin de permettre aux Africains de tisser des liens d’amitié entre eux et favoriser ainsi un vivre-ensemble harmonieux dans la société québécoise. Le Centre au 1644 rue St-Hubert, Montréal, QC H2L 3Z3 | www.centreafrika.com
[2] André-Man Mbombo, L’Albinos avatar et la Première Dame, Solstice Austral, Montréal, 1er édition, 2015, 493 pages.
[3] Terme swahili pour désigner l’Européen blanc.
[4] APF, 44e Session, Québec (Québec), 5-10/07/2018, Annexe 3.
[5] Ce terme amélanique est un néologisme qui exprime bien ce qu’il veut dire, c’est-à-dire ‘sans’ mélamine. Il est proposé à la place du terme « albinos » qui a une connotation péjorative.
[6] Éditions Solstice Austral, Montréal, 2022, 202 pages.